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09/06/2022 | FRANCE | N°19MA05275

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 09 juin 2022, 19MA05275


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Dyn@mique Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et celle de l'amende fiscale prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts qui lui a été infligée.

Par un jugement n° 1801708 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a

rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Dyn@mique Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et celle de l'amende fiscale prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts qui lui a été infligée.

Par un jugement n° 1801708 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 décembre 2019 et 28 juillet 2020, la SARL Dyn@mique Bâtiment, représentée par Me Munoz, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ainsi que celle de l'amende précitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis des erreurs de droit, de fait et d'appréciation des faits ;

- elle a été privée de la garantie substantielle du recours hiérarchique résultant de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié et du principe des droits de la défense ;

- les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés ont débuté avant l'envoi d'un avis de vérification et au même moment que les vérifications effectuées en matière de taxe sur la valeur ajoutée, de sorte que les droits de la défense ont été méconnus ;

- les dépenses de représentation en litige ont été exposées dans l'intérêt de la société et non à des fins personnelles de son dirigeant ; elle était ainsi fondée à déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces charges ;

- elle entend se prévaloir des instructions fiscales référencées BOI-BIC-10-10-10 et BOI-BNC-BASE-40-60-60, ainsi que de la réponse ministérielle à M. A..., député, publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 7 mai 1969, p. 1285 n° 1458 ;

- elle n'a établi au profit de la société Kilou aucune facture de complaisance au sens des dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts ;

- cette amende n'est pas motivée ;

- en tout état de cause, l'amende fiscale appliquée aurait dû être celle prévue par l'article 1740 A du code général des impôts et non celle issue du 1 du I de l'article 1737 précité ;

- les rectifications concernant la taxe sur la valeur ajoutée sur le véhicule de transport ne sont pas motivées ;

- l'application cumulée de l'amende fiscale et de la pénalité de 80 % porte atteinte au principe constitutionnel de proportionnalité et au principe de non-cumul, et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les pénalités de 80 % et de 40 % appliquées sont infondées dès lors que le service ne démontre pas la mauvaise foi du gérant, pas plus que son intention délibérée de frauder ;

- elle entend se prévaloir de la doctrine référencée BOI-CF-IN-10-20-20 n° 40 du 8 mars 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la présente requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Un mémoire a été enregistré le 20 août 2020, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 22 février 2022, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre les pénalités pour manœuvres frauduleuses, lesquelles ont été entièrement dégrevées par décision du 23 juin 2017.

Une réponse à ce moyen d'ordre public, présentée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance et enregistrée le 25 février 2022, a été communiquée à la SARL Dyn@mique Bâtiment.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Dyn@mique Bâtiment, spécialisée dans la rénovation de bâtiments, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 au terme desquelles l'administration fiscale lui a notamment notifié, selon la procédure contradictoire, par proposition de rectification du 26 juin 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, assortis de pénalités de 40 % et 80 %, et lui a infligé l'amende fiscale prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts. La société Dyn@mique Bâtiment relève appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés, ainsi que de l'amende fiscale prévue au 1 du I de l'article 1737 précité.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 23 juin 2017, l'administration fiscale a prononcé, antérieurement à l'introduction de la requête, le dégrèvement de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses, d'un montant de 9 085 euros, dont avaient été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société appelante résultant de l'établissement de factures de complaisance à la société Kilou au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. Dès lors, les conclusions tendant à la décharge de cette majoration sont, ainsi que la Cour en a informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, sans objet et par suite irrecevables.

Sur le surplus des concluions aux fins de décharge :

3. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Le paragraphe 6 du chapitre Ier de la charte remise au contribuable prévoit que : " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur départemental ou régional. Leur rôle vous est précisé plus loin (page 16). Vous pouvez les contacter pendant la vérification ". Pour sa part, le paragraphe 4 du chapitre III de cette charte indique que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...). Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (voir p. 4) ".

4. La possibilité pour un contribuable de s'adresser, dans les conditions édictées par le paragraphe 6 du chapitre Ier et par le paragraphe 4 du chapitre III de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure contradictoire, en premier lieu, au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification, pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle, et, en second lieu, après la réponse faite par l'administration fiscale aux observations du contribuable sur cette proposition, pour ce qui a trait au bien-fondé des rectifications envisagées.

5. Par son courrier du 27 juillet 2015, la société Dyn@mique Bâtiment, par le biais de son conseil, a sollicité " dès à présent les entiers recours, comme prévu par les textes, qu'ils soient hiérarchiques ou devant la Commission des ID [impôts directs] et TCA [taxes sur le chiffre d'affaires] ". Cette demande présentée après réception par la société de la proposition de rectification du 26 juin 2015, et qui porte également sur une prorogation du délai de réponse pour présenter des observations à cette dernière, a été formulée avant que le vérificateur, dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 21 septembre 2015, ne fasse connaître à la requérante qu'il maintenait les rectifications antérieurement notifiées. Ainsi, cette demande d'entretien n'a pas été présentée dans les conditions mentionnées par les dispositions précitées de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Cependant, par un courriel du 17 mars 2016 adressé au secrétariat de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, soit après la réception de la réponse aux observations du contribuable précitée et avant la mise en recouvrement des impositions en litige, le conseil de la requérante a indiqué, après l'avoir informé qu'il serait absent à la réunion de cette commission, qu'il maintenait ses " différentes demandes de recours hiérarchique auprès des interlocuteurs compétents ". La SARL Dyn@mique Bâtiment doit ainsi être regardée comme ayant expressément et valablement reformulé auprès de l'administration fiscale la saisine du supérieur hiérarchique du vérificateur ayant trait au bien-fondé des rectifications envisagées, nonobstant le fait que ce courriel n'a pas été adressé directement au vérificateur. Il est constant que l'administration fiscale, qui ne conteste pas la réception de ce message, n'a pas donné suite à cette demande. Par suite, la société appelante est fondée à soutenir qu'elle a été irrégulièrement privée de l'une des garanties procédurales offertes par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL Dyn@mique Bâtiment est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a refusé de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, ainsi que de la pénalité de 40 % appliquée aux rappels de cette taxe relatifs aux dépenses personnelles du gérant et de location d'un véhicule de transport prises en charge par cette société, et celle de l'amende fiscale prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts qui lui a été infligée.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SARL Dyn@mique Bâtiment de la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La SARL Dyn@mique Bâtiment est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, ainsi que de la pénalité de 40 % appliquée aux rappels de cette taxe, relatifs aux dépenses personnelles du gérant et de location d'un véhicule de transport, et celle de l'amende fiscale prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts qui lui a été infligée.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1801708 du 18 octobre 2019 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Dyn@mique Bâtiment la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Dyn@mique Bâtiment est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Dyn@mique Bâtiment et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

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N° 19MA05275


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05275
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-04 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : MUNOZ

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-09;19ma05275 ?
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