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09/06/2022 | FRANCE | N°19MA03753

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 09 juin 2022, 19MA03753


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé, par deux requêtes, au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1705251, 1705253 du 24 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge de la part des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux ayant résulté de la majoration de

25 % de la base imposable des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2008 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé, par deux requêtes, au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1705251, 1705253 du 24 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge de la part des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux ayant résulté de la majoration de 25 % de la base imposable des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 août 2019 et 12 février 2020, M. D..., représenté par la AARPI Steering Legal agissant par Me Bette, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 mai 2019 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions demeurant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le contrôle a débuté avant l'envoi d'un avis l'informant d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ; il entend se prévaloir à cet égard de la doctrine référencée BOI-CF-PGR-20-20 n° 20 et n° 50 ;

- il n'a jamais reçu les courriers qui lui auraient été adressés le 25 juillet 2011, contrairement à ce qui est mentionné dans la proposition de rectification ;

- il n'a pas été correctement informé de la teneur et l'origine des renseignements obtenus par l'administration dans le cadre de son droit de communication en violation de l'article L. 76 B du code général des impôts ;

- le montant des bases rectifiées pour chaque année tel qu'il figure en page 17 de la proposition de rectification du 5 décembre 2011 ne correspond pas à celui repris pour la détermination des bases imposables après rehaussement, de sorte que la proposition de rectification n'est pas motivée au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; à ce titre, il se prévaut de la doctrine référencée BOI-CF-IOR-10-40 n° 40 ;

- il n'est pas établi que le service ait notifié régulièrement la proposition de rectification adressée à la SARL A... ;

- l'administration ne justifie pas que les factures correspondant à des travaux d'entretien et d'équipement de la maison qu'il occupe à Velaux, ainsi qu'à l'achat d'un tracteur et au paiement d'honoraires à Me R. n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la SARL A... ;

- la cession d'un véhicule de marque Bentley par la SARL A... ne constitue pas une libéralité que le service pouvait imposer entre ses mains dans la catégorie des revenus distribués sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts ;

- les charges relatives au bateau dénommé " Areia Vermelha " étant déductibles du bénéfice de la SARL A..., dès lors qu'il n'a pas utilisé ce bateau à des fins personnelles, elles ne peuvent s'analyser comme un revenu distribué ; le tribunal a commis une erreur sur les sommes correspondantes qui s'élèvent à 24 835 euros et non à 25 889 euros ;

- il a fait l'objet d'une double taxation dès lors que les sommes mises à sa charge à raison de l'achat des 500 actions de la société maltaise I...ont déjà été imposées à l'impôt sur les sociétés dans le cadre de rehaussements notifiés à la SARL A... à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2003 au

31 décembre 2004 ;

- la méthode de calcul retenue par l'administration fiscale pour déterminer la valeur des titres de la société maltaise I... cédés en 2008 est erronée, et le prix des actions s'élève en réalité à 270 000 euros ;

- la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, qui n'est pas suffisamment motivée, n'est pas justifiée ; il se prévaut à ce titre de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-DG-20-20 n° 140 et de celle référencée BOI-CF-INF-10-20-20 n° 30.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la SARL A..., dont il est gérant et associé à hauteur de 98 % du capital social, M. D... a fait l'objet d'un examen de sa situation personnelle portant sur les années 2008 et 2009 à l'issue duquel, par une proposition de rectification du 5 décembre 2011 notifiée selon la procédure contradictoire, l'administration a procédé à des rehaussements de l'impôt sur le revenu de l'intéressé et des contributions sociales afférentes au titre des années précitées. M. D... relève appel du jugement du 24 mai 2019 par lequel, après avoir prononcé la décharge de la part des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux ayant résulté de la majoration de 25 % de la base imposable au titre des années 2008 et 2009, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, M. D... persiste à soutenir, comme en première instance, que les opérations de contrôle ont débuté avant l'envoi d'un avis l'informant d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, sans apporter d'éléments nouveaux au soutien de ce moyen, qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les rectifications, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

4. La proposition de rectification du 5 décembre 2011 indique de manière suffisamment précise l'origine et la teneur des informations recueillies par le vérificateur dans le cadre de l'exercice de son droit de communication effectué respectivement auprès de la SAS Platynum le 21 juin 2011 pour connaître l'identité du vendeur d'un véhicule de marque Bentley pour un montant de 120 000 euros, auprès du Crédit agricole le 4 avril 2011 afin d'obtenir le relevé bancaire de novembre 2008 manquant du compte personnel de M. D..., ce dernier ayant également fourni spontanément ce relevé le 4 mai 2011, ainsi qu'auprès des services douaniers au sujet d'un contrôle effectué à bord d'un navire battant pavillon maltais dénommé " Areia Vermeha " dans le port de Bonifaccio le 15 juillet 2009. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas soutenu, que M. D..., qui a été mis à même d'avoir accès aux documents obtenus, aurait demandé leur communication, avant la mise en recouvrement des impositions en litige. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

5. En troisième lieu, si M. D... indique ne pas avoir reçu deux courriers relatifs à une demande d'information et à une proposition de rencontre avec le vérificateur, il résulte de l'instruction que le courrier du 25 juillet 2011, relatif d'ailleurs à une demande d'information non contraignante, est revenu " non réclamé ", et que l'entretien avec le vérificateur a fait l'objet de deux nouvelles propositions de rencontre par celui-ci, conduisant finalement à un entretien intervenu le 12 novembre 2011.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs.

7. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 5 décembre 2011 adressée à M. D... comporte la mention de l'impôt, en l'espèce l'impôt sur le revenu, le montant des cotisations supplémentaires et les périodes d'imposition concernées. Elle précise le fondement légal des rectifications et indique de manière précise les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour établir ces cotisations supplémentaires, en explicitant le détail du calcul de l'impôt dû. Elle se livre en outre à une analyse détaillée des montants des revenus distribués mis à la charge du requérant et reproduit un extrait pertinent de la proposition de rectification adressée le 22 juillet 2011 à la SARL A... à l'origine des revenus distribués à son profit, et qui sont en totalité à l'origine des rehaussements contestés. Si M. D... soutient, comme en première instance, que le montant des bases rectifiées pour chaque année tel qu'il figure en page 17 de la proposition de rectification du 5 décembre 2011, soit 583 840 euros pour 2008 et 79 410 euros pour 2009, ne correspond pas à celui repris pour la détermination des bases imposables après rehaussement, soit respectivement 727 250 euros et 98 077 euros, il résulte de l'instruction que cette différence s'explique par l'application du coefficient de 1,25 aux revenus distribués, imposés sur le fondement des articles 109 et 111 du code général des impôts. Enfin, si l'intéressé fait valoir, sans aucune précision utile, que la proposition de rectification se réfère aux rehaussements de la SARL A..., dont le montant est erroné, pour motiver ses propres rectifications, un tel argument relève cependant du bien-fondé des rectifications et non de la motivation formelle de la proposition de rectification. Par suite, contrairement à ce que soutient M. D..., l'administration fiscale expose ainsi de manière suffisamment détaillée les motifs de droit et de fait à l'origine des rectifications envisagées pour lui permettre de présenter utilement ses observations. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification du 5 décembre 2011 doit être écarté comme manquant en fait.

8. En cinquième lieu, en vertu du principe de l'indépendance des procédures de rectification menées à l'encontre d'une société de capitaux, d'une part, et de ses associés, d'autre part, est sans incidence sur les impositions en litige mises à la charge de M. D..., le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de la proposition de rectification adressée à la SARL A....

9. En dernier lieu, les énonciations des doctrines référencées BOI-CF-PGR-20-20 n° 20 et n° 50, ainsi que BOI-CF-IOR-10-40 n° 40 sont relatives à la procédure d'imposition et ne constituent donc pas une interprétation d'un texte fiscal dont M. D... pourrait se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

10. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) / e. Les dépenses et charges dont la déduction pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés est interdite en vertu des dispositions du premier alinéa et du c du 4 de l'article 39 ".

En ce qui concerne les dépenses et les amortissements de biens à caractère personnel déduits par la SARL A... :

11. M. D... a, par courrier du 21 février 2012, contesté les rectifications relatives aux revenus de capitaux mobiliers taxés sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. En application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'administration de démontrer tant l'existence et le montant de ces revenus que leur appréhension par le contribuable.

12. Pour contester les rectifications en litige, M. D... fait valoir que l'administration ne justifie pas que les factures correspondant à des travaux d'entretien et d'équipement de la maison qu'il occupe à Velaux, ainsi qu'à l'achat d'un tracteur et au paiement d'honoraires à Me R. n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation de la SARL A....

13. D'une part, l'intéressé soutient que la maison de Velaux accueille, en vertu d'un bail signé entre la SCI G..., propriétaire des lieux, et la SARL A..., le siège social de cette société, qui utilise le bâtiment pour organiser des réunions commerciales et des assemblées générales, soit une superficie de 60 m² répartie en deux salles, ainsi que pour y entreposer des dossiers juridiques et comptables nécessitant une surface de 80 m². Il fait en outre valoir que l'utilisation professionnelle des lieux justifie également le financement par la SARL A... d'un système de vidéo-surveillance, ainsi que le règlement des factures liées à l'entretien du jardin, au chauffage du bâtiment et à l'achat d'un tracteur destiné à l'entretien du terrain. Cependant, il résulte de l'instruction que la SCI G... est propriétaire au lieu-dit " C... de G... " d'une villa de 276 m² correspondant à l'habitation principale de M. D..., d'une piscine et d'un pavillon indépendant de 25 m². Or, il ressort du bail signé entre la SARL A... et la SCI précitée que le bien loué à la SARL A... correspond au seul pavillon indépendant. Le requérant ne justifie pas que la SARL A... occupait une partie de la villa qui constituait son habitation principale dès lors qu'aucun bail n'a été signé en ce sens et que, comme le relève l'administration, aucune surface n'a été prise en compte, à ce titre, dans la valeur locative foncière de la taxe professionnelle de la société utilisatrice. Si M. D... produit des conventions passées entre la SARL A... et, d'une part, la SAS H...et, d'autre part, la SAS B... qui, selon lui, font état de l'existence d'un espace professionnel au sein de la propriété précitée, de telles conventions, qui sont purement descriptives, ne permettent pas de connaître la consistance exacte des locaux occupés par la SARL A... à titre professionnel. En outre, la seule circonstance qu'un agent vérificateur a pu reconnaître, dans un message daté du 7 octobre 2014, que l'intervention du 6 octobre avait eu lieu au " siège social de la société " ne peut avoir aucune incidence dans le cadre d'une procédure diligentée en 2011 et 2012, et ayant donné lieu aux rectifications en litige. Il en résulte ainsi que la mise en place d'un système de télésurveillance de la propriété et les dépenses de fioul comptabilisées au titre de l'année 2008 correspondaient à des dépenses personnelles de M. D..., et non à des charges exposées dans l'intérêt de l'exploitation de la société. Il en est de même des prestations de jardinage relatives à l'entretien de la pelouse, l'abattage et l'élagage des arbres.

14. D'autre part, comme l'ont relevé les premiers juges, il ressort des propres déclarations du requérant, que la SARL A... a pris en charge les dépenses liées à l'achat d'un tracteur, et a déduit les charges d'amortissement correspondantes alors que ce matériel était utilisé par deux sociétés tierces, dont il est également associé, le requérant disposant par ailleurs, à titre personnel, d'un terrain agricole de plus de deux hectares, attenant à la villa qu'il occupe. De telles dépenses n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société mais ont bénéficié à titre personnel à M. D....

15. Enfin, M. D... conteste la réintégration dans le résultat imposable de la SARL A..., des dépenses d'honoraires de Me R.. Il a d'abord déclaré à l'administration et aux premiers juges que cette dépense était afférente à des prestations d'assistance aux assemblées générales et de conseil relatives à des procédures de licenciement. Devant la Cour, il soutient qu'elles se rattachent à un litige entre Mme M., son ex-épouse, et la SARL A... relatif à la mise à disposition d'un véhicule loué par cette société. Toutefois, il n'en justifie pas en se bornant à produire une assignation à comparaître par devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, datée du 21 mai 2008, visant Mme M. et initiée par la SARL A.... A cet égard, les sommes concernées sont de 668 euros et 501 euros HT et ont été acquittées les 30 octobre et 2 juin 2009, de sorte que le lien avec l'assignation datée de 2008 n'est pas établi. Par ailleurs, l'administration fait valoir, sans être utilement contredite, que ces factures concernent en réalité un litige opposant le requérant à son ex-épouse, dans le cadre de la gestion de la SCI G.... Dans ces conditions, les frais en cause n'ont pas été effectivement exposés dans l'intérêt de l'exploitation de la société qui les a supportés mais ont bénéficié à titre personnel à M. D....

16. Il résulte de ce qui précède aux points 11 à 13 que, par application du c) de l'article 111 du code général des impôts, l'administration était, par suite, fondée à réintégrer les sommes correspondantes dans le revenu imposable de M. D... au titre des années 2008 et 2009, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

En ce qui concerne la cession d'immobilisation à prix minoré consentie par la SARL A... :

17. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minorée, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, et d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession. Dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêts, cette intention est présumée.

18. M. D... a acquis un véhicule Bentley immatriculé 467 AQX 13 pour un montant de 65 400 euros le 19 août 2009 auprès de la SARL A..., dont il était le gérant et associé. Ce véhicule a été revendu par l'intéressé, quelques jours après son achat, le 24 août 2009, pour un montant de 120 000 euros, à la SAS F..., concessionnaire de la marque Bentley, qui a par ailleurs conclu, le 18 août 2009, avec la SARL A... un contrat de crédit-bail en vue de l'acquisition d'une Bentley Continental GT Speed, pour un montant de 218 000 euros. Estimant que la vente du véhicule à M. D... avait délibérément été consentie à un prix très inférieur à sa valeur vénale, l'administration a estimé que la somme de 54 600 euros correspondant, selon elle, à la minoration du prix de vente par la société constituait une libéralité consentie par la SARL A... et acceptée par M. D..., et devait ainsi être taxée sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.

19. Si M. D... soutient que l'achat du véhicule Bentley auprès de la SARL A... a été réalisé aux conditions du barème de l'argus, il ne l'établit pas en se prévalant de données de l'année 2011, concernant un véhicule ayant un kilométrage différent, qui ne peuvent être regardées comme reflétant les conditions spécifiques du marché lors de la vente en litige. L'administration fiscale fait en outre valoir, sans être utilement contredite, d'une part, que le véhicule acheté par M. D... était équipé d'accessoires d'une valeur de 15 075 euros et, d'autre part, que l'intéressé n'a réglé l'achat du véhicule à la SARL A... que le 28 août 2009, c'est-à-dire après avoir lui-même revendu le véhicule pour la somme de 120 000 euros. En se bornant à soutenir qu'il n'existe pas de réel marché de l'occasion pour ce type de véhicule et que seuls des contacts privés rendent les transactions possibles, le requérant ne critique pas utilement l'estimation, réalisée par le service, de la valeur vénale du bien cédé. En outre, ainsi qu'il a été dit, l'acquéreur, M. D..., était également le gérant de la SARL A..., ce qui laisse présumer l'intention conjointe du vendeur d'accorder un avantage sans contrepartie et de l'acquéreur de recevoir cet avantage consenti à titre gratuit. Dès lors, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé entre ses mains une somme au titre d'une insuffisance de prix de vente du véhicule en litige constitutive d'un revenu distribué sur le fondement des dispositions, précitées au point 9, du c) de l'article 111 du code général des impôts.

En ce qui concerne les charges somptuaires de la SARL A... :

20. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) / 4. (...) sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt, (...) les charges, à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences (...). / Sauf justifications, les dispositions du premier alinéa sont applicables : (...) / c) Aux dépenses de toute nature résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de yachts ou de bateaux de plaisance à voile ou à moteur ainsi que de leur entretien ; (...) ". Ces dispositions concernent les charges qu'expose une entreprise, fût-ce dans le cadre d'une gestion commerciale normale, du fait qu'elle dispose, même pour une courte durée, d'un bateau de plaisance auquel elle conserve ce caractère et dont elle ne justifie pas qu'il serait indispensable à la satisfaction d'un besoin spécifique lié à son activité.

21. Il résulte en outre des dispositions, précitées au point 9, du e) de l'article 111 du code général des impôts que sont notamment considérés comme revenus distribués les charges dont la déduction pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés est interdite en vertu des dispositions du c) du 4 de l'article 39 du même code. En l'absence d'acceptation des rectifications par le contribuable et lorsque celui-ci ne s'est pas lui-même désigné comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, comme c'est le cas en l'espèce, il incombe à l'administration fiscale d'apporter la preuve tant de l'existence et du montant des distributions que de l'appréhension des sommes en cause par leur bénéficiaire.

22. M. D... soutient que les dépenses effectuées au cours de l'exercice 2008 et qualifiées de somptuaires par l'administration, qui s'élèvent à la somme de 24 835 euros, et non comme mentionné à tort par les premiers juges à la somme de 25 889 euros, erreur matérielle sans incidence sur la régularité du jugement, sont en réalité des charges exposées dans la cadre de l'activité de la SARL A.... A cet égard, il soutient, comme en première instance, que l'utilisation du bateau concerné a permis la signature de contrats importants et qu'aucun loyer ne pouvait être comptabilisé par la SARL A... dès lors que la mise à disposition du bateau se faisait indifféremment à l'une ou l'autre société du groupe. Cependant, il résulte de l'instruction que le service a remis en cause le caractère déductible de ces dépenses au motif que M. D... a utilisé ce bateau à des fins personnelles, ainsi qu'en atteste un procès-verbal des douanes du 15 juillet 2009. Si le requérant soutient que le bateau a toutefois accueilli les clients les plus importants de la SARL A..., permettant ainsi d'entretenir des relations d'affaires, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à justifier du bien-fondé de ses affirmations et reconnaît lui-même que la société n'a pas perçu des loyers correspondant à la mise à disposition de ce bateau en faveur des autres sociétés du groupe à la tête duquel se trouve la SARL A.... Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause, sur le fondement du c) du 4 de l'article 39 du code général des impôts, la déductibilité de la somme de 24 835 euros au titre de l'exercice clos en 2008. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées du e) de l'article 111 du code général des impôts que le service a imposé entre ses mains cette même somme en qualité de revenus distribués.

En ce qui concerne la cession de titres de la société maltaise I... :

23. En cas d'acquisition par une société de titres à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minorée, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité constitutive d'une distribution de bénéfices. La preuve d'une telle distribution doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale des titres cédés, d'autre part, d'une intention pour la société d'octroyer, et pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.

24. Lors de la vérification de comptabilité dont la SARL A... a fait l'objet, au titre des exercices clos en 2008 et 2009, il a été constaté que cette dernière avait cédé à M. D..., en décembre 2008, les titres qu'elle détenait dans la société maltaise I..., soit 500 actions pour une valeur nominale totale de 1 162 euros. Le service a toutefois relevé que lors de cette cession, la société maltaise I... était encore propriétaire du bateau dénommé " Areia Vermelha ", qui faisait ainsi partie de son actif. Ce bateau ayant été mis en vente sur un site internet au prix de 520 000 euros, l'administration fiscale a estimé que la valeur vénale des titres cédés par la SARL A... devait s'apprécier au regard du prix de vente de ce dernier et que, par suite, le prix de cession des titres de la société maltaise I... avait été délibérément minoré. Elle a, en conséquence, considéré que la minoration du prix de cession des titres non cotés à hauteur de 517 790 euros constituait un revenu distribué entre les mains de M. D... sur le fondement des dispositions, précitées au point 9, du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts.

25. Pour procéder à la rectification en litige, l'administration a d'abord retenu que, pour justifier la valeur de cession des titres à M. D... en 2008 pour un montant de 1 162 euros, la SARL A... n'avait présenté ni l'acte de cession enregistré ni les éléments comptables justifiant la valorisation des titres cédés. Elle a en outre déduit des éléments constatés lors du contrôle des douanes effectué le 15 juillet 2009, à bord du navire battant pavillon maltais " Areia Vermelha ", que ce dernier appartenait à la société maltaise I... et que M. D... en avait la jouissance. Elle en a donc conclu qu'à travers le rachat des parts de la société maltaise, le requérant était devenu propriétaire du bateau. Ainsi, à défaut d'éléments comptables, la valeur vénale des titres cédés en 2008 a été établie par le service en retenant la valeur du bateau, celui-ci faisant partie de l'actif de la société I.... Elle a ensuite apprécié cette valeur en se fondant sur un prix fixé par la société précitée lors de la mise en vente du bateau, en 2010, auprès de MSC Yachting France, mais aussi sur des mises en vente effectuées, auprès d'autres intermédiaires, révélant que ce modèle de bateau, un voilier Moody 54 construit en 2003, se négociait entre 442 507 euros et 700 000 euros, la majorité étant mise en vente à un prix supérieur à 500 000 euros. Si le requérant, qui part de l'évaluation du prix du bateau neuf auquel doit être appliquée, selon lui, une décote de 10 % par an, soit la somme de 320 000 euros, et duquel doivent également être retranchés des aménagements (électronique-voile) pour un montant de 50 000 euros, aboutit à une valeur estimée de 270 000 euros, il n'apporte aucun élément justificatif étayant son évaluation. A cet égard, ni le courrier daté du 12 février 2009, qui n'avait été produit ni lors des opérations de contrôle ni devant les premiers juges, et par lequel la société MSC Yachting France indique que le prix demandé de 520 000 euros est trop élevé et devrait se situer aux alentours de 300 000 euros, sans aucune justification sur ce dernier prix, ni l'article de la revue " Voiles et Voiliers ", daté de novembre 2009 et faisant état d'une baisse du marché du bateau d'occasion de 10 à 15 %, ne permettent d'infirmer la méthode d'évaluation de la valeur du bateau retenue par l'administration, et par suite, des titres non cotés de la société I....

26. Par ailleurs, eu égard à l'écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale des titres cédés, l'administration doit être regardée comme ayant rapporté la preuve d'une libéralité. En outre, ainsi qu'il a déjà été dit, l'acquéreur, M. D..., était également le gérant de la SARL A..., ce qui laisse présumer l'intention conjointe du vendeur d'accorder un avantage sans contrepartie et de l'acquéreur de recevoir cet avantage consenti à titre gratuit. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a assujetti la somme de 517 790 euros, considérée comme des revenus distribués à M. D... sur le fondement des dispositions, précitées au point 9, du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

27. Enfin si M. D... fait valoir que la somme ainsi mise à sa charge présente le caractère d'une double imposition en se prévalant d'une procédure de rectification antérieure menée à l'encontre de la SARL A..., il ne l'établit pas dès lors que ces différentes impositions sont indépendantes et concernent des contribuables différents.

Sur les pénalités :

28. Contrairement à ce que soutient M. D..., l'administration, qui a indiqué le fondement légal des pénalités pour manquement délibéré prévues par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts et fait état, dans la proposition de rectification du 5 décembre 2011, des éléments de fait sur lesquels elle s'est fondée pour estimer que le requérant avait volontairement éludé l'impôt, a suffisamment motivé l'application de ces pénalités au sens de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

29. M. D... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de ce que les pénalités en litige ne sont pas fondées. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 21 du jugement attaqué.

30. En outre, si M. D... se prévaut de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-DG-20-20 n° 140, qui indique que la charge de la preuve de l'intention délibérée du contribuable incombe à l'administration, et de celle référencée BOI-CF-INF-10-20-20 n° 30, qui se borne à rappeler qu'il " appartient au service de réunir tous éléments d'information ou d'appréciation utiles en vue d'établir que le contribuable ne pouvait pas ignorer les insuffisances, inexactitudes ou omissions qui lui sont reprochées et que l'infraction a donc été commise sciemment ", ces dernières ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application.

31. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de ses demandes. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées, ainsi qu'en tout état de cause, celles afférentes aux entiers dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

2

N° 19MA03753

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03753
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : AARPI STEERING LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-09;19ma03753 ?
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