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02/06/2022 | FRANCE | N°20MA02652

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 02 juin 2022, 20MA02652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Immo Sud a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1800755 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 31 juillet 2020, le 12 janvier 2021 et le 26 mars 2021, la société Immo Sud, représentée p

ar Me Luciani, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Immo Sud a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1800755 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 31 juillet 2020, le 12 janvier 2021 et le 26 mars 2021, la société Immo Sud, représentée par Me Luciani, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le bien en litige a été acquis comme terrain bâti et qu'il a été cédé comme terrain bâti ;

- sur le terrain acquis était édifié une construction et sur le terrain cédé était édifié un garage ;

- une opération de livraison d'un terrain supportant, à la date de cette livraison, un bâtiment ne peut être qualifié de livraison d'un terrain à bâtir et les notions de terrain à bâtir et d'immeuble bâti sont exclusives l'une de l'autre ;

- la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2020, en contradiction avec l'ensemble des décisions des juridictions du fond et ne faisant pas l'unanimité de la doctrine, reste en attente d'une confirmation à la suite de la saisine de la CJUE d'une question préjudicielle.

Par des mémoires en défense enregistrés le 1er octobre 2020 et le 23 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les dispositions dérogatoires de l'article 268 du code général des impôts ne sont pas applicables en l'espèce dès lors que le bien revendu, terrain à bâtir, n'a pas la même qualification juridique de celui qui a été acquis comme un terrain bâti ;

- c'est à juste titre que le bien cédé a été appréhendé comme un terrain à bâtir et non comme un immeuble bâti depuis plus de cinq ans dès lors que la société Immo Sud n'a pas opté à la TVA conformément aux dispositions des 5° et 5° bis de l'article 260 du code général des impôts ;

- les faits de l'espèce pour lesquels le Conseil d'Etat a saisi la CJUE ne sont pas transposables à ceux du présent litige.

Un mémoire, présenté pour le ministre de l'économie, des finances et de la relance, enregistré le 20 mai 2021 n'a pas été communiqué.

Par ordonnance du 6 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Immo Sud, qui exerce une activité de marchands de biens, a procédé à la cession d'une parcelle AR 1095 située sur le territoire de la commune de Toulon dans le Var issue de la division d'une parcelle AE 146 sur laquelle était édifiée une maison d'habitation et un garage. Alors qu'elle a, dans ses déclarations souscrites au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, estimé pouvoir faire application à cette opération du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, l'administration fiscale a remis en cause le paiement sur la marge et lui a réclamé la taxe calculée sur la totalité du prix de vente du bien cédé. La société Immo Sud relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la cession du bien cadastré AR 1095 au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Devant le tribunal administratif de Toulon, la société Immo Sud a soutenu, à l'appui de ses conclusions à fin de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la vente du bien cadastré AR 1095, que sur ce terrain, acquis précédemment en l'état d'immeuble bâti, était édifié un garage achevé depuis plus de cinq ans et, qu'en conséquence, il y avait identité de qualification entre le bien acquis et le bien cédé. Les premiers juges ayant omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le jugement attaqué doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société Immo Sud devant le tribunal administratif.

Sur l'étendue du litige :

4. La société Immo Sud a expressément abandonné dans ses écritures ultérieures ses conclusions et prétentions présentées dans sa requête introductive d'instance enregistrée le 2 mars 2018 tendant à l'exonération totale de taxe sur la valeur ajoutée sur la cession du terrain bâti cadastré AR 1095. Le désistement de la société Immo Sud de ces conclusions est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur les conclusions à fin de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

5. Aux termes de l'article 268 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir, ou d'une opération mentionnée au 2° du 5 de l'article 261 (soit les livraisons d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans) pour laquelle a été formulée l'option prévue au 5° bis de l'article 260, si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas :

- soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la société Immo Sud, par acte notarié du 18 décembre 2014, a cédé un bien cadastré AR 1095, d'une superficie de 431 m2 comportant un garage, issu de la division de la parcelle cadastrée AE 146 acquise le 12 septembre 2013 d'une superficie de 780 m2 sur laquelle étaient édifiés une maison d'habitation de 190 m2 ainsi que ledit garage.

7. D'une part, ainsi que le soutient la requérante, notamment en se prévalant des paragraphes 110 et 120 de l'instruction administrative BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 du 12 septembre 2012, auxquels se réfèrent les paragraphes 10 et 20 de l'instruction administrative BOI-TVA-IMM-10-20-10 relatifs à la taxation dérogatoire sur la marge prévue à l'article 268 du code général des impôts, qui opèrent la distinction entre les termes " terrain à bâtir " et " immeuble bâti ", constitue un terrain à bâtir un bien qui ne comporte pas d'ores et déjà des " bâtiments " au sens de " construction incorporée au sol " et doit être entendu par immeuble bâti une construction en état d'être utilisée en tant que telle pour un usage quelconque et ce, même si cette construction est destinée à être démolie par l'acquéreur. Par suite, et contrairement à ce que fait valoir l'administration, le bien cadastré AR 1095 sur lequel est édifié un garage, dont l'incorporation au sol n'est pas contestée, présente le caractère de terrain bâti.

8. D'autre part, les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée prévues à l'article 268 du code général des impôts cité au point 5 s'appliquent, en vertu du 2° du 5 de l'article 261 du même code aux livraisons d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans, à la condition que, pour ces opérations, l'option prévue au 5° bis de l'article 260 de ce code ait été formulée. L'acte de vente du 18 décembre 2014 du bien immobilier cadastré AR 1095 cédé par la société Immo Sud, sur lequel est édifié un garage dont l'achèvement de la construction depuis plus de cinq ans n'est pas contesté par l'administration fiscale, mentionne que " Le VENDEUR, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256-A du Code général des impôts, supportera la taxe sur la valeur ajoutée, conformément aux dispositions de l'article 268 du Code général des impôts, et ce sur la marge, l'acquisition du BIEN n'ayant pas ouvert droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ". La société Immo Sud doit dès lors être regardée, contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, comme ayant exercé l'option prévue au 5° bis de l'article 260 du code général des impôts.

9. Dans ces conditions, c'est à tort que l'administration a remis en cause l'application du régime de taxation à la marge prévu par les dispositions précitées de l'article 268 du code général des impôts à l'opération de livraison du bien cadastré AR 1095.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Immo Sud est fondée à demander la décharge, en droit et majoration, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 sur la cession du terrain bâti cadastré AR 1095 et résultant de la remise en cause de l'application, sur cette opération, du régime de taxation sur la marge.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante à l'instance, une somme de 2 000 euros à verser à la société Immo Sud sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800755 du 5 juin 2020 du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : Il est donné acte du désistement des conclusions de la société Immo Sud tendant à la décharge totale de la taxe sur la valeur ajoutée de l'opération de cession de la parcelle AR 1095.

Article 3 : La société Immo Sud est déchargée, en droit et majoration, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 pour la cession du terrain bâti cadastré AR 1095.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Immo Sud en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à SARL Immo Sud et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2022.

2

N° 20MA02652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02652
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-04 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Éléments du prix de vente taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : LUCIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-02;20ma02652 ?
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