Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1801006 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mai 2020 et le 4 septembre 2020, M. B..., représenté par Me Trincal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les travaux réalisés par la société civile immobilière (SCI) C..., dont il est associé, dans un appartement situé à Marseille, dont la société est propriétaire, doivent être regardés comme des charges déductibles des revenus fonciers, en application du I de l'article 31 du code général des impôts dès lors qu'il s'agit de travaux d'amélioration et de rénovation d'un bien à usage d'habitation qui a été loué dès la réfection des sols terminée, de décembre 2012 à décembre 2014 ;
- la circonstance que le bien a été loué à usage de bureaux ne remet pas en cause son affectation à usage d'habitation ;
- il justifie que la SCI C... a accompli les diligences nécessaires pour louer son bien à partir de l'année 2015 ;
- il justifie du paiement des loyers ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Bernabeu, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Trincal représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. La SCI C..., qui relève de l'article 8 du code général des impôts et dont M. B... est associé à hauteur de 99 %, est propriétaire d'un appartement à Marseille dans lequel elle a fait réaliser des travaux au titre des années 2012 à 2014. L'administration fiscale a remis en cause la déduction des dépenses correspondant à ces travaux et a, en conséquence, annulé les déficits fonciers qui avaient été déclarés par la société au titre des années 2012 à 2015. A la suite d'un contrôle sur pièces des déclarations de revenus du requérant au titre des années 2013 à 2015, l'administration a remis en cause l'imputabilité des déficits fonciers relatifs à ce bien que M. B... avait déduits, à hauteur de la quote-part des droits qu'il détient dans cette société, pour la détermination de son revenu imposable à l'impôt sur le revenu et lui a notifié, par une proposition de rectification datée du 12 décembre 2016, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2013 à 2015, l'année 2012 étant prescrite au regard du droit de reprise de l'administration. M. B... relève appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et pénalités correspondantes. M. B..., en présentant des conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde " les dégrèvements correspondants aux déficits constatés dans la SCI C... au titre des années 2012 à 2015 ", doit être regardé comme demandant la décharge de ces impositions et pénalités résultant de la remise en cause de l'imputation des déficits fonciers sur ses revenus des années 2013 à 2015.
2. Aux termes de l'article 13 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu (...) ". Aux termes de l'article 15 du même code : " II. - Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. ". L'article 28 du même code dispose que : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. ". Enfin, aux termes de l'article 31 du même code, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportés par le propriétaire ; (...) / b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) / b bis) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux professionnels et commerciaux destinées à protéger ces locaux des effets de l'amiante ou à faciliter l'accueil des handicapés, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Les dépenses mentionnées au I de l'article 31 du code général des impôts précité ne peuvent être déduites du revenu foncier brut que dans la mesure où, notamment, les charges alléguées sont dûment justifiées, se rapportent à des immeubles dont les revenus sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, sont effectivement supportées par le propriétaire au cours de l'année dont les résultats servent de base à l'imposition et sont engagées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu.
3. Par ailleurs, aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; (...) / L'imputation exclusive sur les revenus fonciers n'est pas non plus applicable aux déficits fonciers résultant de dépenses autres que les intérêts d'emprunt. L'imputation est limitée à 10 700 euros. La fraction du déficit supérieure à 10 700 euros et la fraction du déficit non imputable résultant des intérêts d'emprunt sont déduites dans les conditions prévues au premier alinéa. / (...) Lorsque le propriétaire cesse de louer un immeuble ou lorsque le propriétaire de titres d'une société non soumise à l'impôt sur les sociétés les vend, le revenu foncier et le revenu global des trois années qui précèdent celle au cours de laquelle intervient cet événement sont, nonobstant toute disposition contraire, reconstitués selon les modalités prévues au premier alinéa du présent 3° (...) ". Il résulte de ces dispositions, que, lorsque l'immeuble n'est plus mis en location et ne peut plus bénéficier du régime dérogatoire permettant au contribuable d'imputer une fraction des déficits fonciers sur le revenu global, les déficits indument imputés sur le revenu global des trois années précédentes peuvent alors être imputés sur l'ensemble des revenus fonciers de l'année au cours de laquelle ces déficits ont été réalisés et viennent augmenter le déficit reportable de cette année.
4. Lorsqu'un immeuble est, par sa conception, son aménagement et ses équipements, destiné originellement à l'habitation, son occupation temporaire pour un autre usage n'est pas de nature à elle seule à lui ôter cette destination, en l'absence de travaux modifiant sa conception, son aménagement ou ses équipements.
5. Il résulte de l'instruction que la SCI C..., dont M. B... est associé à hauteur de 99 %, a acquis le 5 avril 2011 un bien destiné depuis 1973 à l'habitation. Cette société a réalisé des travaux d'un montant de 55 207 euros en 2012, 39 810 euros en 2013 et 3 706 euros en 2014, qui ont consisté notamment en la démolition de cloisons, la réalisation de travaux de plomberie, la réfection de la salle de bains, la réalisation de travaux d'électricité et la remise en état des sols. L'administration a remis en cause, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, la déduction des dépenses correspondant à ces travaux d'amélioration, dont la nature n'est pas contestée, aux motifs d'une part, que la SCI C... ayant donné le bien en cause en location à la société Didier B... Architecte en vertu d'un bail commercial conclu le 28 décembre 2012, les travaux avaient été effectués dans des locaux autres que des locaux d'habitation et n'étaient pas des travaux destinés à protéger les locaux des effets de l'amiante ou à faciliter l'accueil des handicapés et d'autre part, que la SCI ne justifiait pas avoir accompli les diligences nécessaires à la mise en location du bien.
6. Toutefois, il n'est pas contesté que les travaux réalisés n'ont modifié ni la conception ni l'aménagement ou les équipements du bien. La circonstance que le bien a été affecté temporairement à un usage professionnel en vertu d'un bail commercial n'est pas, en vertu du principe rappelé ci-dessus au point 4, de nature à lui ôter sa destination initiale d'habitation. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que lorsque l'appartement était habitable, il a été donné en location. Le contrat de bail a été conclu le 28 décembre 2012 et a pris fin le 31 décembre 2014. L'article 5 dudit contrat prévoyait le versement d'un loyer annuel de 12 000 euros HT, payable mensuellement et stipulait que le preneur était dispensé du paiement des loyers pour la première année, le premier loyer devant être versé le 5 janvier 2014, en contrepartie de la réalisation de travaux. Ainsi qu'en attestent les relevés de compte produits du bailleur et du locataire, le loyer a été payé en 2014 et le locataire a bien pris en charge les travaux d'aménagement de la cuisine, pour une somme justifiée à hauteur de 7 850 euros, correspondant aux factures et matériels livrés effectivement à l'adresse de l'appartement (facture de la Quincaillerie Aixoise du 5 novembre 2012 pour un montant de 470,53 euros, facture Darty du 26 octobre 2012 pour un montant de 5 733,97 euros et factures Ikea des 20 et 26 octobre 2012 pour un montant total de 1 645,62 euros) et dont le paiement par le preneur est établi. Il résulte également de l'instruction que ces travaux d'aménagement de la cuisine n'ont pas été déduits par la SCI C.... Ainsi, dès lors que le bien en litige, lorsqu'il était habitable, a été effectivement loué au cabinet d'architecte B... au cours des années 2013 et 2014, la SCI C... ne peut être regardée comme s'étant réservée la jouissance de ce bien.
7. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le bien est resté vacant du 1er janvier 2015 au 28 avril 2017, date de la signature d'un nouveau bail. A cet égard, la seule production d'un mandat de gestion confié au cabinet Liautard ne suffit pas à justifier que la SCI a accompli toutes les diligences nécessaires pour louer son bien à partir de l'année 2015. Dans ces conditions, la SCI C... doit être regardée comme s'étant réservée la jouissance de ce bien pendant cette année.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que les sommes payées par la SCI C... en règlement des travaux ont le caractère de charges déductibles dès l'année 2012 jusqu'à l'année 2014. En application des dispositions précitées de l'article 156 du code général des impôts, ces sommes, dans la mesure où leur déduction donne lieu à la constatation d'un déficit foncier, doivent s'imputer sur l'ensemble des revenus fonciers de M. B... au cours des dix années suivant la constatation de ce déficit, le requérant ne pouvant bénéficier de l'imputation des déficits fonciers afférents à ce bien sur son revenu global dès lors que ledit bien a cessé d'être donné à la location en 2015. Il résulte de la proposition de rectification adressée au requérant que les charges déclarées par cette société ont généré un déficit foncier pour les années 2012 à 2015 qui, eu égard à ce qui a été dit précédemment, ne pouvait être ramené à 0 euro. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause l'imputation des déficits fonciers déclarés par la SCI C... sur ses revenus fonciers au titre des années en litige.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à être déchargé, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2013 et 2015 résultant de l'imputabilité des déficits fonciers relatifs au bien dont la SCI C... est propriétaire, dégagés de 2012 à 2015, sur ses revenus fonciers.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Pour le calcul de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales assignés à M. B... au titre des années 2013 à 2015, la base de ses revenus fonciers est réduite à concurrence des sommes correspondant à la remise en cause de l'imputation des déficits fonciers déclarés par la SCI C... au titre des années 2012 à 2015, à proportion des droits que M. B... détient dans cette société.
Article 2 : M. B... est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 mars 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.
Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, où siégeaient :
- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D... et Mme E..., premières conseillères.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2022.
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N° 20MA01754
nc