Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler la décision implicite de la commune d'Eguilles rejetant sa demande du 15 décembre 2017 tendant au transfert du chemin cadastré section AV n° 250 et n° 251 appartenant à l'association syndicale libre (ASL) " Vallon des Figons " dans le domaine public communal, à ce qu'il soit enjoint, d'une part, à la société Orange et à la société EDF de procéder au retrait d'un ouvrage implanté sur sa propriété, d'autre part, à la commune d'Eguilles de transférer le chemin précité vers le domaine public communal et de demander à la société Orange et à la société EDF de retirer l'ouvrage implanté sur sa propriété, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente du transfert du chemin vers le domaine public de la commune et de la réponse à apporter aux sociétés Orange et EDF en vue du retrait de l'ouvrage.
Par un jugement n° 1802655 du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2020 sous le n° 20MA00536, Mme A... représentée par Me Cabrillac, demande à la Cour :
1°) à titre principal :
- d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 janvier 2020 ;
- d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 15 décembre 2017 ;
- d'enjoindre à la commune d'Eguilles de transférer le chemin de l'ASL " Vallon des Figons " cadastré section AV n° 250 et n° 251 vers le domaine public pour ses riverains à compter de la notification de la décision à intervenir et passé ce délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- d'enjoindre à la commune d'Eguilles de répondre à la société Orange et à EDF afin de leur permettre de retirer l'ouvrage en litige sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
2°) à titre subsidiaire de surseoir à statuer dans l'attente que la commune d'Eguilles régularise la situation, d'une part, en transférant le chemin de l'ASL " Vallon des Figons " cadastré section AV n° 250 et n° 251 vers le domaine public pour ses riverains dans un délai de trois mois pour ce faire et, d'autre part, en répondant à la société Orange et EDF afin de leur permettre de retirer l'ouvrage en litige, dans un délai de trois mois pour ce faire ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Eguilles la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est dépourvue de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'en cas d'incendie, les secours pourront difficilement intervenir et les riverains difficilement s'échapper ;
- la majorité des riverains souhaite que le chemin en cause redevienne un chemin d'accès public pour ses riverains ;
- seule la circulation sur ce chemin cadastré offrirait un accès sûr et direct à la route départementale ;
- la décision en litige est entachée d'un abus de pouvoir dès lors qu'elle est contraire au principe d'égalité entre les administrés devant les charges publiques ;
- ce chemin a été ouvert au public et est un chemin d'exploitation qui doit rester accessible à l'ensemble de ses riverains ;
- la commune aurait dû procéder au transfert d'office de la propriété du chemin privé dans son domaine public en application des dispositions des articles L. 318-3, R. 318-10 et R. 318-11 du code de l'urbanisme ;
- le maire, en ne procédant pas au transfert du chemin dans le domaine public, n'a, par sa carence, son imprudence et sa négligence, pas prévenu le risque contre les accidents de la route et les incendies et a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 2212-4 et du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;
- les sociétés Orange et EDF qui se sont engagées à déplacer le poteau électrique implanté sur sa propriété attendent les instructions de la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2021, la commune d'Eguilles, représentée par Me Gouard-Robert, conclut au rejet de la requête de Mme A... et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- Mme A... est dépourvue d'intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., propriétaire de la parcelle cadastrée section AV n° 321 située Chemin des Figons à Eguilles, a, par un courrier du 15 décembre 2017, demandé au maire de la commune d'Eguilles de procéder au transfert du chemin cadastré section AV n° 250 et n° 251, appartenant à l'association syndicale libre (ASL) " Vallon des Figons ", dans le domaine public communal et d'enjoindre à la société Orange et à la société EDF de procéder au retrait d'un ouvrage implanté sur sa propriété qui l'empêche de construire une clôture. Mme A... relève appel du jugement du 10 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 15 décembre 2017 tendant au transfert du chemin cadastré section AV n° 250 et n° 251 appartenant à l'association syndicale libre (ASL) " Vallon des Figons " dans le domaine public communal.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Mme A..., reprend en appel les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, de ce que le chemin cadastré section AV n° 250 et n° 251 constituerait un chemin d'exploitation et de ce que la commune d'Eguilles se serait à tort abstenue de donner des instructions à la société Orange et à la société EDF pour retirer le poteau électrique implanté sur sa propriété. Toutefois, il y a lieu d'écarter ces moyens, qui ne comportent aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.
3. Aux termes de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut, après enquête publique ouverte par l'autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale et réalisée conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration, être transférée d'office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. / La décision de l'autorité administrative portant transfert vaut classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés. / Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, à la demande de la commune. / L'acte portant classement d'office comporte également approbation d'un plan d'alignement dans lequel l'assiette des voies publiques est limitée aux emprises effectivement livrées à la circulation publique. (...) ". L'article R. 318-10 du code précité dispose que : " L'enquête prévue à l'article L. 318-3 en vue du transfert dans le domaine public communal de voies privées ouvertes à la circulation publique dans un ensemble d'habitation est ouverte à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. / Le maire ouvre cette enquête, après délibération du conseil municipal, le cas échéant à la demande des propriétaires intéressés. (...) ". Selon l'article R. 318-11 du même code : " L'opposition des propriétaires intéressés visée au troisième alinéa de l'article L. 318-3 doit être formulée, au cours de l'enquête prévue à l'article R. 318-10, dans les conditions fixées à l'article R. 141-8 du code de la voirie routière ".
4. Le transfert des voies privées dans le domaine public communal prévu par ces dispositions est subordonné à l'ouverture de ces voies à la circulation publique, laquelle traduit la volonté de leurs propriétaires d'accepter l'usage public de leur bien et de renoncer à son usage purement privé. Le propriétaire d'une voie privée ouverte à la circulation est en droit d'en interdire à tout moment l'usage au public. Par suite, l'administration ne peut transférer d'office des voies privées dans le domaine public communal si les propriétaires de ces voies ont décidé de ne plus les ouvrir à la circulation publique et en ont régulièrement informé l'autorité compétente avant que l'arrêté de transfert ne soit pris, quand bien même cette décision serait postérieure à l'engagement de la procédure de transfert.
5. Il est constant que les parcelles cadastrées section AV n° 250 et n° 251 appartiennent à l'association syndicale libre (ASL) " Vallon des Figons ", constituant ainsi une voie privée laquelle se trouve à l'intérieur de l'emprise d'un lotissement. Si Mme A... produit trois attestations de riverains selon lesquels ils ont toujours connu ce chemin ouvert au public et régulièrement utilisé par les piétons et les cyclistes, il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du constat du 16 avril 2018 produit par la requérante que l'huissier a constaté la présence d'une clôture recouverte d'un brise-vue empêchant complètement l'accès au public sur le chemin et d'un panonceau derrière cette clôture indiquant " ASLP Vallon des Figons, propriété privée ". Par ailleurs, la commune d'Eguilles a versé au dossier deux photos montrant une fermeture par clôture à l'autre extrémité du chemin. Par suite, les trois attestations précitées ne sont pas à elles seules de nature à remettre en cause le caractère privé des parcelles cadastrées section AV n° 250 et n° 251 qui ne sont ainsi pas ouvertes à la circulation du public. A supposer même que ces parcelles aient été par le passé ouvertes au public, en fermant leur accès, les propriétaires ont clairement exprimé leur souhait de ne pas les ouvrir à la circulation du public. Il s'ensuit que la commune d'Eguilles a pu légalement refuser de faire application des dispositions du code de l'urbanisme mentionnées au point 3.
6. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, (...) de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ; (...) ". L'article L. 2212-4 de ce code dispose que : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites ".
7. En premier, lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, les parcelles cadastrées section AV n° 250 et 251 appartenant à l'ASL " Vallon des Figons " constituent une voie privée dont les propriétaires ont clairement exprimé leur souhait de ne pas les ouvrir à la circulation du public. Par suite, le maire de la commune d'Eguilles ne peut, sans excéder les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, rouvrir cette voie privée à la circulation publique si ses propriétaires s'y opposent. Dès lors, la circonstance que la majorité des riverains ait signé une pétition afin que le chemin redevienne un chemin d'accès public est sans incidence.
8. En second lieu, Mme A... soutient que le quartier est particulièrement propice aux incendies, les parcelles en litige étant implantées dans un massif forestier de la commune d'Eguilles, qu'en cas d'incendie, les secours pourront difficilement intervenir et les riverains s'échapper et que de nombreux accidents y ont déjà eu lieu. Elle ajoute que le chemin des Figons et du Moulin ne fait par endroits que 3,20 mètres de large selon le constat d'huissier du 16 avril 2018 alors que la prévention incendie impose 5 mètres.
9. Toutefois, il résulte des dispositions mentionnées au point 6 qu'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, et que, en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées. Ces pouvoirs consistent notamment en l'exécution des mesures de sûreté y compris sur des propriétés privées. Ils ne permettent pas le transfert d'office d'un chemin privé dans le domaine public.
10. En tout état de cause, l'appelante n'établit pas l'existence d'un danger grave ou imminent au sens de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales en se bornant à se prévaloir d'un risque d'incendie sur le chemin des Figons pas plus que de son caractère accidentogène en produisant deux photos d'un véhicule accidenté sur le chemin. Elle ne démontre pas davantage que les largeurs relevées par le constat d'huissier variant entre 3,20 et 3,40 mètres sur certaines portions du chemin ne permettraient pas l'accès des véhicules de secours et d'incendie et l'évacuation des riverains en cas d'incendie dans le secteur. A supposer même que la circulation sur le chemin cadastrée section AV n° 250 et n° 251 offrirait un accès plus sûr et direct à la route départementale, les propriétaires de l'ASL pourraient le cas échant donner leur accord aux pompiers pour permettre le passage de leurs véhicules sans qu'il soit nécessaire que leur chemin soit transféré dans le domaine public.
11. En refusant de faire droit à la demande de Mme A... tendant au transfert dans le domaine public des parcelles cadastrée section AV n° 250 et n° 251 appartenant à l'ASL " Vallon des Figons " qui ne sont pas ouvertes au public, le maire de la commune n'a commis aucun abus de pouvoir dès lors qu'il ne peut, sans excéder les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, rouvrir une voie privée à la circulation si ses propriétaires s'y opposent. Par ailleurs, l'appelante ne peut se prévaloir d'une rupture d'égalité devant les charges publiques dans la mesure où le chemin en litige est une voie privée dont les propriétaires ne sont pas placés dans la même situation que les riverains.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Eguilles, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille, a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions subsidiaires à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Eguilles qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Eguilles et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à la commune d'Eguilles une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune d'Eguilles.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Prieto, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2022.
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N° 20MA00536
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