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24/05/2022 | FRANCE | N°20MA00593

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 24 mai 2022, 20MA00593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme F... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à leur verser une somme totale de 218 583,80 euros au titre des différents préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la construction d'un nouveau bâtiment du lycée Gallieni, à proximité immédiate de leur bien immobilier situé dans la commune de Fréjus, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la requête, et de condamner la région Pro

vence-Alpes-Côte d'Azur aux entiers dépens.

Par un jugement n° 1801125 du 19 dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme F... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à leur verser une somme totale de 218 583,80 euros au titre des différents préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la construction d'un nouveau bâtiment du lycée Gallieni, à proximité immédiate de leur bien immobilier situé dans la commune de Fréjus, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la requête, et de condamner la région Provence-Alpes-Côte d'Azur aux entiers dépens.

Par un jugement n° 1801125 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a condamné la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à verser à M. C... et Mme E... la somme de 7 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2018, et mis à la charge définitive de la région la somme totale de 24 451,74 euros au titre des frais et honoraires d'expertise.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 février 2020 et le 29 juillet 2021, M. C... et Mme E..., représentés par Me Duburcq, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 décembre 2019, en tant qu'il a limité à 7 000 euros la condamnation de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à indemniser leurs préjudices ;

2°) de condamner la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à leur verser la somme totale de 183 585,80 euros au titre des préjudices qu'ils ont subis du fait des travaux de construction, du fonctionnement et de l'existence de l'ouvrage public ;

3°) de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de

5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont subi un préjudice lié aux nuisances sonores et à la perception de trépidations provoquées par les travaux de construction du lycée Gallieni entre septembre 2008 et l'été 2010 ainsi que par le bruit des installations de conditionnement d'air de l'établissement entre septembre 2010 et juin 2011, qui doit être estimé à hauteur de 25 000 euros ;

- il appartenait à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur de faire réaliser un référé-préventif, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, avant de commencer les travaux ;

- l'exécution des travaux, en particulier du fait de l'utilisation d'un brise-roche, a provoqué des fissures dans la maison d'habitation, nécessitant des travaux de reprise d'un montant de 58 583,80 euros ;

- la perte de la petite vue mer dont ils jouissaient depuis la maison et la perte d'ensoleillement, causées directement par l'ouvrage public, entraîne une moins-value de leur propriété pour laquelle ils doivent être indemnisés à hauteur de 100 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 1er juillet 2021 et le 10 janvier 2022, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par Me Suares, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... et Mme E... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Duburcq, représentant M. C... et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme E... ont sollicité auprès de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur une indemnisation d'un montant total de 218 583,80 euros au titre des différents préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la construction, entre septembre 2008 et l'été 2010, d'un nouveau bâtiment du lycée Gallieni, à proximité immédiate de leur bien immobilier, situé dans la commune de Fréjus. Ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 décembre 2019 en tant qu'il a limité à 7 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2018, la somme qu'il a condamné la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à leur verser en réparation de leurs préjudices.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. D'une part, même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, le maître d'œuvre et les constructeurs en charge des travaux, sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution desdits travaux publics et le maître d'ouvrage est, en outre, responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

3. D'autre part, la mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à un ouvrage public ou une opération de travaux publics est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial directement en lien avec cet ouvrage ou cette opération.

4. Enfin, lorsqu'est recherchée la responsabilité du maître d'ouvrage pour des dommages résultant de l'exécution des travaux publics ou des dommages permanents entraînés par la présence de l'ouvrage public, il convient, pour déterminer si le préjudice allégué revêt un caractère anormal, d'apprécier si les troubles résultant de l'exécution de ses travaux et les troubles permanents qu'entraîne la présence de l'ouvrage public sont supérieurs à ceux qui affectent tout résident d'une habitation située dans une zone urbanisée, et qui se trouve normalement exposé au risque de voir des équipements publics édifiés sur les parcelles voisines.

En ce qui concerne les dommages résultant de l'exécution des travaux de construction du lycée Gallieni :

5. M. C... et Mme E..., qui ont la qualité de tiers tant au regard de l'exécution des travaux de construction qu'au regard de l'existence et du fonctionnement de l'ouvrage, soutiennent que les travaux de construction du lycée Gallieni ont occasionné, d'une part, des nuisances sonores importantes dans une amplitude horaire pouvant aller de

5 heures du matin à 22 heures le soir, ainsi que des trépidations ressenties dans l'ensemble de leur habitation et, sont, d'autre part, responsables de l'apparition de fissures sur leur bien immobilier.

6. D'une part, si les intéressés produisent, au soutien de leurs allégations, des attestations émanant de voisins, locataires ou visiteurs faisant état de bruits et de vibrations durant la période de travaux, et font valoir que leur habitation ne présentait aucune fissure, lors de son achat en 1999, ces pièces n'apportent aucune précision sur les engins utilisés, les périodes et amplitudes horaires de leur utilisation, ni aucune mesure précise du bruit ou des trépidations ressenties. M. C... et Mme E... n'établissent pas, dans ces conditions, que les bruits et trépidations ressentis pendant la phase d'exécution des travaux, qui constituaient certainement une gêne, dépassaient les nuisances sonores que génère nécessairement la réalisation de travaux de construction à proximité d'une maison d'habitation. D'autre part, il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 15 juillet 2016 et de l'expertise du 22 novembre 2009, réalisée par l'assureur des intéressés, qu'il n'est pas possible de déterminer la cause principale des fissures déplorées sur l'habitation des intéressés, qui peuvent trouver leur origine dans des causes multiples ayant trait notamment au système constructif, aux agrandissements successifs, aux mouvements de sol et à l'entretien insuffisant de leur maison, tandis que la recherche d'une causalité adéquate entre l'apparition des fissures et la réalisation des travaux, que l'expert judiciaire a proposé de tester grâce à l'expérimentation des effets de l'action d'un brise-roche à proximité de leur habitation, a été refusée par les intéressés. Dans ces conditions, le lien de causalité direct et certain entre les désordres affectant la propriété de M. C... et

Mme E... et la réalisation des travaux n'est pas établi, et, en l'absence de toute obligation légale ou réglementaire ou de tout principe obligeant le maître d'ouvrage à faire précéder les travaux d'un constat préalable de l'état des propriétés avoisinantes, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir qu'il revenait au maître d'ouvrage d'apporter la preuve de ce que les travaux entrepris n'étaient pas à l'origine des désordres déplorés.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... et Mme E... ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur au titre de l'exécution des travaux de construction du lycée Gallieni.

En ce qui concerne les désordres résultant du fonctionnement de l'ouvrage :

8. Il résulte de l'instruction que M. C... et Mme E... ont subi des nuisances sonores importantes de septembre 2010, début de l'exploitation du nouveau bâtiment, à fin

juin 2011, en raison des installations de conditionnement d'air du lycée Gallieni dont la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est la gardienne. Le rapport rédigé par l'expert judiciaire indique en effet que les mesures acoustiques réalisés le 18 mars 2011 ont révélé une émergence de bruit à 20 dB(A) alors que la limite réglementaire se situe à 5 dB(A). Cependant, les mesures acoustiques du 30 juin 2011, réalisés après la réception des travaux d'améliorations effectués par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, ont révélé que le bruit se limitait à 2 dB(A), soit en-deçà de la limite réglementaire. Il est donc établi que ce préjudice, en lien direct avec le fonctionnement défectueux du système de conditionnement d'air de l'ouvrage public, a seulement affecté les requérants entre la fin de l'été 2010 et juin 2011. Malgré sa durée limitée, ce préjudice présente toutefois un caractère anormal et spécial de nature à engager la responsabilité sans faute de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. M. C... et

Mme E... n'apportent toutefois aucun élément nouveau en appel permettant de considérer qu'en évaluant ce poste de préjudice à une somme de 5 000 euros, les premiers juges auraient sous-estimé l'étendue de leur préjudice.

En ce qui concerne les désordres résultant de l'existence de l'ouvrage :

9. M. C... et Mme E... soutiennent que l'édification du lycée Gallieni, à proximité immédiate de leur propriété, est la cause de la baisse de la valeur vénale de leur propriété pour une somme évaluée, dans le dernier état de leurs écritures, à un montant de 100 000 euros, du fait de la perte d'ensoleillement ainsi que de la perte d'une petite vue sur la mer.

10. Si les requérants se prévalent de la présentation de leur bien au moment de sa vente pour alléguer que l'édification du bâtiment aurait fait perdre à ses occupants une vue sur la mer depuis leur habitation, il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier de l'expertise judiciaire, que l'édification du lycée aurait supprimé une telle vue, compte tenu de l'existence d'un bâtiment ancien déjà présent au Sud de la maison et la localisation de la principale terrasse en façade Nord, hors de l'axe de la mer. En revanche, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que la présence du lycée est la cause d'une légère perte d'ensoleillement de la propriété de M. C... et Mme E... durant la période du 3 novembre au 7 février, d'une durée maximale d'environ 30 minutes à l'étage, et de deux heures et demi au rez-de-chaussée.

11. Il résulte du point précédent que, si le lien direct et certain entre la perte de vue alléguée sur la mer et l'édification de l'ouvrage ne résulte pas de l'instruction, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne conteste pas que la perte d'ensoleillement dont souffre l'habitation des requérants excède la gêne que doivent normalement supporter, les résidents d'une zone urbanisés exposés au risque de voir édifier un équipement public dans le voisinage immédiat de leur propriété et engage, de ce fait, sa responsabilité. Toutefois, la seule expertise réalisée en 2012 par Mme A..., experte immobilière, qui évalue la différence de valeur vénale entre un bien dépourvu de toute fissure et de toute gêne visuelle et phonique, sans se prononcer sur l'origine de ces désordres et leur imputabilité à la présence du lycée Gallieni, à la somme de 92 000 euros, ne permet pas utilement de remettre en cause l'évaluation, à hauteur de 2 000 euros, que les premiers juges ont fait du préjudice résultant de la perte d'ensoleillement du bien des intéressés.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal aurait fait une inexacte appréciation de leurs préjudices en fixant à 5 000 euros l'indemnité due au titre des nuisances sonores dues au fonctionnement défectueux des installations de conditionnement d'air du lycée Gallieni et à 2 000 euros l'indemnité due au titre de la perte d'ensoleillement subie du fait de son édification à proximité de leur propriété et que c'est à tort qu'il a limité à 7 000 euros la somme qu'il a condamné la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à leur verser, en réparation de leurs préjudices.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par

M. C... et Mme E.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers la somme demandée par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme F... E... et au président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

2

N° 20MA00593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00593
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP DONNET DUBURCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-24;20ma00593 ?
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