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13/05/2022 | FRANCE | N°21MA04578

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 13 mai 2022, 21MA04578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par une ordonnance n° 2108644 du 4 novembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande en raison de son irrecevabi

lité pour tardiveté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par une ordonnance n° 2108644 du 4 novembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande en raison de son irrecevabilité pour tardiveté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 novembre 2021 et 1er avril 2022, sous le n° 21MA04578, M. B..., représenté par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 4 novembre 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Chartier au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 lequel s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité de l'ordonnance attaquée :

- sa requête n'était pas tardive ;

S'agissant de l'arrêté contesté :

- il a été signé par une personne incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en fixant le délai de départ à trente jours, l'arrêté attaqué a pour effet d'interrompre sa scolarité.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de M. B....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 1er février 1999 et de nationalité guinéenne, est entré en France le 21 mai 2017, à l'âge de 18 ans, selon ses allégations. Il a déposé, le 12 juillet 2017, une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 17 avril 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 16 décembre 2020. Par arrêté du 28 janvier 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel de l'ordonnance en date du 4 novembre 2021 par laquelle la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 28 janvier 2021.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable aux faits en litige : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. (...) / I bis. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / L'étranger qui fait l'objet d'une interdiction de retour prévue au sixième alinéa du III du même article L. 511-1 peut, dans le délai de quinze jours suivant sa notification, demander l'annulation de cette décision. (...) ".

3. En outre, aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I.- Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou de l'article L. 511-3-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément./ Conformément aux dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du même code, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 du même code, fait courir un délai de quinze jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément.(...) ". L'article R. 776-5 du même code énonce pour sa part que : " I.- Le délai de recours contentieux de trente jours mentionné à l'article R. 776-2 n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif. / II. - Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 et les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 : " Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : 1° De la notification de la décision d'admission provisoire ; / 2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la notification de l'arrêté du 28 janvier 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comportait la mention erronée d'un délai de recours contentieux d'une durée de trente jours prévu par les dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non celle d'un délai de quinze jours prévu au I - bis du même article, lequel n'est pas susceptible d'une prorogation par le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle. La mention erronée d'un délai de trente jours, lequel est susceptible d'être interrompu par le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, comporte une ambiguïté de nature à induire en erreur l'intéressé sur les modalités selon lesquelles son recours juridictionnel doit être formé. Dans ces circonstances la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... le 17 février 2021, soit dans le délai de recours de trente jours indiqué à tort, doit être regardée comme ayant prorogé ce dernier. Toutefois, la demande de M. B... n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille que le 4 octobre 2021, soit plus de trente jours après le 24 mars 2021, date de la décision lui accordant l'aide juridictionnelle totale et désignant Me Chartier comme son conseil. Dès lors, cette demande était tardive et, par suite, manifestement irrecevable.

6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eue connaissance.

7. M. B... ne peut utilement soutenir que, n'ayant pas pris connaissance de la décision d'aide juridictionnelle qui ne lui a pas été notifiée, sa demande a été enregistrée dans un délai raisonnable d'un an au greffe du tribunal dès lors que l'arrêté en litige comportait les voies et délais de recours et lui a été régulièrement notifié le 10 février 2021.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 janvier 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. B....

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Chartier et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2022.

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N° 21MA04578

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04578
Date de la décision : 13/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-13;21ma04578 ?
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