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13/05/2022 | FRANCE | N°21MA04392

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 13 mai 2022, 21MA04392


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 février 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 17 mars 2021 à l'encontre de cet arrêté.

Par une ordonnance n° 2108490 du 18 octobre 2021, la magistrate désig

née par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 février 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 17 mars 2021 à l'encontre de cet arrêté.

Par une ordonnance n° 2108490 du 18 octobre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande en raison de son irrecevabilité pour tardiveté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 novembre 2021 et 1er avril 2022, sous le n° 21MA04392, M. B..., représenté par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 18 octobre 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 février 2021 et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail, dans un délai de quinze jours et sous la même astreinte et de prendre une nouvelle décision dans les deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Chartier au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, laquelle s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité de l'ordonnance attaquée :

- sa requête n'était pas tardive ;

- le préfet n'ayant pas soulevé le moyen tiré de la tardiveté de la requête, le tribunal aurait dû, s'il entendait soulevait d'office un tel moyen, en avertir préalablement les parties et leur fixer un délai pour répliquer conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

S'agissant de l'arrêté contesté :

- il a été signé par une personne incompétente ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision implicite de rejet :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en fixant le délai de départ à trente jours, la décision contestée a pour effet d'interrompre sa scolarité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de M. B....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 29 mars 1997 et de nationalité malienne, est entré en France le 3 novembre 2018 selon ses allégations. Il a déposé, le 7 novembre 2018, une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 31 décembre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 26 janvier 2021. Par arrêté du 23 février 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... a formé contre cet arrêté un recours gracieux par lequel il demandait la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles L313-11-7° et L313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Il relève appel de l'ordonnance en date du 18 octobre 2021 par laquelle la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 23 février 2021 et de cette décision implicite de rejet.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 2021 :

2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable aux faits en litige : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. (...) / I bis. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / L'étranger qui fait l'objet d'une interdiction de retour prévue au sixième alinéa du III du même article L. 511-1 peut, dans le délai de quinze jours suivant sa notification, demander l'annulation de cette décision. (...) ".

3. En outre, aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I. - Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou de l'article L. 511-3-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément./ Conformément aux dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du même code, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 du même code, fait courir un délai de quinze jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément.(...) ". L'article R. 776-5 du même code énonce pour sa part que : " I.- Le délai de recours contentieux de trente jours mentionné à l'article R. 776-2 n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif. / II. - Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 et les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 : " Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : 1° De la notification de la décision d'admission provisoire ; / 2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la notification de l'arrêté du 23 février 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comportait la mention erronée d'un délai de recours contentieux d'une durée de trente jours prévu par les dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non celle d'un délai de quinze jours prévu au I - bis du même article, lequel n'est pas susceptible d'une prorogation par le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle. La mention erronée d'un délai de trente jours, lequel est susceptible d'être interrompu par le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, comporte une ambiguïté de nature à induire en erreur l'intéressé sur les modalités selon lesquelles son recours juridictionnel doit être formé. Dans ces circonstances la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... le 22 mars 2021, soit dans le délai de recours de trente jours indiqué à tort, doit être regardée comme ayant prorogé ce dernier. Toutefois, la demande de M. B... n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille que le 28 septembre 2021, soit plus de trente jours après le 17 mai 2021, date de la décision lui accordant l'aide juridictionnelle totale et désignant Me Chartier comme son conseil. Dès lors, cette demande était tardive et, par suite, manifestement irrecevable.

6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

7. M. B... ne peut utilement soutenir que la décision d'attribution de l'aide juridictionnelle ne lui ayant pas été notifiée, sa demande a été enregistrée dans un délai raisonnable d'un an au greffe du tribunal dès lors que l'arrêté en litige comportait les voies et délais de recours et lui a été régulièrement notifié le 7 mars 2021.

8. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ". Aux termes de l'article R. 776-15 du code précité : " Les jugements sont rendus, sans conclusions du rapporteur public, par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. / Les attributions dévolues par les dispositions réglementaires du présent code à la formation de jugement ou à son président sont exercées par ce magistrat. Il peut, par ordonnance : (...) / 4° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance ". L'article R. 611-7 du même code dispose que : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. / Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'il est fait application des dispositions des articles R. 122-12, R. 222-1, R. 611-8 ou L. 822-1 ".

9. Il résulte de ces dispositions que la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille n'était pas tenue, dès lors qu'elle a fait application des dispositions du 4° de l'article R. 776-15 du code de justice administrative, ayant le même contenu que le 4° de l'article R. 222-1 de ce code, d'informer les parties de ce qu'elle envisageait de fonder sa décision sur les pouvoirs propres qu'elle tire de son office. Au demeurant, la première juge, qui s'est prononcée sur la recevabilité de la demande, n'ayant pas statué sur le fond du litige, ne s'est fondée sur aucun moyen relevé d'office.

En ce qui concerne la recevabilité de la demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du recours gracieux :

10. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. / Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de titre de séjour soient déposées au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant./ Le préfet peut également prescrire : / 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ; / 2° Que les demandes de cartes de séjour prévues aux articles L. 313-7 et L. 313-27 soient déposées auprès des établissements d'enseignement ayant souscrit à cet effet une convention avec l'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 311-12 du même code : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 311-12-1 de ce code : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ".

11. Aux termes de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ". Aux termes de l'article L. 112-6 du code précité : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. " L'article L. 114-3 de ce code précise que : " Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'administration initialement saisie. (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a formé, le 17 mars 2021, à l'encontre de l'arrêté du 23 février 2021 un recours gracieux par lequel il sollicitait la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " au titre des article L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le préfet fait valoir qu'il n'a été saisi que d'une demande de titre de séjour au titre de l'asile ayant fait l'objet de l'arrêté précité, le requérant produit son recours gracieux et la preuve du dépôt de ce recours en recommandé avec avis de réception le 22 mars 2021 adressé au préfet des Bouches-du-Rhône. Ainsi, ce dernier n'ayant pas expressément répondu dans le délai de quatre mois à cette demande, une décision implicite de rejet est née de ce silence. Par ailleurs, il ressort des dispositions citées au point 11 que si l'administration est tenue d'indiquer dans l'accusé de réception de toute demande qui lui est adressée si celle-ci est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, l'absence d'une telle mention a pour seule conséquence que les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur de la demande. Ainsi, aucun délai de recours contentieux n'était opposable à la demande de M. B..., enregistrée le 28 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif de Marseille, tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme tardive ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet. Dès lors l'ordonnance attaquée doit être annulée dans cette mesure.

13. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur la légalité de la décision implicite de refus de titre de séjour :

14. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans charge de famille, serait entré irrégulièrement en France le 3 novembre 2018 sans toutefois l'établir. Sa durée de séjour d'un peu moins de trois ans à la date de la décision contestée était brève. Les circonstances qu'il était inscrit à l'école 42 en vue de l'obtention d'un titre d'architecte en numérique et engagé chez les scouts, qu'il avait noué des liens avec sa famille d'accueil qui l'hébergeait depuis le 28 mai 2020 et obtenu le BAFA ne sont pas, à elles seules, de nature à établir l'illégalité du refus de son admission au séjour alors qu'il ne démontre pas être privé de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans, et alors même que ses parents y seraient décédés le 23 novembre 2012. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

16. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

17. Si M. B... se prévaut d'une inscription à l'école 42, des liens qu'il a noués avec sa famille d'accueil, de son engagement chez les scouts et de l'obtention du BAFA, il résulte de ce qui a été dit au point 15 et des pièces du dossier qu'il ne justifie d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. La décision contestée n'ayant pas pour objet de fixer un délai de départ volontaire, M. B... ne peut utilement soutenir que la décision contestée a pour effet d'interrompre sa scolarité.

19. Le moyen tiré de la violation les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de la décision en litige, laquelle n'a ni pour objet, ni pour effet, de fixer le pays à destination duquel l'intéressé pourra être éloigné.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 février 2021. Il n'est, par ailleurs, pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

21. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. B....

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2021, en tant qu'elle a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, est annulée.

Article 2 : La demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2022.

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N° 21MA04392

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04392
Date de la décision : 13/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-13;21ma04392 ?
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