Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et la société civile immobilière (SCI) Florence ont demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2017 par lequel le préfet de la Corse-du-Sud a autorisé la société Probat à déplacer des tortues d'Hermann et à détruire leur habitat dans le cadre du projet de construction d'un immeuble d'habitation au lieu-dit D... à Porto-Vecchio, dans les conditions prévues par cet arrêté.
Par un jugement n° 1800042 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Bastia a, à l'article 1er, annulé cet arrêté du 19 décembre 2017 et, à l'article 2, enjoint à la préfète de la Corse-du-Sud de faire supprimer par la société Probat la clôture hermétique prescrite par l'arrêté du 19 décembre 2017, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 janvier 2020 et 12 mai 2021, la SAS Probat, représentée par Me Susini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 novembre 2019 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... et la SCI Florence devant le tribunal administratif de Bastia ;
3°) de mettre à la charge de M. A... et de la SCI Florence la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. A... et la SCI Florence sont dépourvus d'intérêt à agir ;
- le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ;
- son projet de construction présente un intérêt public majeur de nature sociale ou économique ;
- par application de la jurisprudence Danthony, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation aurait dû être écarté du fait de l'existence d'un intérêt public majeur.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 19 mai 2020 et 13 juillet 2021, M. A... et la SCI Florence, représentés par Me Peres, concluent au rejet de la requête de la société Probat et demandent à la Cour de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par la société Probat ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre de la transition écologique qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- les observations de Me Susini, représentant la société Probat et de Me Peres, représentant M. A... et la SCI Florence.
Une note en délibéré présentée pour M. A... et la SCI Florence a été enregistrée le 10 mai 2022.
Considérant ce qui suit :
1. La société Probat relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, à l'article 1er, annulé l'arrêté du 19 décembre 2017 du préfet de la Corse-du-Sud autorisant la société Probat à déplacer des tortues d'Hermann et à détruire leur habitat dans le cadre du projet de construction d'un immeuble d'habitation lieu-dit D... à Porto-Vecchio et, à l'article 2, enjoint à la préfète de la Corse-du-Sud de faire supprimer par la société Probat la clôture hermétique prescrite par l'arrêté du 19 décembre 2017, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... et la SCI Florence sont propriétaires respectivement des parcelles cadastrées section AH n° 118 et 117 lesquelles sont voisines du terrain d'assiette du projet de construction situé sur la parcelle cadastrée AH n° 96 ayant fait l'objet de la dérogation en litige. En première instance, ils se sont prévalus de leur qualité de voisins immédiats de la parcelle cadastrée AH n° 96 et de ce que l'arrêté contesté mettra un terme au passage des tortues dans leur propriété depuis le terrain d'assiette du projet en passant par la parcelle cadastrée section AH n° 101, leur faisant perdre l'agrément suscité par la présence de ces tortues. Cependant, la SCI Florence, au regard de son objet même et de l'activité exercée, ne justifie pas d'un intérêt pour agir à l'encontre d'un arrêté portant dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées. En outre et en tout état de cause, une personne morale, quand bien même il s'agirait d'une SCI familiale, n'est pas par elle-même susceptible de subir le préjudice d'agrément invoqué, qui résulterait de ce que l'arrêté contesté mettra un terme au passage des tortues dans sa propriété depuis le terrain d'assiette du projet, lui faisant ainsi perdre l'agrément suscité par la présence de ces tortues. Dès lors, la SCI Florence ne justifie pas d'une qualité lui donnant intérêt pour agir à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2017 autorisant la société Probat à déplacer des tortues d'Hermann et à détruire leur habitat. Sa demande portée devant les premiers juges était dès lors irrecevable. Par suite, la société Probat est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que la SCI Florence justifiait d'un intérêt pour agir contre l'arrêté en litige et que sa demande était recevable à ce titre.
3. En second lieu, s'agissant de M. A..., les seules circonstances que sa parcelle jouxte celle du projet immobilier en litige et qu'il subira le même préjudice d'agrément mentionné au point 2 sont insuffisamment directes au regard de l'objet d'une dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées. En tout état de cause, l'arrêté contesté dispose que les tortues doivent être relâchées à proximité immédiate, dans un rayon inférieur à 500 mètres du lieu de capture. Or, il ressort des pièces du dossier que les tortues accèdent au terrain de M. A... en passant par la parcelle voisine cadastrée section AH n° 101 et qu'elles pourront ainsi, continuer à accéder à sa propriété. Ainsi, il ne justifie pas d'une qualité lui donnant intérêt pour agir à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2017.
4. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que la demande de la SCI Florence et de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Bastia était irrecevable et ne pouvait, par ce motif, qu'être rejetée.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Probat est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Probat, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A... et la SCI Florence demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Probat présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... et la SCI Florence devant le tribunal administratif de Bastia et le surplus de leurs conclusions sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la société Probat présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Probat, à M. B... A..., à la SCI Florence et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2022.
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N° 20MA00056
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