Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2104797 du 21 octobre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 novembre 2021, M. A... C..., représenté par Me Zouatcham, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 21 octobre 2021 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 14 septembre 2021 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le premier juge n'a pas tenu compte des pièces qu'il a produites les 18 et 20 octobre 2021 ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il aurait dû être précédé de la saisine de la commission du titre de séjour ;
- il est entaché d'erreurs de fait dès lors qu'il a sollicité un titre de séjour et qu'il n'est pas mentionné dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par une décision du 24 août 2021, la présidente de la cour a désigné M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant tunisien né en 1988, déclare être entré en France au cours de l'année 2011. Il a sollicité, en 2016, la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 17 juin 2016, dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 21 septembre 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a notamment assorti ce refus d'une mesure d'éloignement. L'intéressé, qui déclare s'être maintenu sur le territoire français par la suite, a été interpellé le 13 septembre 2021 sur le territoire de la commune de Nice. Par un arrêté du 14 septembre 2021, le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... C... relève appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit de la mesure d'instruction diligentée sur ce point par la cour, que M. A... C..., qui est représenté par un conseil, aurait déposé une demande d'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentées par M. A... C... doivent être rejetées.
Sur la régularité du jugement :
4. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser et, s'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions du jugement attaqué, que la clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique du 20 septembre 2021 par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice. Si M. A... C... reproche au premier juge de ne pas avoir tenu compte des pièces qu'il a produites les 18 et 20 octobre suivants afin de justifier de sa durée de présence en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces productions, enregistrées postérieurement à la clôture de l'instruction, contiendraient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont l'intéressé n'était pas en mesure de faire état avant cette clôture. Dans ces conditions, en ne tenant pas compte des pièces en cause, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice n'a commis aucune irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En particulier, la décision portant interdiction de retour contenue dans cet arrêté, qui vise les articles L. 612-6 à L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique les raisons pour lesquelles M. A... C... peut, en l'absence de circonstances humanitaires, faire l'objet d'une telle mesure. Par suite, l'arrêté contesté est suffisamment motivé.
7. En deuxième lieu, M. A... C... n'établit ni même n'allègue avoir sollicité son admission exceptionnelle au séjour, au titre de la vie privée et familiale, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et en tout état de cause, il n'est pas fondé à soutenir que, compte tenu de sa durée de présence en France, le préfet des Alpes-Maritimes aurait dû, préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté, saisir la commission du titre de séjour en application du deuxième alinéa de cet article L. 435-1.
8. En troisième lieu, d'une part, si le préfet des Alpes-Maritimes a relevé, dans l'arrêté contesté, que M. A... C... n'a " jamais sollicité de titre de séjour ", alors que l'intéressé s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour en 2016 ainsi qu'il a été dit au point 1, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que cette indication erronée ait pu être susceptible d'influer sur l'appréciation que cette autorité devait porter sur la situation de l'intéressé ou sur le sens des décisions contenues dans l'arrêté attaqué, notamment celle portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, si le requérant soutient que son casier judicaire est vierge et qu'il n'est pas mentionné dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires, contrairement à ce qu'a indiqué le préfet qui a estimé qu'il représentait un " risque pour l'ordre public ", il ne conteste pas les autres motifs retenus par le préfet des Alpes-Maritimes pour édicter les décisions contenues dans l'arrêté attaqué. Il résulte de l'instruction que cette autorité aurait pris les mêmes décisions en se fondant sur ces autres motifs, sans retenir l'existence d'un tel risque.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. Si M. A... C... soutient qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille, y aurait tissé des liens intenses et stables. Par ailleurs, M. A... C... n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie. Compte tenu notamment des conditions du séjour en France de l'intéressé rappelées au point 1, et en dépit de ses efforts d'insertion professionnelle, la mesure d'éloignement en litige ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de M. A... C....
11. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédent.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 14 septembre 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Zouatcham.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.
2
N° 21MA04430