Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... C... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par le jugement n° 2101217 du 26 juillet 2021, le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 août 2021, M. A... C..., représenté par Me Fennech, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 juillet 2021 du tribunal administratif de B... ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 du préfet du Var ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer le titre de séjour portant mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- il peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'accord franco-tunisien ne prévoit pas sa situation de mineur étranger isolé entré en France en situation irrégulière et pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) ;
- la décision en litige méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus de titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- il ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application du 1° de l'article L. 511-4 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée des mêmes illégalités que la mesure d'éloignement.
La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me Drikes représentant M. A... C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., de nationalité tunisienne, a demandé le 3 février 2021 au préfet du Var un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par l'arrêté en litige, le préfet a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par le jugement dont il relève appel, le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ".
3. En ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord./ Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " ".
4. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. ". Par ailleurs, l'article L. 313-10 du même code dispose que : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ".
5. L'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre.
6. Il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issues de l'article 28 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, telles qu'éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu créer un régime particulier de délivrance de la carte de séjour temporaire mention " salarié " prévue au 1° de l'article L. 313-10 du code précité, au profit des étrangers accédant à leur majorité après avoir été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à partir de l'âge de seize ans et qui justifient suivre, depuis au moins six mois, une formation destinée à leur apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de leurs liens avec leur famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur leur insertion dans la société française. Aucune des stipulations de l'accord ne prévoit l'attribution d'un titre de séjour mention " salarié " à un ressortissant tunisien dans de semblables modalités. Dès lors, cet accord ne fait pas obstacle à ce qu'il soit fait application aux ressortissants tunisiens des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... C... peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C..., né le 6 février 2003, désormais majeur, est entré en France le 18 juin 2019 sous couvert d'un visa de court séjour de trois mois et a été pris en charge après son entrée en France en tant que mineur isolé par le service d'aide sociale à l'enfance du Var auprès duquel il a été placé par une ordonnance provisoire du tribunal de grande instance de B... du 12 décembre 2019 maintenue par un jugement d'assistance éducative du tribunal pour enfants de B... du 24 septembre 2020 jusqu'à sa majorité le 6 février 2021. Après avoir obtenu le diplôme initial de langue française en décembre 2019, il s'est inscrit dans une formation préparant au certificat d'aptitude professionnelle (C.A.P.) " Métiers plâtre de l'isolat 2019 " et a conclu le 1er décembre 2020 pour une durée de vingt et un mois jusqu'au 31 août 2022 un contrat d'apprentissage avec une entreprise spécialisée dans les travaux de plâtrerie, pour lequel il a bénéficié d'un contrat de soutien financier et éducatif aux majeurs âgés de moins de vingt et un ans par l'aide sociale à l'enfance qu'il a signé le 20 janvier 2021 pour une durée de trois mois. Toutefois, à la date de la décision en litige du 30 mars 2021, le requérant ne justifiait pas suivre au moins depuis six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle au sens de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, le requérant ne produit aucune pièce de nature à établir le suivi et le sérieux de cette formation en C.A.P. Par suite, le préfet du Var n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de titre de séjour qu'il avait présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). " Il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Le requérant est entré en France le 18 juin 2019 ainsi qu'il a été dit au point 7. Il est célibataire sans charge de famille. Il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où vivent selon ses propres dires ses parents et ses frère et sœur. Par suite, compte tenu notamment du caractère récent de sa présence en France, M. A... C..., qui n'a au demeurant pas demandé un titre de séjour sur ce fondement que le préfet n'a pas examiné, n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché sa décision litigieuse d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. D'abord, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 alors en vigueur de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...). ".
11. Le requérant, majeur à la date de la décision en litige, pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Ensuite, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. Ainsi qu'il a été dit au point 9, le requérant, célibataire sans charge de famille, n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans. Il n'est établi ni qu'il aurait coupé tout lien avec sa famille ni qu'il entretiendrait des liens personnels forts avec les éducateurs de l'aide sociale à l'enfance. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... C... au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant la mesure d'éloignement en litige.
14. Enfin, la circonstance que le requérant devra être présent en France dans le cadre d'une affaire pendante pour vol avec armes devant le tribunal pour enfants ne fait pas obstacle à cette mesure d'éloignement, dès lors qu'il pourra se faire représenter par un avocat dans cette affaire ou qu'il pourra demander un visa pour revenir en France dans le cadre de ce procès.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. Dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination prise sur son fondement serait dépourvue de base légale doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie pour information sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.
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N° 21MA03659