La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2022 | FRANCE | N°21MA03394

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 10 mai 2022, 21MA03394


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par le jugement n° 2002888 du 18 février 2021, le tribunal administratif d

e Nice a, dans l'article 1er de ce jugement, annulé l'arrêté du 23 juin 2020 du préfe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par le jugement n° 2002888 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Nice a, dans l'article 1er de ce jugement, annulé l'arrêté du 23 juin 2020 du préfet des Alpes-Maritimes en tant qu'il a prononcé à l'encontre de Mme C... épouse B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et, par l'article 2 de ce jugement, rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 août 2021, Mme B..., représentée par l'AARPI Oloumi § Hmad avocats associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 18 février 2021 du tribunal administratif de Nice;

2°) d'annuler dans son intégralité l'arrêté du 23 juin 2020 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention "vie privée et familiale" dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer son droit au séjour et de lui délivrer dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 juin 2021 du bureau du tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me Oloumi représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse B..., de nationalité tunisienne, a déposé le 28 octobre 2019 une demande de titre de séjour auprès du préfet des Alpes-Maritimes. Par l'arrêté en litige du 23 juin 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Saisi par la requérante, le tribunal administratif de Nice, par l'article 1er du jugement attaqué, a annulé pour défaut de motivation cet arrêté en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français et, par l'article 2, rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Mme B... relève appel de l'article 2 de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " -1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. La requérante déclare être entrée en France en 2012 avec ses deux enfants mineurs nés en Tunisie en 2006 et 2010 pour rejoindre son mari qu'elle a épousé en Tunisie le 18 août 2005 et s'être continuellement maintenue en France depuis cette date. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est maintenue irrégulièrement en France malgré trois refus de titre de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français prononcés par arrêtés des 22 novembre 2013, 15 décembre 2015 et 2 août 2017 dont la légalité a été confirmée par trois jugements du tribunal administratif de Nice. Son mari fait lui aussi l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. La circonstance que les trois enfants de la requérante, dont le dernier est né le 4 septembre 2014 en France, soient scolarisés pour l'aîné au collège et pour les deux derniers en école maternelle et élémentaire en France ne fait pas obstacle à ce que la famille se reconstitue dans son pays d'origine et que les enfants poursuivent une scolarité normale en Tunisie. Les dispositions précitées ne consacrent pas un droit aux étrangers de choisir librement le pays où établir leur vie familiale. La circonstance que certains membres de la famille de la requérante et de sa belle-famille soient de nationalité française ou résident régulièrement en France ne permet pas par elle-même d'établir que Mme B... serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu selon ses propres dires jusqu'à l'âge de 29 ans. Dans ces conditions, elle n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, et alors même que le couple subviendrait aux besoins du foyer, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, la décision en litige ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la cellule familiale peut se reconstituer dans le pays d'origine de la requérante et les enfants peuvent poursuivre une scolarité normale en Tunisie. La décision en litige n'a pas pour effet de séparer la requérante de ses enfants, ni ces derniers de leur père. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant a été écarté à bon droit par les premiers juges.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B..., au ministre de l'intérieur et à Me Oloumi.

Copie pour information sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

2

N° 21MA03394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03394
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : AARPI OLOUMI et HMAD AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-10;21ma03394 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award