Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision tacite née le 29 septembre 2017 par laquelle le maire de la commune de Nîmes ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par Mme B... pour créer deux lots à bâtir, ensemble la décision de rejet implicite née le 25 avril 2019 de son recours gracieux tendant au retrait de cette décision.
Par un jugement n° 1902240 du 5 février 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision du 29 septembre 2017 du maire de Nîmes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 avril 2021, Mme B..., représentée par la Selarl d'avocats Blanc-Tardivel-Bocognano, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 février 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande de Mme E... ;
3°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de Mme E... ;
- la bénéficiaire d'une servitude de passage n'a pas intérêt donnant qualité pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- sa demande est tardive dès lors qu'elle a demandé le retrait d'un acte qui n'était plus susceptible de retrait après l'expiration d'un délai de trois mois et qui ne peut dès lors suspendre le délai de recours contentieux ;
- la création de deux lots à bâtir n'est pas de nature à compromettre, au sens de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, l'exécution du futur plan local d'urbanisme de Nîmes en cours de révision et notamment de la future zone naturelle Nh, eu égard au caractère déjà très urbanisé de la zone et de sa desserte par les réseaux publics ;
- le maire n'a dès lors pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de surseoir à statuer sur la demande de division parcellaire de Mme B... ;
- la décision de non-opposition litigieuse n'a pas été obtenue par fraude quant à la largeur de la voie d'accès aux futurs lots.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2021, Mme E..., représentée par la SCP d'avocats Verbateam Montpellier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de la commune de Nîmes et de Mme B... la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- sa demande était recevable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- par l'effet dévolutif, elle reprend ses moyens de première instance écartés par les premiers juges par application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Remy représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 juillet 2017, Mme B... a déposé une déclaration préalable pour créer deux lots à bâtir sur les parcelles cadastrées section CA n° 1176, 1177 et 181, sises chemin de Camplanier à Nîmes. Par arrêté du 2 octobre 2017, le maire de Nîmes a sursis à statuer sur sa déclaration préalable de division parcellaire. Saisi par Mme B..., le tribunal administratif de Nîmes, par jugement définitif n° 1703606 du 18 décembre 2018, a estimé que Mme B... était titulaire le 29 septembre 2017, eu égard aux délais d'instruction de sa demande, d'une décision tacite de non-opposition et a annulé l'arrêté du maire du 2 octobre 2017 au motif qu'il emportait retrait de cette décision tacite sans avoir été précédé de la procédure contradictoire exigée par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration. Par courrier du 25 février 2019, Mme E... a formé un recours contre cette décision tacite de non-opposition du 29 septembre 2017 remise en vigueur par le jugement d'annulation du 18 décembre 2018 du tribunal administratif de Nîmes. Elle a demandé à ce tribunal l'annulation de cette décision, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur son recours gracieux tendant au retrait de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Nîmes le 24 septembre 2020 soit pendant le délai d'instruction, Mme B... avait soulevé notamment une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de Mme E... au motif que cette dernière avait demandé le retrait d'un acte qui n'était plus susceptible de retrait après l'expiration d'un délai de trois mois et qui ne pouvait dès lors suspendre le délai de recours contentieux. Toutefois, cette fin de non-recevoir n'est ni visée ni analysée par les premiers juges dans le jugement attaqué, qui fait droit à la demande de Mme E... et annule la décision tacite du 29 septembre 2017 par lequel le maire de Nîmes ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par Mme B.... Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et à en demander l'annulation pour ce motif.
3. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Nîmes et devant la Cour.
Sur les fins de non-recevoir opposées par Mme B... sur la demande de première instance de Mme E... :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E... est titulaire d'une servitude de passage sur les parcelles cadastrées section CA n° 1177 et n° 181 lui permettant d'accéder au chemin de Camplanier et de désenclaver sa parcelle cadastrée CA n° 1175 sur laquelle est bâtie sa maison d'habitation. Le projet de division parcellaire de Mme B... se situe sur l'assiette de cette servitude de passage. Au surplus, cette servitude de passage servira de voie de desserte des deux futurs lots. Dans ces conditions, le projet est de nature à conférer à Mme E... un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l'annulation de la décision en litige, sans que puisse y faire obstacle la circonstance invoquée par Mme B... que le partage de cette servitude permettrait le partage des frais d'entretien de ce chemin. La division parcellaire litigieuse ayant pour seul objet de construire, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que ce n'est qu'au stade ultérieur de la délivrance des permis de construire sur les lots issus de cette division que les nuisances invoquées quant à l'usage commun de cette voie d'accès par plusieurs véhicules devront être examinées. Dès lors, cette fin de non-recevoir doit être écartée.
5. En deuxième lieu, d'une part, Sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux qui interrompt le cours de ce délai. Les règles du code de l'urbanisme, organisant une procédure particulière, notamment en matière de délai, qui s'imposent à l'autorité qui a délivré un permis de construire ou une non-opposition à déclaration préalable pour le retirer, sont, toutefois par elles-mêmes, sans incidence sur le principe du droit de faire précéder un recours juridictionnel d'un recours gracieux en l'absence de règles contraires. Elles sont, par voie de conséquence, sans incidence sur les conditions de la computation des délais de recours contentieux opposables au tiers qui en sont le corollaire. Ainsi, la circonstance que le retrait d'un permis de construire ou d'une non-opposition à déclaration préalable n'est possible que pendant une période de trois mois à compter de la date de sa délivrance ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de modifier les conditions de naissance du rejet implicite d'un recours gracieux régulièrement présenté qui a fait courir à nouveau le délai du recours devant la juridiction administrative, en application des règles générales de la procédure contentieuse.
6. D'autre part, lorsqu'une décision créatrice de droits a été retirée dans le délai de recours contentieux puis rétablie à la suite de l'annulation juridictionnelle de son retrait, le délai de recours contentieux court à nouveau à l'égard des tiers à compter de la date à laquelle la décision créatrice de droits ainsi rétablie fait à nouveau l'objet des formalités de publicité qui lui étaient applicables ou, si de telles formalités ne sont pas exigées, à compter de la date de notification du jugement d'annulation.
7. En l'espèce, le jugement du 18 décembre 2018 du tribunal administratif de Nîmes mentionné au point 1 a rétabli rétroactivement la décision tacite en litige de non-opposition du 29 septembre 2017 du maire de Nîmes. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a présenté le 25 février 2019 un recours gracieux au maire de Nîmes tendant au retrait de la décision tacite litigieuse du 29 septembre 2017 dont la commune a accusé réception le même jour. A défaut de réponse du maire, une décision tacite de rejet est née le 25 avril 2019.Toutefois, il n'est pas établi que ce recours gracieux du 25 février 2019 serait intervenu après l'expiration du délai de recours contentieux, qui ne pouvait commencer à courir, compte tenu des principes rappelés au point 5, qu'à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain d'assiette du projet conformément aux articles R. 424-15 et R. 600-2 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, le rejet tacite le 25 avril 2019 de ce recours gracieux a fait courir un nouveau délai de recours contentieux de deux mois qui n'était pas expiré le 25 juin 2019 lors de l'enregistrement de la demande de Mme E... au greffe du tribunal administratif de Nîmes. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme B... tirée de ce que le recours gracieux de Mme E... introduit à l'encontre d'un acte qui n'était plus susceptible de retrait ne serait pas susceptible de rouvrir le délai de recours contentieux doit être écartée. Par suite, la demande de Mme E... est recevable.
Sur la légalité de la décision tacite du 29 septembre 2017 du maire de Nîmes :
8. Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ". L'article L. 424-1 dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige prévoit que : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. /Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. Il peut également être sursis à statuer : (...)3° Lorsque des travaux, constructions ou installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse la réalisation d'une opération d'aménagement, dès lors que le projet d'aménagement a été pris en considération par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités. ".
9. La faculté ouverte par ces dispositions législatives à l'autorité compétente pour se prononcer sur une déclaration préalable, de surseoir à statuer sur cette demande, est subordonnée à la double condition que l'octroi de l'autorisation soit susceptible de compromettre l'exécution du projet du plan local d'urbanisme où à la rendre plus onéreuse et qu'il ait atteint, à la date à laquelle l'autorité doit statuer, un état d'avancement suffisant.
10. Le conseil municipal de Nîmes a dressé le bilan de la concertation et a arrêté le projet de révision du PLU le 30 septembre 2017. Ainsi, à la date du 29 septembre 2017, date de naissance de la décision implicite de rejet, l'état d'avancement du futur PLU, approuvé le 7 juillet 2018, était suffisamment avancé. Ces orientations du PADD débattues le 2 juillet 2016, accessibles tant au juge qu'aux parties sur le site internet de la commune, prévoient dans l'orientation 1.1.3 de protéger de l'urbanisation diffuse l'ensemble des garrigues habitées, sauf en limite de la zone urbaine sur des espaces déjà équipés, et de n'autoriser dans ces secteurs de garrigues que les extensions limitées des constructions existantes. Le rapport de présentation, dans sa partie III.1.3.2. relative aux "objectifs de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain" accessible sur ce site explique qu'il a été décidé, dans l'objectif de protéger les "garrigues habitées" de Nîmes du mitage, que le secteur dense à proximité du centre urbain et déjà équipé par les réseaux (actuellement classé en zone N1 ou N2) sera classé en zone UDp, et que le reste des " garrigues habitées ", soit 2 090 hectares sur les 2 200 hectares des "garrigues habitées", sera classé en zone Nh qui n'autorisera que les extensions très mesurées des bâtiments existants à la condition qu'elles ne portent pas atteinte à la préservation des sols agricoles et forestiers, ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages. Le projet de règlement du PLU en cours d'élaboration interdit toute construction nouvelle en zone Nh. Le terrain d'assiette du projet de division litigieuse, situé en zone N2, sera amené à être classé en zone Nh. La circonstance que le terrain d'assiette du projet soit situé dans un secteur majoritairement bâti et desservi par les réseaux publics sur des unités foncières importantes ne permet pas de faire regarder le classement de ces parcelles en zone Nh comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à l'objectif de protéger les "garrigues habitées" de Nîmes du mitage. Il ressort du plan parcellaire du dossier de déclaration préalable de la division en litige que l'opération projetée consiste en la création de deux terrains à bâtir d'une superficie pour le lot n° 1 de 2 073 m² et pour le lot n° 2 d'environ 2 096 m². Le projet de deux constructions individuelles dans ce secteur naturel préservé est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. Eu égard à la volonté des auteurs du plan local d'urbanisme, le maire de Nîmes a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de surseoir à statuer sur la demande de division parcellaire en litige en délivrant tacitement une autorisation de division en vue de bâtir dans une zone non aedificandi du futur plan. Par suite, Mme E... est fondée à soutenir que le maire a méconnu les articles L. 153-11 et L. 424-1 du code de l'urbanisme.
11. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder une annulation.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme E... est fondée à demander l'annulation de la décision du 29 septembre 2017, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme à verser à Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 5 février 2021 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La décision du 29 septembre 2017 du maire de Nîmes, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme E... sont annulées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et à Mme D... B....
Copie en sera adressée au maire de la commune de Nîmes et au procureur de la République près du tribunal judiciaire de Nîmes.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.
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N° 21MA01353