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10/05/2022 | FRANCE | N°19MA02214

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 10 mai 2022, 19MA02214


Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 mai et 11 novembre 2019 sous le n° 19MA02214, l'association Lavalette Nature Paysages et Cadre de vie, le groupement foncier agricole des Trois Sources, la société civile immobilière de Lavalette, M. C... A... der Horst, Mme D... L..., épouse A... der Horst, Mme K... L..., M. H... I..., M. F... B... et Mme E... J... épouse B..., représentés par la SCP Joseph-Barloy, Barloy, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a, en exécut

ion de l'arrêt n° 17MA04390 de la cour administrative d'appel de Marseille du ...

Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 mai et 11 novembre 2019 sous le n° 19MA02214, l'association Lavalette Nature Paysages et Cadre de vie, le groupement foncier agricole des Trois Sources, la société civile immobilière de Lavalette, M. C... A... der Horst, Mme D... L..., épouse A... der Horst, Mme K... L..., M. H... I..., M. F... B... et Mme E... J... épouse B..., représentés par la SCP Joseph-Barloy, Barloy, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a, en exécution de l'arrêt n° 17MA04390 de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 décembre 2018, délivré à la société 2L Energie un permis de construire en vue de l'édification des aérogénérateurs nos 1 à 3, 6 et 7, de deux postes de livraison ainsi que d'un local dit " base de vie " sur le territoire de la commune de Lunas ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- l'étude d'impact présente un caractère incomplet et comporte des informations erronées ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions du règlement de la zone N du plan local d'urbanisme de Lunas ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juillet 2019, ainsi qu'un mémoire enregistré le 29 décembre 2019 et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la société à responsabilité limitée à associé unique 2L Energie, représentée par l'AARPI Rivière Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, subsidiairement, à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ou, à défaut, de l'article L. 600-5 du même code.

Elle soutient que :

- les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- l'association Lavalette Nature Paysages et Cadre de vie ne justifie pas d'une qualité pour agir dès lors que son action a été introduite par une personne qui ne justifie pas de sa qualité de président de l'association ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact, laquelle ne constitue pas une pièce obligatoire du dossier de demande de permis de construire, est irrecevable et, en tout état de cause, infondé ;

- les moyens tirés de la méconnaissance de l'article N 2 du règlement du plan local d'urbanisme de Lunas et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme sont irrecevables eu égard à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 11 décembre 2018 et ne sont, en tout état de cause, pas fondés ;

- les autres moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 novembre 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par les requérants, à les supposer opérants, ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 mai et 11 novembre 2019 sous le n° 19MA02239, la commune de Lavalette, représentée par la SCP Joseph-Barloy, Barloy, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 13 mars 2019 visé ci-dessus ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- l'étude d'impact présente un caractère incomplet et comporte des informations erronées ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions du règlement de la zone N du plan local d'urbanisme de Lunas ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juillet 2019, ainsi qu'un mémoire enregistré le 29 décembre 2019 et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la société 2L Energie, représentée par l'AARPI Rivière Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Lavalette au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, subsidiairement, à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ou, à défaut, de l'article L. 600-5 du même code.

Elle soutient que :

- la commune de Lavalette ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact, laquelle ne constitue pas une pièce obligatoire du dossier de demande de permis de construire, est, en tout état de cause, infondé ;

- les moyens tirés de la méconnaissance de l'article N 2 du règlement du plan local d'urbanisme de Lunas et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme sont irrecevables eu égard à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 11 décembre 2018 et ne sont, en tout état de cause, pas fondés ;

- les autres moyens invoqués par la commune requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 novembre 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par la commune de Lavalette, à les supposer opérants, ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 ;

- le code de justice administrative.

Par une décision du 24 août 2021, la présidente de la cour a désigné M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Descubes, représentant la société 2L Energie.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de l'Hérault a, par un arrêté du 2 avril 2014, refusé de délivrer le permis de construire sollicité par la société 2L Energie en vue de l'édification d'un parc éolien comprenant sept aérogénérateurs, deux postes de livraison et un local dit " base de vie " sur le territoire de la commune de Lunas. Par un jugement du 14 septembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société 2L Energie tendant à l'annulation de cet arrêté de refus de permis de construire. Par un arrêt du 11 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur l'appel de cette société, partiellement annulé cet arrêté du 2 avril 2014, ainsi que ce jugement en ce qu'il a de contraire à cet arrêt, et enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à la société 2L Energie un permis de construire autorisant l'édification des aérogénérateurs nos 1 à 3, 6 et 7, de deux postes de livraison ainsi que d'un local dit " base de vie ". Par un arrêté du 13 mars 2019, le préfet de l'Hérault a, en exécution de cette injonction, délivré ce permis de construire à la société 2L Energie. Par leurs requêtes visées ci-dessus, qui sont dirigées contre le même arrêté et ont fait l'objet d'une instruction commune, et qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, l'association Lavalette Nature Paysages et Cadre de vie et plusieurs autres requérants, ainsi que la commune de Lavalette, demandent à la cour, en application de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, d'annuler cet arrêté du 13 mars 2019.

Sur la légalité du permis de construire en litige :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé, pour le préfet de l'Hérault, par le directeur départemental des territoires et de la mer. Il ressort des pièces des dossiers que ce dernier bénéficiait, en vertu d'un arrêté préfectoral du 26 avril 2018 régulièrement publié le lendemain au recueil des actes administratifs n° 44, d'une délégation à l'effet de signer notamment les permis de construire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

3. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, le permis de construire a pour objet de vérifier que les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords. Aux termes de l'article R. 431-16 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, antérieure à celle issue du décret du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend (...), selon les cas : / a) L'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du code de l'environnement (...) ". Le tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement dresse la liste des travaux, ouvrages ou aménagements soumis à une étude d'impact, notamment lorsqu'ils sont subordonnés à la délivrance d'un permis de construire.

4. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de joindre l'étude d'impact au dossier de demande de permis de construire, prévue par l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, ne concerne que les cas où l'étude d'impact est exigée en vertu des dispositions du code de l'environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l'urbanisme.

5. Le projet litigieux, qui concerne un parc éolien comportant des aérogénérateurs dont les mâts présentent une hauteur supérieure à 50 mètres, est soumis à autorisation au titre de la législation sur les installations classées dans le cadre de la rubrique n° 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Il est, à ce titre, soumis à étude d'impact en application du 1° du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. En revanche, aucune rubrique du même tableau ni aucune disposition du code de l'environnement, dans leur rédaction applicable en l'espèce, n'imposent la réalisation d'une étude d'impact préalablement à la délivrance d'un permis de construire un parc éolien. Dans ces conditions, une telle étude n'ayant pas à figurer obligatoirement dans le dossier de demande de permis de construire déposé le 18 décembre 2012 par la société 2L Energie, les requérants ne peuvent utilement arguer, à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation du permis de construire en litige, du caractère incomplet, insuffisant ou erroné de l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation d'exploiter déposée par cette société.

6. En troisième lieu, l'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'un arrêt devenu définitif annulant un refus de permis de construire ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le permis de construire sollicité soit à nouveau refusé par l'autorité administrative ou que le permis accordé soit annulé par le juge administratif, pour un motif identique à celui qui avait été censuré.

7. Pour annuler l'arrêté de refus de permis de construire du 2 avril 2014 évoqué au point 1, la cour administrative d'appel de Marseille a, par son arrêt devenu définitif du 11 décembre 2018, notamment censuré le motif fondé sur l'article N 2 du règlement du plan local d'urbanisme de Lunas, les dispositions de cet article ne faisant pas obstacle à l'implantation du parc éolien projeté par la société 2L Energie en zone N. En l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, les requérants ne peuvent utilement invoquer le moyen tiré de ce que le permis de construire litigieux, délivré le 13 mars 2019 en exécution de cet arrêt devenu définitif, serait entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions du règlement de la zone N du plan local d'urbanisme de Lunas.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

9. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

10. Il ressort des pièces des dossiers que les éoliennes litigieuses doivent être implantées à plus de 600 mètres des habitations les plus proches. L'étude acoustique figurant en annexe de l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation d'exploiter de la société pétitionnaire, étude dont les requérants ne critiquent au demeurant pas utilement le contenu, notamment en se bornant à souligner qu'elle n'aurait pas pris en compte l'hypothèse d'une vitesse du vent supérieure à 9 mètres par seconde, indique que, au vu des mesures effectuées, les émergences diurnes et nocturnes qui résulteront du fonctionnement des aérogénérateurs respecteront la réglementation en vigueur. Les requérants ne font état d'aucun élément technique probant de nature à contredire ces indications et à établir que le projet litigieux serait, en raison des nuisances sonores engendrées par les éoliennes, susceptible de porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Par ailleurs, l'étude acoustique fait état des mesures de bridage des éoliennes pouvant être mises en œuvre, le cas échéant, et précise que de nouvelles mesures acoustiques seront réalisées à la suite de l'édification des éoliennes afin de s'assurer du respect de la réglementation en vigueur. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet de l'Hérault aurait, en délivrant le permis de construire en litige, commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le permis (...) doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ".

12. Il résulte de ces dispositions qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

13. Les requérants soutiennent que le parc éolien en litige est de nature à avoir des conséquences dommageables sur l'environnement caractéristique de la partie sud du massif de l'Escandorgue, en particulier sur l'aigle Royal, l'aigle de Bonelli, ainsi que sur certaines espèces de chiroptères. S'ils critiquent l'insuffisance des prescriptions énoncées à l'article 5 de l'arrêté contesté, il ne ressort pas des pièces des dossiers, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que des prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme seraient susceptibles de limiter davantage les éventuels impacts négatifs du projet sur les espèces en cause. Dans ces conditions, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault a entaché l'arrêté attaqué d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme doit être écarté.

14. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

15. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-27 cité ci-dessus.

16. Si les requérants contestent la sincérité des photomontages figurant dans le volet paysager de l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation d'exploiter de la société pétitionnaire, il ne ressort, en tout état de cause, ni de la note d'analyse qu'ils produisent à cet égard ni des autres pièces des dossiers que la qualité de ces photomontages serait, compte tenu de la méthodologie appliquée et du format retenu, insuffisante pour apprécier convenablement l'impact paysager des éoliennes projetées.

17. Il ressort des pièces des dossiers que le site d'implantation du parc éolien en litige, localisé sur les hauteurs du territoire de la commune de Lunas, au sein du parc naturel régional du Haut-Languedoc, s'inscrit dans la partie sud du massif de l'Escandorgue, dont les lignes de crêtes forment une limite entre différentes entités paysagères, dans une zone partiellement boisée, à dominante naturelle et agricole, caractérisée notamment par un relief relativement marqué ainsi que par la présence de sentiers de grande randonnée. Le site d'implantation retenu, qui offre un panorama ouvert sur les vallées avoisinantes et les paysages lointains, doit être regardé comme n'étant pas dépourvu d'intérêt paysager.

18. Les cinq aérogénérateurs dont l'arrêté contesté autorise l'édification, d'une hauteur de 125 mètres en bout de pales, doivent être implantés, s'agissant de ceux nos E1 à E3, à environ 700 mètres d'altitude dans le secteur dit de " l'Agast " situé au sud et, s'agissant de ceux nos E6 et E7, sur le site dénommé " Le Can de Nize " situé au nord. Le permis de construire en litige n'autorise pas l'édification des deux autres aérogénérateurs, nos E4 et E5, dont le projet prévoyait l'édification au lieu-dit " M... ", dans la partie du site d'implantation la plus proche de l'une des limites du vaste site classé constitué par l'ensemble formé par la vallée et le lac du Salagou, le cirque de Mourèze et leurs abords. La circonstance alléguée que les deux groupes d'éoliennes autorisés par l'arrêté attaqué sont distants de plus d'un kilomètre ne permet pas de caractériser, à elle seule, l'effet de mitage allégué, alors au demeurant que l'autorité environnementale a relevé, dans son avis émis dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter de la société pétitionnaire, que les risques de mitage du paysage étaient réduits compte tenu du regroupement de plusieurs parcs éoliens dans le secteur dans lequel s'inscrit le site d'implantation du projet. Si les requérants évoquent la présence de la chapelle Saint-Amans, située à une distance légèrement supérieure à 500 mètres de l'éolienne la plus proche, il ne ressort pas des pièces des dossiers, en dépit de cette proximité, que le projet litigieux, alors même qu'il sera intégralement visible depuis ce monument ancien, serait susceptible de porter atteinte à cette chapelle disposant déjà de vues sur le parc éolien existant de Dio-et-Valquières et dont il n'est au demeurant pas établi qu'elle ferait l'objet d'une protection particulière. En outre, la circonstance que le parc éolien en litige pourrait être aperçu depuis le château de Lavalette, monument partiellement inscrit au titre des monuments historiques, situé à plus de deux kilomètres de l'éolienne la plus proche, ainsi que depuis certains éléments caractéristiques du patrimoine protégé de la commune de Lodève, située à plus de quatre kilomètres à l'est de l'éolienne la plus proche, ne suffit pas, compte tenu notamment de ces distances et de la topographie du secteur, à établir l'existence d'une atteinte visuelle significative aux lieux en cause. Il en va de même des atteintes alléguées, de façon très générale, aux éléments patrimoniaux et paysagers situés dans le périmètre de la communauté de communes Lodévois-Larzac, à plusieurs kilomètres du site d'implantation du parc éolien de Lunas. Par ailleurs, si les éoliennes litigieuses seront visibles depuis plusieurs points du site inscrit évoqué ci-dessus, notamment depuis les rives du lac du Salagou situé à plus de sept kilomètres, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le parc éolien en cause aurait un impact significatif sur ce site compte tenu de la distance l'en séparant ainsi que de la configuration des lieux. Enfin, la circonstance que les cinq éoliennes litigieuses pourront, compte tenu de leur lieu d'implantation et de leur hauteur, être observées depuis les villages et hameaux situés en contrebas, dans les vallées avoisinantes, ne saurait suffire, à elle seule, à caractériser une atteinte aux lieux et paysages avoisinants de nature à justifier un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions citées au point 14.

19. Eu égard à ce qui vient d'être dit, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de l'Hérault a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en délivrant le permis de construire en litige.

20. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 13 mars 2019.

Sur les frais liés aux litiges :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, les sommes demandées par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société 2L Energie.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes visées ci-dessus sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société 2L Energie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Lavalette Nature Paysages et Cadre de vie, première dénommée dans la requête n° 19MA02214, pour l'ensemble des requérants, à la commune de Lavalette, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société 2L Energie.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

2

Nos 19MA02214, 19MA02239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02214
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Octroi du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : RIVIÈRE | AVOCATS | ASSOCIÉS;RIVIÈRE | AVOCATS | ASSOCIÉS;RIVIÈRE | AVOCATS | ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-10;19ma02214 ?
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