Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2017 par lequel le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) du Var a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre après lui avoir enjoint de produire l'intégralité de son dossier médical et, d'autre part, d'enjoindre audit centre de gestion, à titre principal, de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1702719 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 5 juillet 2017 et enjoint au CGFPT du Var de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie développée par Mme D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de la demande de cette dernière.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 août 2020 et le 9 avril 2021, le CGFPT du Var, représenté par Me Boukheloua, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 juin 2020 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de rejeter la requête de Mme D... ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement, qui méconnait l'article R. 741-7 du code de justice administrative, est irrégulier ;
- le jugement ne pouvait admettre l'existence d'un lien de causalité entre la maladie de Mme D... et le service dès lors que cette agente n'a jamais précisé la raison et les périodes de travail susceptibles de faire naître sa pathologie ;
- le courrier du 26 novembre 2007 ne permet pas de démontrer l'existence de conditions de travail de nature à susciter le développement de la pathologie de Mme D... ;
- les conditions de travail n'ayant jamais été pathogènes, elles ne peuvent pas être à l'origine de la dégradation de l'état de santé de Mme D..., état qui préexistait aux prétendues difficultés professionnelles alléguées ;
- ni l'absence de promotion interne en 2007 et en 2009, ni les changements successifs de fonctions, ni la teneur des propos tenus dans le courrier du 18 décembre 2007, ne révèlent l'existence de faits de harcèlement moral ;
- les premiers juges se sont abstenus de se prononcer sur le moyen tiré de l'antériorité de la pathologie de Mme D... à l'apparition de ses prétendues difficultés professionnelles alors qu'il ressort des pièces médicales versées au dossier que celle-ci a présenté un état dépressif dès avant la période de conflit professionnel allégué ;
- la situation de Mme D... ne remplit aucune des trois conditions pour qu'une maladie puisse être reconnue comme imputable au service ; ainsi, les conditions de travail de l'intéressée, personnalité fragile avec des troubles hyperesthésiques voire paranoïaques, n'étant aucunement pathogènes, celles-ci ne sauraient être en lien avec l'apparition de sa dépression, qui au surplus était antérieure à la période au cours de laquelle ses difficultés professionnelles sont prétendument apparues.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er avril 2021, Mme D..., représentée par Me Hoffmann, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du CGFPT du Var le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le CGFPT du Var ne sont pas fondés et que la Cour devra confirmer le jugement attaqué par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
Par ordonnance du 18 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Boukheloua représentant le CGFPT du Var et de Me Hoffmann représentant Mme D....
Vu la note en délibéré enregistrée le 16 avril 2022, présentée par Me Hoffmann pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., rédacteur principal, employée par le CGFPT du Var depuis le 1er juin 2004, après avoir été placée en congé de longue durée à compter du 28 avril 2008 jusqu'au 23 mars 2010, a été réintégrée le 24 mars 2010 en temps partiel thérapeutique jusqu'au 24 mars 2011, puis à temps plein jusqu'à un nouveau placement en congé de longue durée à compter du 25 juillet 2011 pour être finalement admise à la retraite pour invalidité à compter du 29 janvier 2015. Par un jugement n° 1403051 du 27 septembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 26 juin 2014 par laquelle le président du CGFPT du Var avait refusé, après avoir recueilli l'avis négatif de la commission départementale de réforme de la fonction publique territoriale, de reconnaître comme imputable au service la maladie de Mme D... et enjoint audit président de prendre une nouvelle décision après nouvelle instruction de sa demande. En exécution de ce jugement et après le nouvel avis, négatif, émis par la commission départementale, le président du CGFPT du Var a, par un arrêté du 5 juillet 2017, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D.... Le CGFPT du Var relève appel du jugement du 26 juin 2020 en tant que le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté de son président du 5 juillet 2017, a enjoint à ce dernier de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de Mme D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sans qu'il besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
2. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
3. Pour rejeter la demande de Mme D... tendant à la reconnaissance de sa maladie professionnelle, le président du CGFPT du Var a estimé que l'existence d'un lien direct et certain entre la pathologie dont elle souffrait et son travail n'était pas établie, cette appréciation se fondant notamment sur l'avis négatif rendu par la commission départementale de réforme de la fonction publique territoriale du Var le 5 juillet 2017.
4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et en particulier du courrier du 26 novembre 2007 que Mme D... a cosigné avec une collègue adressé au premier vice-président du CGFPT du Var, dans lequel étaient, d'une part, dénoncés des faits qualifiés de " prise illégale d'intérêt ", un " fonctionnement atypique " du centre et notamment de la commission de réforme et de la commission administrative paritaire, les absences de réponse à ses demandes ou propositions et, d'autre part, évoqué son changement de service en raison de l'impossibilité ainsi que l'insuffisance des moyens donnés par sa hiérarchie pour assurer ses missions, qu'elle aurait, comme elle le soutient, subi une dégradation de ses conditions de travail à compter de l'année 2007. Il ne ressort pas davantage du courrier du 4 décembre 2007 qu'elle a adressé au président de cet établissement dans lequel elle reprenait une partie des faits précédemment décrits et, en outre, sollicitait une autorisation pour cumul de salaire en se plaignant par ailleurs d'être victime de discrimination pour n'avoir pas été promue au grade d'attachée, cette absence de promotion étant à l'origine de son suivi psychiatrique. Comme la cour l'a déjà jugé par son arrêt n° 18MA00031 du 28 novembre 2019 devenu définitif, les griefs allégués par Mme D... tenant à son absence de promotion interne, au défaut de prise en compte de ses propositions professionnelles lorsqu'elle était chargée du bilan social, au rejet de sa demande d'autorisation de cumul d'activités et au retrait de son téléphone professionnel à la suite de son changement d'affectation, ne sont étayés que par ses propres affirmations ou ne relèvent, lorsqu'ils peuvent être tenus pour établis, que de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et ne peuvent suffire à démontrer l'existence d'un lien direct et certain entre la maladie dont elle souffre et les conditions d'exercice de son activité professionnelle. En outre, il ressort des pièces du dossier que son changement d'affectation en 2007 est intervenu à sa demande et les énonciations du rapport de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur du 6 février 2019 concernant l'activité du CGFPT du Var, qui portent sur les seuls exercices 2011 et suivants, ne sauraient révéler l'existence d'une " prise illégale d'intérêt " ou de dysfonctionnements au cours de l'année 2007 ou des années antérieures. Ainsi, les pièces du dossier ne permettent pas de caractériser des relations conflictuelles ni même difficiles au cours de l'année 2007 ou de l'année précédente, ni encore une aggravation de celles-ci au début de l'année 2008.
5. En second lieu, les éléments médicaux du dossier ne permettent d'établir ni que Mme D... souffrait de dépression réactionnelle au travail avant l'année 2007, ni qu'elle était suivie depuis 2004 par un médecin psychiatre. Il résulte toutefois, d'une part, d'un certificat médical établi le 28 mars 2007, que Mme D... a été adressée à cette dernière date à un médecin psychiatre par un médecin généraliste pour une prise en charge spécialisée et, d'autre part, des rapports des expertises datés des 11 septembre 2008 et 6 mai 2014 établis par un médecin psychiatre et un psychiatre-psychothérapeute, ains que du rapport du médecin de prévention daté du 30 mai 2017, que l'intéressée souffrait, à la date de chacun des trois examens auxquels elle a été soumise, d'un état dépressif développé sur une structure de " personnalité sensitive " sous-jacente " de type hyperesthésique voire paranoïaque ", qu'elle présentait " une personnalité obsessionnelle la rendant vulnérable à l'autorité hiérarchique " et que sa " psychorigidité " ne lui permettait pas " de capacité d'adaptation suffisante au sein de son travail ... la décompensation de ses traits de personnalité pathologique ayant été favorisée par la situation professionnelle vécue comme conflictuelle ", ce constat de " personnalité très fragile " ayant été par ailleurs souligné par un praticien spécialiste des maladies du système nerveux dans un certificat médical établi le 16 avril 2013.
6. Eu égard à l'ensemble des éléments qui viennent d'être rappelés, il ne peut être retenu que des circonstances particulières tenant à ses conditions de travail ou d'exercice de ses fonctions ont été susceptibles de provoquer la pathologie dont souffre Mme D... ou d'y concourir, fût-ce pour partie. Il suit de là que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la maladie contractée par Mme D... au cours de l'année 2007, pour laquelle elle a été traitée à compter de cette date, ne peut être regardée comme imputable au service.
7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le CGFPT du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 5 juillet 2017 de son président et a enjoint à ce dernier d'accorder à Mme D... le bénéfice de la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie.
8. Lorsque le juge d'appel, saisi par le défendeur de première instance, censure le motif retenu par les premiers juges, il lui appartient, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés par l'intimé en première instance, alors même qu'ils ne seraient pas repris dans les écritures produites, le cas échéant, devant lui, à la seule exception de ceux qui auraient été expressément abandonnés en appel.
9. En premier lieu, Mme D... soutient que la décision du 5 juillet 2017, prise sur le fondement de l'avis de la commission départementale de réforme de la fonction publique territoriale du Var, est entachée d'illégalité dès lors que cette commission ne pouvait statuer sur sa situation sans porter atteinte au principe d'impartialité. Elle ne l'établit toutefois pas en se bornant à soutenir que la décision de non imputabilité a été prise le même jour que la tenue de ladite commission et que la commission a statué dans les locaux du CGFPT du Var sous la présidence de M. A... qui en était alors le président lorsqu'elle était en fonction, alors qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la présidence de la commission a été en l'espèce assurée par M. B..., maire de Bandol, en sa qualité de président suppléant.
10. En deuxième lieu, Mme D... soutient que le médecin du travail n'a pas eu accès à l'intégralité de son dossier médical en méconnaissance de l'article 23 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée. Toutefois, et alors qu'elle a consulté son dossier médical auprès du médecin de prévention le 13 mars 2017 sans avoir constaté de pièces manquantes au regard de la règlementation qu'elle cite dans ses écritures, en l'absence de précisions sur la nature des pièces médicales qui auraient fait défaut, Mme D... ne justifie pas de l'incomplétude de ce dossier.
11. En troisième lieu, Mme D... soutient que son dossier médical n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi, l'avis de la commission de réforme et l'arrêté de refus d'imputabilité ayant été datés et signés du même jour. Toutefois, cette seule circonstance ne suffit pas à démontrer l'absence d'examen réel de sa situation médicale.
12. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient Mme D..., l'arrêté en litige du 5 juillet 2017, qui mentionne les textes législatifs et réglementaires qui en constituent le fondement, énonce les considérations de fait sur lesquelles il se fonde, en précisant notamment que le président du CGFPT du Var a décidé de suivre l'avis de la commission de réforme selon lequel les avis des médecins font état d'absence de critères objectifs pour justifier de l'imputabilité d'une maladie contractée dans l'exercice des fonctions et de l'absence de lien direct et certain entre la pathologie présentée par l'agente et les fonctions. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté alors même que l'arrêté n'a pas spécifié les critères objectifs absents.
13. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, le président du CGFPT du Var n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant l'imputabilité au service de la pathologie présentée par Mme D.... Et si, comme le souligne l'intéressée, les certificats médicaux versés aux débats font pour certain état d'un " stress au travail " et d'une " dépression ... directement liée à cet établissement et à la directrice encore en poste ", ils ne reposent toutefois que sur ses propres déclarations au sujet de ses conditions de travail ainsi, d'ailleurs, que le relève le certificat établi le 17 juin 2014 par le médecin du travail, qui précise qu'il ne dispose pas de tous les éléments pour juger de l'implication des événements professionnels sur son état de santé.
14. En sixième et dernier lieu, eu égard à ce qui précède, la circonstance que le comité départemental, dans son avis du 25 septembre 2008, a préconisé pour Mme D... une mutation dans un autre établissement, n'est pas de nature à démontrer que sa pathologie est imputable au service en l'absence de lien direct entre son état dépressif et ses fonctions ou ses conditions de travail qui ne sont pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, objectivement de nature à susciter le développement d'une telle pathologie.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Toulon par Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2017 du président du CGFPT du Var refusant l'imputabilité au service de sa pathologie doivent être rejetées, ainsi que par voie de conséquence celles à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme D... présentées devant la cour administrative d'appel de Marseille dirigées contre le CGFPT du Var qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D..., le versement au CGFPT du Var d'une quelconque somme sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1702719 du tribunal administratif de Toulon du 26 juin 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Toulon par Mme D... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par le CGFPT du Var sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var et à Mme C... D....
Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2022.
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N° 20MA03207
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