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05/05/2022 | FRANCE | N°20MA03176

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 05 mai 2022, 20MA03176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) du bassin de Thau à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge dans le service des urgences de cet établissement le 25 décembre 2017 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer les conséquences sur son état de santé de sa prise en charge dans cet établissement en lui all

ouant une indemnité provisionnelle de 12 000 euros.

Par un jugement n° 1902...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) du bassin de Thau à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge dans le service des urgences de cet établissement le 25 décembre 2017 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer les conséquences sur son état de santé de sa prise en charge dans cet établissement en lui allouant une indemnité provisionnelle de 12 000 euros.

Par un jugement n° 1902151 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2020, Mme B..., représentée par Me Lafont, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 juin 2020 ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge dans le service des urgences de cet établissement le 25 décembre 2017 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer les conséquences sur son état de santé de sa prise en charge dans cet établissement en lui allouant une indemnité provisionnelle de 12 000 euros ;

4°) de mettre à la charge du CHI du bassin de Thau le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le tableau clinique qu'elle présentait était suffisamment clair pour suspecter un trouble vasculaire, la littérature médicale montrant que les céphalées du post-partum chez une patiente migraineuse avec antécédents vasculaires familiaux font craindre une thrombophlébite cérébrale, surtout comme en l'espèce, dans les suites proches d'une anesthésie péridurale et d'autant plus que le traitement antalgique administré est resté sans effet sur les douleurs ressenties ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le médecin urgentiste et le radiologue de garde ont commis un manquement aux règles de l'art en procédant à la réalisation d'un premier scanner sans injection ;

- l'angioscanner injecté a été réalisé avec un retard de 8 ou 9 heures au cours desquelles elle a subi des douleurs intenses ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen soulevé dans son mémoire du 13 mars 2020 selon lequel l'administration par le médecin urgentiste d'un médicament vasoconstricteur était contre-indiquée ; cette prescription est certainement la cause des complications qu'elle a présentées à l'hôpital Gui de Chauliac de Montpellier et de l'aggravation de son état de santé ;

- du fait des manquements commis par l'hôpital du bassin de Thau, elle a subi des souffrances pendant 9 heures, un préjudice lié à un manque d'empathie et un préjudice moral lié à un " stress extrême " qui seront justement réparés par une indemnité de 15 000 euros ;

- à titre subsidiaire, elle sollicite une expertise aux fins de déterminer les fautes du centre hospitalier et les préjudices qu'elle a subis consécutivement à ses fautes ainsi que l'octroi d'une allocation provisionnelle de 12 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2020, le CHI du Bassin de Thau, représenté par Me le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il n'a commis aucune erreur de diagnostic fautive eu égard au tableau clinique que présentait Mme B... ;

- les juges n'ont pas l'obligation de répondre à tous les arguments avancés au soutien d'un moyen, au surplus lorsqu'il est dépourvu de précision ; en tout état de cause, il ne ressort du dossier ni que le médicament " Triptan " lui a été prescrit, ni à supposer cette prescription établie, que son administration a été à l'origine de complications ;

- la mesure d'expertise sollicitée ne présente aucune utilité ;

- à titre subsidiaire, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que le suivi psychiatrique dont fait l'objet la requérante est imputable à sa prise en charge par le centre hospitalier et, pour désagréable que soit le fait de se sentir incomprise, cette seule circonstance ne démontre pas la réalité du préjudice allégué ; en tout état de cause, le montant demandé est excessif.

La requête a été communiquée le 8 septembre 2020 à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 16 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 avril 2021.

Un mémoire produit pour Mme B... le 15 septembre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... relève appel du jugement du 22 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de condamnation du CHI du bassin de Thau à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge dans le service des urgences de cet établissement de santé le 25 décembre 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, devant le tribunal administratif de Montpellier, Mme B... a soutenu que " l'administration d'un Triphan pour soulager " ses " douleurs ... est un vasoconstricteur formellement contre-indiqué ". Les premiers juges ont omis de répondre à ce moyen qui, bien que lapidairement exposé, n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué, en date du 22 juin 2020, doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur la responsabilité du CHI du bassin de Thau :

4. Il résulte de l'instruction que, après un examen clinique réalisé à son admission au service des urgences du centre hospitalier du bassin de Thau vers 18 heures le 25 décembre 2017 en raison d'importantes céphalées, ont été administrés à Mme B... des antalgiques d'un niveau I puis d'un niveau II ainsi que des anti-inflammatoires et de la morphine par voie intraveineuse devant les résultats modestes de l'analgésie. Par ailleurs, Mme B... a subi des examens biologiques qui ont permis d'écarter tout syndrome infectieux et anémique et de révéler qu'elle présentait un taux de Béta Hcg assez élevé eu égard à la date de son accouchement le 19 décembre 2017. Ainsi, devant la persistance des céphalées non calmées par les traitements administrés, le service des urgences a fait pratiquer un scanner cérébral simple, qui n'a pas révélé d'anomalie particulière. Eu égard cependant aux métrorragies persistantes avec un taux de Béta Hcg augmenté qu'elle présentait, Mme B... a été transférée au service gynécologique où un scanner cérébral avec produit injecté a été réalisé, qui a permis de mettre en évidence une anomalie vasculaire au niveau cervical et a justifié son orientation vers l'hôpital Gui de Chauliac à Montpellier, où une IRM cérébrale a permis de diagnostiquer une dissection vertébrale bilatérale et un syndrome de vasoconstriction cérébrale post-partum.

5. Mme B... soutient avoir subi des préjudices résultant de manquements dans sa prise en charge au service des urgences du CHI du bassin de Thau où elle a dû attendre jusqu'à 3 heures du matin pour se voir prescrire la réalisation d'un scanner cérébral avec produit injecté, seul de nature à mettre en évidence une anomalie vasculaire au niveau cervical, et une orientation vers l'hôpital Gui de Chauliac à Montpellier où un traitement efficace lui a été administré.

6. En premier lieu, l'article du mois de mars 2001 rédigé par un praticien du service de neurologie de l'hôpital Saint-Anne à Paris, selon lequel " Les symptômes et signes cliniques des thrombophlébites cérébrales (TVC) sont très variés (...) Une TVC doit être suspectée lorsqu'un patient présente un tableau associant à des degrés divers une hypertension intracrânienne et/ou un déficit neurologique focal et/ou des crises épileptiques. La symptomatologie clinique varie aussi en fonction de la topographie de la thrombose veineuse et, dans certains cas, la TVC peut avoir une présentation inhabituelle. " que Mme B... a produit, s'il permet d'établir la variété des tableaux cliniques que peuvent présenter les patients atteints de thrombophlébites cérébrales (TVC), n'est pas de nature à remettre en cause les éléments de littérature médicale produits en défense, dont il ressort que, alors que les céphalées sont fréquentes dans la semaine suivant l'accouchement, les cas de dissection vertébrale bilatérale sont très rares, 32 cas seulement ayant été relevés dans la littérature. Ainsi, eu égard à la variété des symptômes et signes cliniques des thrombophlébites cérébrales (TVC), et à la difficulté d'envisager une dissection vertébrale bilatérale associée à un syndrome de vasoconstriction cérébrale post-partum chez une patiente ayant accouché moins d'une semaine auparavant, souffrant de céphalées, présentant un taux de béta HCG élevé et des métrorragies et ayant, de surcroît, des antécédents migraineux, le médecin urgentiste et le radiologue de garde n'ont commis ni faute ni manquement aux règles de l'art en décidant de réaliser, en première intention, un scanner sans injection d'un produit de contraste.

7. En second lieu, Mme B... soutient que lui a été prescrit un médicament relevant de la classe des " Triptan ", soit un vaso-constricteur qui, selon elle, a eu pour effet d'aggraver son état clinique. Il ne ressort toutefois ni du " Plan de soins du 25/12/2017 au 27/12/2017 " qu'elle verse aux débats, ni d'aucun autre élément du dossier, qu'un médicament de cette classe lui aurait été prescrit lors de son passage au service des urgences du CHI du bassin de Thau, alors, au demeurant et en tout état de cause, que ses seules affirmations ne suffisent pas à démontrer que, comme elle l'affirme, une telle spécialité aurait eu, à supposer qu'elle lui aurait été effectivement administrée, les effets délétères qu'elle lui prête.

8. Ainsi, et dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, aucune faute médicale ni aucun manquement aux règles de l'art ne peuvent être relevés à l'occasion de sa prise en charge et de son suivi au CHI du bassin de Thau, Mme B... n'est fondée à demander à être indemnisée ni des souffrances qu'elle a supportées durant le temps nécessaire à l'établissement du diagnostic précis des troubles dont elle souffrait, ni du préjudice moral résultant de l'angoisse de mourir dans l'attente de l'administration de soins efficaces ni, enfin, du préjudice qu'elle impute à la circonstance qu'elle aurait été incomprise par le personnel soignant.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale sollicitée, que la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que soit mis à la charge du CHI du bassin de Thau, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1902151 du 22 juin 2020 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2022.

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N° 20MA03176

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03176
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité sans faute. - Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP LAFONT ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-05;20ma03176 ?
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