Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1703857 du 12 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 août 2019, Mme C..., représentée par Me Mul, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 juin 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration n'était pas fondée à l'imposer à raison de la plus-value de cession des parts des sociétés G... et I... en mettant en œuvre l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dès lors que l'apport de ces parts, préalablement à leur cession, à la société B..., n'avait pas un but exclusivement fiscal ;
- le niveau du réinvestissement par la société B... des fonds provenant de la cession des parts des sociétés G... et I... était suffisant pour écarter un but exclusivement fiscal ;
- son état de santé a fait obstacle à un réinvestissement plus important de ces fonds.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2010 et 2011, à l'issue duquel l'administration fiscale a notamment remis en cause, selon la procédure de l'abus de droit, le bénéfice du sursis d'imposition de la plus-value concernant l'apport à la société civile (SC) B... de titres des sociétés G... et I.... Mme C... relève appel du jugement du 12 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) ".
3. En vertu du premier alinéa de l'article 150-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige, les dispositions de l'article 150-0 A du même code, relatives à l'imposition des plus-values de cession, " (...) ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre (...) d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (...) ".
4. Il ressort de ces dispositions de l'article 150-0 B, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 de laquelle elles sont issues, que le législateur a, en les adoptant, entendu faciliter les opérations de restructuration d'entreprises, en vue de favoriser la création et le développement de celles-ci, par l'octroi automatique d'un sursis d'imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations qui ne dégagent pas de liquidités. L'opération par laquelle des titres d'une société sont apportés par un contribuable à une société qu'il contrôle, puis sont immédiatement cédés par cette dernière, répond à l'objectif économique ainsi poursuivi par le législateur, lorsque le produit de cession fait l'objet d'un réinvestissement à caractère économique, à bref délai, par cette société. En revanche, en l'absence de réinvestissement à caractère économique, une telle opération doit, en principe, être regardée comme poursuivant un but exclusivement fiscal dans la mesure où elle conduit, en différant l'imposition de la plus-value, à minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable.
5. Mme C... a fait apport le 15 décembre 2009 à la SC B..., constituée le 7 décembre 2009 et soumise à l'impôt sur les sociétés, de 33 parts de la société G... et de 38 parts de la société I..., et a reçu en contrepartie 260 000 parts de la société B... d'une valeur de 2 600 000 euros. Mme C... a placé la plus-value réalisée à l'occasion de cette opération d'apport en sursis d'imposition sur le fondement des dispositions précitées de l'article 150-0 B du code général des impôts. Le 20 janvier 2010, la société B..., dont Mme C... est la gérante et l'associée majoritaire, a cédé l'intégralité des titres des sociétés G... et I... qu'elle venait d'acquérir, moyennant le prix de 2 600 000 euros, cette opération ne révélant aucune plus-value taxable. L'administration fiscale a remis en cause, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, le bénéfice du sursis d'imposition de la plus-value sur l'apport, par Mme C..., à la SC B..., des titres des sociétés G... et I.... Le comité de l'abus de droit fiscal, saisi à la demande de Mme C..., a confirmé le bien-fondé de la mise en œuvre à son égard de la procédure de répression des abus de droit. Il incombe donc à la requérante, en vertu des dispositions citées ci-dessus, d'apporter la preuve inverse.
6. Mme C... soutient que la création de la société B... n'avait pas un but purement fiscal puisque son objet était de centraliser ses investissements économiques existants et à venir ainsi que ceux de sa fille, qui détient 5 % du capital de la société. Toutefois, les éléments qu'elle produit, seulement constitués d'échanges de courriels, intervenus entre mai et novembre 2012, relatifs à des projets de candidatures pour des franchises ou d'acquisition de parts d'une société, ne permettent pas, en tout état de cause, d'attester de la volonté de mise en place d'une société holding à travers la création, en décembre 2009, de la SC B.... En outre, à l'issue de l'opération d'apport de titres effectuée par Mme C... au bénéfice de la société B..., suivie de la cession quasi immédiate de ces titres, l'intéressée a disposé effectivement, par le biais du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la société, d'une partie des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres, tout en restant détentrice des titres de la société reçus en échange lors de l'apport. Par suite, une telle opération peut recevoir la qualification d'abus de droit, sauf si une part significative du produit de la cession a été réinvestie dans une activité économique. A cet égard, si Mme C... soutient que la création de la SC B... a permis la réalisation d'investissements à caractère économique, il résulte de l'instruction que 17 % seulement des produits de la cession ont été réinvestis à l'occasion de la création de la société F..., dont Mme C... est la dirigeante et qui exerce une activité de location et de vente de matériels médicaux, sans que puissent être retenus au titre des investissements dans une activité économique les apports en compte courant ayant fait l'objet d'un abandon de créances ainsi que le solde du compte courant, en l'absence de preuve de ce que les sommes correspondantes auraient été employées au financement de travaux ou d'acquisition d'éléments d'actif de la société F.... De même, si Mme C... fait valoir que les projets d'investissements économiques de la société B..., dont elle ne précise pas au demeurant le montant, devraient être pris en compte, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les pièces qu'elle produit permettent seulement d'attester de projets éventuels. Le solde des produits de cession, investi dans le capital de deux sociétés immobilières, les sociétés E... et D..., qui ont elles-mêmes fait l'acquisition de locaux commerciaux restés vacants ou de locaux à usage d'habitation, et placé pour le surplus en valeurs mobilières, doit être regardé comme ayant un caractère patrimonial. Enfin, si Mme C... soutient que son état de santé psychique a fait obstacle à la réalisation d'un pourcentage d'investissement économique supérieur, en faisant notamment état du suivi médical dont elle bénéficie et de son hospitalisation entre le 9 février et le 16 mars 2011, les éléments qu'elle produit sont insuffisants pour démontrer que son état de santé aurait fait obstacle au réinvestissement des fonds dans un délai raisonnable. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait remettre en cause, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, le bénéfice du sursis d'imposition de la plus-value sur l'apport à la SC B... des titres des sociétés G... et I....
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Bernabeu, présidente assesseure,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2022.
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N° 19MA03866
nc