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03/05/2022 | FRANCE | N°21MA04420

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 03 mai 2022, 21MA04420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 28 juin 2021 F... lesquelles le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de six mois.

F... un jugement n° 2103374 du 9 juillet 2021, la magis

trate désignée F... le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 28 juin 2021 F... lesquelles le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de six mois.

F... un jugement n° 2103374 du 9 juillet 2021, la magistrate désignée F... le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

F... une requête enregistrée le 16 novembre 2021, Mme B..., représentée F... Me Moulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 juillet 2021 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Hérault du 28 juin 2021 visées ci-dessus ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à venir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le premier juge a statué ultra petita et a dénaturé les faits de l'espèce ;

- le premier juge a commis une irrégularité en s'abstenant de relever d'office l'erreur dans le champ d'application de la loi commise F... le préfet, la décision d'assignation à résidence ne pouvant être fondée sur l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit au regard du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit ainsi que d'une erreur d'appréciation au regard du 5° de ce même article L. 611-1 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée de plusieurs erreurs de droit au regard des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des circonstances humanitaires dont il est justifié ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'une erreur de fait ainsi que d'une erreur dans le champ d'application de la loi ;

- l'obligation de pointage présente un caractère disproportionné et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

F... un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués F... Mme B... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de retenir le moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale F... une décision du 1er octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

F... une décision du 24 août 2021, la présidente de la cour a désigné M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née en 1974, déclare être entrée en France au cours du mois d'août 2017, accompagnée de son époux et de leurs deux premiers enfants mineurs. Un troisième enfant issu de leur union est né le 22 février 2018 sur le territoire français. F... un arrêté du 21 juin 2018, dont la légalité a été confirmée en dernier lieu F... un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 1er juillet 2019, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme B..., qui s'est maintenue sur le territoire français en dépit de cette mesure d'éloignement, a été placée en garde à vue le 28 juin 2021 dans le cadre d'une affaire de détention de faux documents administratifs. Elle relève appel du jugement du 9 juillet 2021 F... lequel la magistrate désignée F... le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 28 juin 2021 F... lesquelles le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que de l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de six mois.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 3 du code de justice administrative : " Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé F... la loi ". L'irrégularité de la composition d'une formation de jugement est un moyen d'ordre public qui peut être invoqué à toute étape de la procédure et doit être relevé d'office F... le juge.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". L'article L. 731-3 du même code dispose : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Selon l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée ". Son article L. 732-4 prévoit que : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois. / Elle peut être renouvelée une fois, dans la même limite de durée (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions et délais prévus au présent chapitre, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Les dispositions du présent chapitre sont applicables au jugement de la décision fixant le pays de renvoi contestée en application de l'article L. 721-5 et de la décision d'assignation à résidence contestée en application de l'article L. 732-8 ". L'article L. 614-8 du même code dispose que : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français est notifiée avec une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 ou une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 741-1, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de ces mesures ". Selon l'article L. 614-12 du même code : " La décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 peut être contestée dans les conditions prévues à l'article L. 732-8 ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 732-8 du même code : " La décision d'assignation à résidence prise en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-1 peut être contestée devant le président du tribunal administratif dans le délai de quarante-huit heures suivant sa notification. Elle peut être contestée dans le même recours que la décision d'éloignement qu'elle accompagne ".

5. Enfin, l'article R. 776-1 du code de justice administrative dispose que : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du chapitre IV du titre I du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 732-8 du même code, ainsi que celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues aux articles L. 241-1 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; / 2° Les décisions relatives au délai de départ volontaire prévues aux articles L. 251-3 et L. 612-1 du même code ; / 3° Les interdictions de retour sur le territoire français prévues aux articles L. 612-6 à L. 612-8 du même code (...) ; / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 721-4 du même code ; / 5° Les décisions d'assignation à résidence prévues aux articles L. 731-1, L. 751-2, L. 752-1 et L. 753-1 du même code. / Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions tendant à l'annulation d'une autre décision d'éloignement prévue au livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des décisions d'expulsions, présentées en cas de placement en rétention administration, en cas de détention ou dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision d'assignation à résidence prise au titre de cette mesure (...) ". Selon l'article R. 776-14 du même code : " La présente section est applicable aux recours dirigés contre les décisions mentionnées à l'article R. 776-1, lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence (...) ". Aux termes de l'article R. 776-15 de ce code : " Les jugements sont rendus, sans conclusions du rapporteur public, F... le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet (...) ".

6. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il désigne, est compétent pour se prononcer sur la légalité des décisions d'assignation à résidence prises sur le fondement de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une durée maximale de quarante-cinq jours et renouvelables une fois dans la même limite de durée. En revanche, il appartient à la formation collégiale du tribunal administratif de se prononcer sur la légalité des décisions d'assignation à résidence prises sur le fondement de l'article L. 731-3 du même code, d'une durée maximale de six mois et renouvelables une fois dans la même limite de durée, y compris dans l'hypothèse où elles sont édictées concomitamment à une obligation de quitter le territoire français. F... ailleurs, les dispositions de l'article R. 776-15 du code de justice administrative, qui doivent être interprétées à la lumière des dispositions législatives citées ci-dessus, n'ont ni pour objet ni pour effet, F... elles-mêmes, de donner compétence au magistrat statuant seul pour connaître de requêtes dirigées contre une décision portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que contre les décisions qui l'accompagnent, lorsque l'étranger fait l'objet d'une assignation à résidence prise sur le fondement de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il ressort des pièces du dossier que, concomitamment à l'édiction de la décision du 28 juin 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français, Mme B... a été assignée à résidence dans le département de l'Hérault pour une durée de six mois sur le fondement du 1° de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la magistrate désignée F... le président du tribunal administratif de Montpellier n'était compétente pour statuer ni sur les conclusions dirigées contre cette assignation à résidence, ni sur celles tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ni davantage sur celles dirigées contre les autres décisions litigieuses portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour, l'ensemble de ces conclusions relevant de la compétence de la formation collégiale du tribunal. F... suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité invoqués, le jugement attaqué doit être annulé.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée F... Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

11. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile que si la demande d'un étranger qui a régulièrement sollicité un titre de séjour ou son renouvellement a été rejetée, la décision portant obligation de quitter le territoire français susceptible d'intervenir à son encontre doit nécessairement être regardée comme fondée sur un refus de titre de séjour, donc sur la base légale prévue au 3° de cet article. Tel est le cas, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant qu'une décision relative au séjour devrait être regardée comme caduque au-delà d'un certain délai après son intervention, lorsqu'une décision portant obligation de quitter le territoire intervient postérieurement à la décision relative au séjour, y compris lorsqu'une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire intervient à l'égard d'un étranger qui s'est maintenu sur le territoire malgré l'intervention antérieure d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire.

12. Il ressort des pièces du dossier que, F... l'arrêté du 21 juin 2018 évoqué au point 1, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un certificat de résidence à Mme B... et a notamment assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'intéressée, qui s'est maintenue irrégulièrement en France à la suite de cet arrêté abrogeant le document provisoire de séjour qui lui avait été délivré, pouvait légalement faire l'objet, à la date de l'arrêté attaqué, d'une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit au regard de ces dispositions en édictant la mesure d'éloignement en litige sur le fondement de la décision de refus de certificat de résidence prise plus de trois ans auparavant doit être écarté.

13. D'autre part, à supposer même que le comportement de Mme B... ne constitue pas, contrairement à ce qu'a estimé le préfet de l'Hérault, une menace pour l'ordre public au sens des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte de l'instruction que cette autorité aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le motif évoqué au point précédent.

14. En troisième lieu, pour l'application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

15. Si Mme B... réside en France depuis le mois d'août 2017, elle n'y justifie d'aucune attache, hormis son époux, qui se trouve également en situation irrégulière, ainsi que leurs trois enfants mineurs. L'intéressée ne démontre pas avoir tissé des liens intenses en France où elle ne justifie pas d'une intégration sociale et professionnelle particulière. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches en Algérie, pays dont son époux est également originaire et dans lequel leurs deux premiers enfants sont nés, ni qu'elle se trouverait dans l'impossibilité d'y reconstituer sa cellule familiale. Il n'est en outre pas établi que les enfants de A... B... ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans le pays dont ils ont la nationalité, notamment, ni que son fils aîné ne pourrait bénéficier d'un suivi médical approprié hors de France. Dans ces circonstances, et compte tenu des conditions du séjour en France de Mme B..., le préfet de l'Hérault n'a pas, en l'obligeant à quitter le territoire français, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. F... suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le préfet de l'Hérault n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de Mme B....

16. En quatrième et dernier lieu, il résulte des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

17. La mesure d'éloignement en litige n'a pas pour effet de séparer Mme B... de ses enfants mineurs. La requérante ne produit aucun élément médical probant de nature à établir que l'état de santé de son fils aîné, qui a été opéré avec succès d'un cholestéatome de l'oreille droite le 17 novembre 2017, serait susceptible d'une aggravation rendant indispensable sa prise en charge médicale en France. F... suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité de la décision de refus de délai de départ volontaire :

18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " F... dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code dispose que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".

19. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à Mme B..., le préfet de l'Hérault s'est fondé sur les dispositions citées au point précédent. Il ressort du procès-verbal de l'audition de Mme B... F... les services de police le 28 juin 2021 que l'intéressée a déclaré qu'elle n'avait pas l'intention de se conformer à une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, et alors que la requérante n'invoque aucune circonstance particulière, le préfet de l'Hérault a pu, sans commettre ni erreur de droit ni erreur d'appréciation, estimer qu'il existait un risque que Mme B... se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français et faire application du 3° de cet article L. 612-2. Il résulte de l'instruction que le préfet de l'Hérault aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif.

20. En second lieu, Mme B..., en se bornant à soutenir qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de regagner son pays d'origine " dans le délai de 48 heures imparti ", ne fait état d'aucun élément de nature à établir que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant aucun délai de départ volontaire.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour :

21. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ".

22. Si Mme B... argue de l'existence de circonstances humanitaires, tenant à l'état de santé de son fils aîné, elle ne produit aucun élément médical probant de nature à établir que la pathologie de son enfant, qui a été opéré avec succès d'un cholestéatome de l'oreille droite le 17 novembre 2017, était susceptible d'une aggravation rendant indispensable sa prise en charge médicale en France à la date de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, et alors que l'intéressée s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'accompagnant d'un enfant malade F... une décision du 21 juin 2018, dont la légalité a été confirmée ainsi qu'il a été dit au point 1, Mme B... ne justifie pas de circonstances humanitaires, au sens des dispositions citées au point précédent, faisant obstacle à ce qu'une interdiction de retour sur le territoire français soit prononcée à son encontre. F... suite, le préfet de l'Hérault a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, lui interdire le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

23. En premier lieu, aux termes de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire (...) n'a pas été accordé (...) ". En vertu de l'article L. 732-4 du même code, lorsque l'assignation à résidence a été édictée notamment en application du 1° de l'article L. 731-3, " elle ne peut excéder une durée de six mois ".

24. Il ressort des termes de l'arrêté contesté du 28 juin 2021 portant assignation à résidence de Mme B... pour une durée de six mois que le préfet de l'Hérault, après avoir rappelé que l'intéressée a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et relevé que " les frontières de l'Algérie sont actuellement fermées, y compris aux ressortissants algériens ", a estimé qu'elle " justifie être dans l'impossibilité de regagner son pays d'origine ou tout autre pays " et qu'il " existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation de quitter le territoire français quand les frontières seront ouvertes ". A supposer même que l'indication relative à la fermeture des frontières algériennes ait pu être erronée en tout ou partie à la date de l'arrêté attaqué, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur les autres motifs, évoqués ci-dessus, énoncés dans son arrêté légalement pris sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. F... suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté serait entaché d'une erreur de fait, ainsi que celui, au demeurant imprécis, tiré d'une erreur dans le champ d'application de la loi, ne peuvent qu'être écartés.

25. En second lieu, aux termes de l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler (...) et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation F... jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ". Si une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même.

26. L'arrêté contesté portant assignation à résidence prévoit, à son article 2, que Mme B... devra se présenter trois fois F... semaine, les lundi, mercredi et vendredi à 8 heures 30, dans les locaux du commissariat de police de Montpellier qu'il désigne et qu'elle sera dispensée de s'y présenter les jours fériés. En se bornant à faire état de la circonstance que ses enfants sont scolarisés et à se prévaloir des problèmes de santé de son époux ainsi que de son fils aîné, A... B... n'invoque aucun élément de nature à établir que les modalités de contrôle de l'assignation à résidence en litige présenteraient un caractère disproportionné.

27. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions du 28 juin 2021 F... lesquelles le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ni celle de l'arrêté du même jour portant assignation à résidence. F... voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée F... le président du tribunal administratif de Montpellier du 9 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée F... Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... épouse B..., au ministre de l'intérieur et à Me Moulin.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président F... intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public F... mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.

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N° 21MA04420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04420
Date de la décision : 03/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Moyens d'ordre public à soulever d'office.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Moyens d'ordre public à soulever d'office - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-03;21ma04420 ?
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