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03/05/2022 | FRANCE | N°20MA02378

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 03 mai 2022, 20MA02378


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part,

la décision du 24 août 2000 par laquelle le ministre de l'intérieur a prononcé la fin de son détachement auprès de l'institut régional d'administration de Bastia, l'a réintégré dans son corps d'origine à compter du 1er septembre 2000 et l'a radié des cadres de la police nationale et, d'autre part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur sa demande du 4 juillet 201

8 tendant au retrait de la décision du 24 août 2000 prononçant sa radiation, ainsi qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part,

la décision du 24 août 2000 par laquelle le ministre de l'intérieur a prononcé la fin de son détachement auprès de l'institut régional d'administration de Bastia, l'a réintégré dans son corps d'origine à compter du 1er septembre 2000 et l'a radié des cadres de la police nationale et, d'autre part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur sa demande du 4 juillet 2018 tendant au retrait de la décision du 24 août 2000 prononçant sa radiation, ainsi que d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa réintégration dans le corps des officiers de la police nationale et à la reconstitution de sa carrière.

Par un jugement n° 1800932 du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2020, M. C..., représenté par Me Giuseppi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 31 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 24 août 2000 prononçant sa radiation des cadres de la police nationale ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reconstituer sa carrière.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable en application de l'ordonnance n° 2020-306 du

25 mars 2020 ;

- à la fin de sa scolarité à l'institut régional d'administration, le ministre aurait dû s'assurer de sa volonté de rompre le lien avec son ancien service et l'informer au préalable de la mesure de radiation, ainsi que le prévoient les articles 58 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions statutaires des fonctionnaires de l'État, et 24 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- c'est à tort que, en l'absence de toute disposition interdisant l'appartenance simultanée à deux corps distincts de la fonction publique, et compte tenu du pouvoir d'appréciation dont dispose le ministre de l'intérieur, le tribunal a identifié une situation de compétence liée de nature à justifier légalement la décision en litige ;

- le jugement attaqué est à cet égard entaché d'une contradiction de motifs ;

- en retenant un tel motif, entaché d'une telle contradiction, le tribunal a méconnu le principe d'égalité entre les fonctionnaires, alors qu'il pouvait être placé dans la position statutaire régulière de mise en disponibilité ;

- la décision en litige, qui n'est pas motivée en droit et en fait, est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le ministre de l'intérieur a commis une erreur de fait dès lors que le requérant n'a pas formulé de demande de radiation et une erreur de droit dans la mesure où un fonctionnaire peut appartenir simultanément à deux fonctions publiques ;

- le ministre était tenu de procéder au retrait de la décision de radiation compte tenu de son illégalité et de ce qu'elle n'est pas créatrice de droits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête en soutenant d'une part que les moyens d'appel ne sont pas fondés, compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle il se trouvait pour prendre la décision en litige, d'autre part que les autres moyens sont donc inopérants et enfin qu'il s'en remet pour le surplus à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 96-656 du 9 mai 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., lieutenant de la police nationale appartenant au corps de

commandement et d'encadrement de la police nationale, été détaché par arrêté du ministre de l'intérieur du 17 novembre 1999, à l'issue de sa réussite au concours interne d'entrée aux instituts régionaux d'administration, auprès de l'institut régional d'administration de Bastia à compter du 1er septembre 1999 pour une durée d'un an afin d'y suivre une formation. A l'issue de sa formation, il a été titularisé dans le corps des attachés d'administration scolaire et universitaire à compter du 1er septembre 2000, par arrêté du ministre de l'éducation nationale du 3 août 2000. Par arrêté du 24 août 2000, le ministre de l'intérieur a mis fin au détachement de

M. C..., a procédé à sa réintégration dans son corps d'origine et l'a radié des cadres à compter du 1er septembre 2000. Par courrier du 4 juillet 2018 reçu le même jour, M. C... a

demandé au ministre de l'intérieur de retirer sa décision le radiant des cadres de la police

nationale. Par jugement du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation à la fois de l'arrêté du ministre de l'intérieur du

24 août 2000 mettant fin à son détachement, le réintégrant dans son corps d'origine et le radiant des cadres de la police nationale, et de la décision tacite née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur sa demande de retrait de cet arrêté, et à ce qu'il soit enjoint au ministre de le réintégrer dans le corps des officiers de la police nationale et de reconstituer sa carrière.

M. C... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de sa radiation des cadres et du refus tacite de retirer cette décision et à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de reconstituer sa carrière.

2. Dès lors que, sauf disposition contraire expresse, un fonctionnaire ne peut être titularisé dans plusieurs corps à la fois de la fonction publique de l'Etat, sa titularisation dans un nouveau corps implique sa radiation de son corps d'origine. Pour la mise en œuvre de ce principe qui découle de l'ensemble des dispositions régissant le statut et la carrière des fonctionnaires de l'Etat issues des lois des 13 juillet 1983 et 11 janvier 1984, l'autorité administrative compétente pour prononcer la radiation des cadres du fonctionnaire titularisé dans son nouveau corps, qui se borne ainsi à tirer les conséquences de la rupture du lien de l'agent avec son ancien corps et qui n'est tenue par aucun texte d'informer l'agent concerné de l'intervention de cette mesure ni de l'inviter à régulariser sa situation, ne se livre à aucune appréciation des faits. Cette autorité est par conséquent tenue de prendre cette décision.

3. D'une part, le principe énoncé au point 2 n'instaure pas entre les agents titulaires de la fonction publique de l'Etat et ceux des autres fonctions publiques, dont la fonction publique territoriale, une différence de traitement qui n'est pas en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et qui serait manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient. Le moyen tiré par M. C... de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut ainsi, en tout état de cause, qu'être écarté.

4. D'autre part, il résulte de ce même principe, et en l'absence de disposition légale ou réglementaire contraire, que par l'effet de sa titularisation le 1er septembre 2000 dans le corps des attachés d'administration scolaire et universitaire, qui relève de la fonction publique de l'Etat,

M. C... a rompu le lien qui l'unissait à son corps d'origine, le corps de commandement et d'encadrement de la police nationale, qui relève lui aussi de la fonction publique de l'Etat. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, aucune disposition des décrets portant dispositions statutaires relatives à l'un de ces deux corps, non plus qu'aucune disposition du décret du

16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions, ne prévoient, à la date de l'arrêté en litige, que le ministre de l'intérieur, informé par le ministre de l'éducation nationale de la titularisation d'un lieutenant de police dans le corps des attachés d'administration scolaire et universitaire, peut légalement placer cet agent dans l'une des positions administratives applicables à un fonctionnaire de l'Etat, notamment dans celle de la mise en disponibilité d'office. Par suite, alors qu'en réussissant le concours interne d'attaché d'administration scolaire et universitaire, et en sollicitant à ce titre son détachement dans un institut régional d'administration pour assurer sa scolarité préalable à sa titularisation dans ce corps, M. C... n'a pas lui-même demandé, avant cette date, sa mise en disponibilité dans le corps de commandement et d'encadrement de la police nationale, le ministre de l'intérieur était tenu de prononcer sa radiation des cadres de la police nationale, à compter du 1er septembre 2000, par son arrêté du 24 août 2000. Pour le même motif, c'est sans commettre d'illégalité que le ministre de l'intérieur a refusé de retirer cet arrêté en rejetant implicitement la demande présentée par

M. C... le 17 juin 2018, à supposer même que son courrier daté de ce jour puisse être regardé comme une demande de retrait. Il suit de là que les moyens de première instance et d'appel de M. C..., autres que ceux contestant le motif de compétence liée du ministre pour prendre l'arrêté du 24 août 2000 de radiation des cadres, sont inopérants, ainsi que le tribunal l'a jugé à bon droit et en tout état de cause sans contradiction de motifs.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, ni d'examiner la recevabilité de la requête d'appel, que

M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement, attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 24 août 2000 et du refus tacite de le retirer. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses prétentions relatives au frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Ury, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.

N° 20MA023782


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02378
Date de la décision : 03/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cadres et emplois - Cumuls d'emplois.

Fonctionnaires et agents publics - Changement de cadres - reclassements - intégrations - Changement de corps.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : GIUSEPPI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-03;20ma02378 ?
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