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26/04/2022 | FRANCE | N°21MA01962

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 26 avril 2022, 21MA01962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 27 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2006521 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mai

2021, Mme A..., représenté par Me Michel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 27 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2006521 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mai 2021, Mme A..., représenté par Me Michel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 27 mars 2020 lui refusant un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Michel en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité par omission à statuer sur son moyen tiré du défaut d'examen réel et personnel de sa situation, entachant la mesure d'éloignement en litige ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- avant de lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet n'a pas procédé à une réelle appréciation de sa situation et de son état de santé, se bornant à renvoyer à l'avis du collège de médecins du 15 novembre 2019 ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet de démontrer que l'offre de soins en Arménie est suffisante, et plus particulièrement que ce pays dispose des structures suffisantes pour traiter sa pathologie et qu'elle peut y avoir accès, peu important qu'elle n'ait pas bénéficié d'une protection internationale au titre de l'asile, les troubles dont elle souffre étant directement liés aux événements vécus en Arménie ;

- l'arrêté litigieux a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme A... n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 23 avril 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité arménienne, née le 8 avril 1969, dont la demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du

23 octobre 2018, et dont le recours contre cette décision a été rejeté de manière irrévocable par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 1er mars 2019, a demandé le 8 août 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par jugement du

21 décembre 2020, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 27 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

2. Premièrement, contrairement à ce qu'affirme Mme A..., le tribunal a statué, au point 4 de son jugement, sur son moyen, articulé à l'encontre tant du refus de titre de séjour que de l'obligation de quitter le territoire français, tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation.

3. Deuxièmement, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige, pris en tant qu'il porte refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français, par adoption du motif retenu par les premiers juges, à bon droit et avec suffisamment de précision, au point 4 de leur jugement.

4. Troisièmement, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). L'article

L. 511-4 du même code dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

5. En vertu des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l'arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 et émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l'immigration et de la santé. S'il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur la demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016, il ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par le collège des médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

6. D'une part, le collège des médecins de l'OFII, consulté sur la demande de titre de séjour de Mme A... qui souffre à la date de l'arrêté en litige, notamment, d'un syndrome de stress post-traumatique, incluant un syndrome de reviviscence, un syndrome dépressif majeur, une hyper-vigilance anxieuse et des hallucinations acoustico-verbales, a considéré, dans son avis du 15 novembre 2019, dont le préfet s'est approprié les conclusions, exerçant ainsi pleinement son pouvoir d'appréciation, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins existant en Arménie, dont elle a la nationalité, elle pourrait effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Les pièces médicales versées au dossier d'instance montrent que ses troubles peuvent être traités par la prise de médicaments et un suivi psychiatrique adapté.

7. D'autre part, ni les certificats médicaux produits par Mme A..., qui ne se prononcent pas sur la disponibilité des soins en Arménie, ni les conclusions d'étape rendues le

6 octobre 2017 par le rapporteur spécial sur le droit à la santé, consacrées aux soins de santé en Arménie et publiées sur le site internet du Haut Commissariat des Nations Unies sur les droits de l'homme, qui dénonce un retard des services arméniens de santé mentale par rapport aux approches modernes et dont se borne à se prévaloir l'intéressée, ne suffisent à démontrer que celle-ci ne pourra pas effectivement y bénéficier du traitement médicamenteux et psychiatrique approprié à ses troubles. Certes, Mme A... soutient ne pas pouvoir bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie et ne pas pouvoir accéder aux structures de soins appropriées, en invoquant un certificat de son psychiatre du 13 septembre 2019 selon lequel " toute réactivation par un retour en Arménie est à proscrire et qu'une amélioration est à prévoir ", ainsi qu'un compte rendu d'hospitalisation de juillet 2019 aux termes duquel " l'intéressée indique avoir quitté son pays parce que son mari a été menacé et son fils frappé " mais " l'histoire des troubles est encore floue ". Toutefois, il ne résulte ni de ces documents, ni des autres pièces du dossier, qu'à le supposer établi, le lien entre sa pathologie et les événements qu'elle dit avoir vécus dans son pays, dont les autorités de l'asile ont dénié la crédibilité ainsi qu'il a été dit au point 1, serait tel qu'il ne permettrait pas, dans son cas, d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français pour rejoindre l'Arménie, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les dispositions des articles L. 313-11 et L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Si Mme A... se prévaut de la présence en France de son époux et de son fils, il est constant que, la demande d'asile de son époux ayant été rejetée, celui-ci et leur fils sont en situation irrégulière à la date de l'arrêté en litige. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée, entrée en France le 8 novembre 2017, dont la fille vit en Arménie, l'arrêté en litige, pris en tous ses objets, n'a pas porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'indemnisation de ses frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Michel et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Ury, premier conseiller,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022.

N° 21MA019622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01962
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL NOUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-26;21ma01962 ?
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