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26/04/2022 | FRANCE | N°21MA01534

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 26 avril 2022, 21MA01534


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2100055 du 11 janvier 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet de l'Hérault du 5 janvier 2021 en tant qu'il a refusé d'ac

corder à M. B... un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de pénétrer à n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2100055 du 11 janvier 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet de l'Hérault du 5 janvier 2021 en tant qu'il a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de pénétrer à nouveau sur le territoire français, enjoint au préfet de l'Hérault de mettre fin au signalement de M. B... dans le système d'information Schengen par suite de l'interdiction de retour prononcée à son encontre et rejeté le surplus de sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2021, M. B..., représenté par Me Balestie, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 5 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 janvier 2021 rejetant le surplus de ses demandes ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 5 janvier 2021 en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " salarié " ou " vie privée et familiale " ou " admission exceptionnelle au séjour " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, en tout état de cause de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 24 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet ne pouvait refuser de tenir compte de la demande de titre de séjour déposée par courrier en l'absence de toute possibilité d'obtenir un rendez-vous auprès de la préfecture ;

- une telle demande ne pouvait être rejetée sans qu'il ait été mis préalablement en possession d'un récépissé de sa demande de titre ou qu'il ait été invité à compléter son dossier, en application des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- le préfet ne pouvait prendre d'obligation de quitter le territoire français à son encontre dès lors qu'il avait droit à un titre de séjour, notamment sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11, et des articles L. 313-10, L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Renault.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant albanais, né le 27 septembre 2001 et entré en France, selon ses déclarations, " en 2018 ", relève appel du jugement du 11 janvier 2021 du tribunal administratif de Montpellier en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, prise à son encontre par le préfet de l'Hérault par arrêté du 5 janvier 2021.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La circonstance qu'il ne mentionne pas que M. B... a déposé une demande de titre de séjour, alors que l'intéressé, lors de son audition par l'officier de police judiciaire, le 4 janvier 2021, dans le cadre de la procédure de garde à vue qu'il subissait au titre d'un vol avec violence en réunion auquel il était soupçonné d'avoir participé le même jour, a seulement indiqué, en réponse à la question qui lui était posée à ce sujet, que son éducatrice devait se charger de déposer un dossier afin de régulariser sa situation administrative, n'est pas de nature à entacher la décision d'insuffisance de motivation, pas davantage que d'un défaut d'examen sérieux de sa situation.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ".

4. D'autre part, il résulte de la combinaison de l'article L. 311-1, du I de l'article

L. 511-1, des articles L. 511-4, R. 311-1 et R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable à la date de la décision attaquée, qu'un étranger résidant habituellement en France avant sa majorité doit, pour se conformer à l'obligation de possession d'un titre de séjour qui pèse sur lui à compter du jour où il devient majeur, solliciter un tel titre dans les deux mois qui suivent son dix-huitième anniversaire et ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 du même code que s'il s'est abstenu de solliciter un titre pendant cette période.

5. Si M. B... pouvait, en qualité de ressortissant albanais, entrer régulièrement en France sans présenter de visa, il devait toutefois, en application de la règle rappelée au point 4, faire une demande de titre de séjour dans les deux mois suivant son dix-huitième anniversaire, soit le 27 décembre 2019. Il n'est pas contesté qu'il ne s'est pas conformé à cette obligation dans ce délai. Le préfet pouvait, par conséquent, prendre légalement à son encontre, sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire français.

6. En troisième lieu, M. B... doit être regardé comme soutenant, par voie d'exception, que le préfet ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour au motif qu'il ne s'était pas présenté personnellement aux services de la préfecture avant de faire sa demande, ou, le cas échéant, avant de l'avoir invité à compléter son dossier, conformément aux dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, d'une part, à supposer, ce que ne conteste pas le préfet en défense, qu'une telle demande a bien été adressée aux services de la préfecture de l'Hérault le 15 décembre 2020, aucune décision de rejet de cette demande n'avait pu naître à la date de la décision attaquée, que le préfet n'a au demeurant pas prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces moyens ne peuvent, par suite, qu'être écartés comme inopérants.

7. En quatrième lieu, M. B... doit être regardé comme soutenant que le préfet ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français alors qu'il avait fait une demande de titre de séjour et qu'à ce titre, il aurait dû obtenir un récépissé l'autorisant à se maintenir en France le temps d'examiner sa demande, mais que, faute pour le préfet de lui avoir laissé la possibilité de la présenter régulièrement, il n'a pu obtenir un tel récépissé. Toutefois, un tel moyen est inopérant dès lors que, d'une part, M. B... ne s'est pas présenté personnellement à la préfecture et ne justifiait pas entrer dans l'une des exceptions à ce principe énumérées à l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur, et que, d'autre part, il n'établit ni même n'allègue avoir sollicité vainement l'obtention d'un rendez-vous en préfecture.

8. En cinquième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne prescrit pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laisse à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Ce n'est pas davantage le cas de la mise en œuvre de l'article L. 313-15 du même code, permettant à titre exceptionnel la délivrance, dans l'année qui suit le dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de 16 ans et l'âge de 18 ans, et sous réserve du respect de certaines conditions, de la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article

L. 313-10 de ce code. Le législateur n'a ainsi pas entendu imposer à l'administration d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par ces articles ni, le cas échéant, de consulter d'office la commission du titre de séjour quand l'intéressé est susceptible de justifier d'une présence habituelle en France depuis plus de dix ans. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 ou de l'article

L. 313-15 à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français alors qu'il n'avait pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'un ou l'autre de ces articles et que l'autorité compétente n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre.

9. D'une part, M. B... n'établit pas avoir fait une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni sur le fondement de l'article L. 313-15 du même code, dans sa version alors en vigueur.

10. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., entré en France, mineur, en 2018, et dont les parents et la jeune sœur résident dans son pays d'origine, puisse se prévaloir d'une vie privée et familiale s'étant établie principalement en France, alors même qu'il était scolarisé pour l'année 2019/2020 en CAP " Hygiène " dans un lycée à Montpellier, formation qu'il a indiqué lui-même ne pas suivre avec assiduité, et qu'il avait effectué différents stages professionnels depuis son arrivée en France. Dans ces conditions, il ne saurait efficacement soutenir qu'il pouvait prétendre de plein droit à l'attribution d'une carte de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas davantage que sur le fondement de l'article L. 313-10 du même code, dans sa version alors en vigueur. Pour les mêmes motifs, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er :: La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Balestie et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience publique du 5 avril 2022, où siégeaient :

' M. Revert, président,

' M. Ury, premier conseiller,

' Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 26 avril 2022

2

N° 21MA01534


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01534
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BALESTIE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-26;21ma01534 ?
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