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26/04/2022 | FRANCE | N°20MA01351

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 26 avril 2022, 20MA01351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour en qualité de parent d'enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1908117 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregist

rés les 17 mars 2020 et 8 octobre 2020, Mme C..., représentée par Me Kuhn-Massot, demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour en qualité de parent d'enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1908117 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mars 2020 et 8 octobre 2020, Mme C..., représentée par Me Kuhn-Massot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 150 euros par jour de retard au-delà d'un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Kuhn-Massot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- elle réside habituellement en France ;

- l'arrêt des soins dispensés à son enfant aurait des conséquences irréversibles et conduiraient à une issue fatale ;

- l'arrêté porte atteinte aux stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York sur les droits de l'enfant ainsi qu'à celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne dispose d'aucune attache familiale dans son pays d'origine.

Par lettre du 30 novembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a été mis en demeure de produire, dans le délai d'un mois, ses observations sur la requête de Mme C..., en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 23 mars 2022.

Mme C... a produit un mémoire, enregistré après clôture de l'instruction le 28 mars 2022, qui n'a pas été communiqué.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Renault.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne, relève appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier. En application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, la Cour a mis le préfet des Bouches-du-Rhône en demeure de présenter ses observations dans la présente instance, demeurée sans suite à la date de clôture de l'instruction.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, (...) ". L'article L. 313-11 du même code dispose dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Si les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence ou une autorisation provisoire de séjour pour accompagnement d'enfant malade.

4. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il a été pris au seul motif que le défaut de prise en charge médicale n'était pas susceptible d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'enfant de Mme C..., quel que soit le caractère habituel ou non de sa résidence en France.

5. Il ressort des pièces du dossier que le fils A... la requérante, Imad Harir, né le 2 juin 2009, est atteint d'une paraplégie flasque survenue à l'âge de six mois, dont l'origine exacte n'est pas déterminée. Pour le traitement de son handicap, il bénéficie en France d'une rééducation pluri-hebdomadaire, par orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute et kinésithérapeute. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, consulté pour se prononcer sur l'état de santé de l'enfant, a considéré que si l'état de santé de celui-ci nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour remettre en cause les termes de cet avis, que les différents comptes rendus médicaux décrivant l'état de santé de l'enfant et les soins dont ils bénéficient ne contredisent pas, Mme C... produit un questionnaire renseigné par trois médecins différents. Deux d'entre eux, médecins généralistes à Marseille, indiquent que l'arrêt du traitement de l'enfant aurait des conséquences graves, et non d'une exceptionnelle gravité, à la différence du troisième, neuropédiatre à l'hôpital Sainte Marguerite à Marseille. S'ils indiquent tous trois que les traitements requis ne sont pas disponibles, cette circonstance, qui n'est appuyée, au demeurant, sur aucun autre document, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que les pièces du dossier contredisent l'affirmation de Mme C..., selon laquelle l'absence de prise en charge médicale, telle qu'elle est dispensée en France, aussi bénéfique soit-elle, aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'enfant. Dans ces conditions, le préfet pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de délivrer un certificat de résidence ou une autorisation provisoire de séjour pour accompagnement d'enfant malade à Mme C..., dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire.

6. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point précédent, la présence en France du fils de l'intéressé ne présente pas un caractère indispensable, et l'affirmation suivant laquelle sa scolarisation ne pourrait reprendre dans de bonnes conditions dans son pays d'origine n'est pas assortie des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Mme C... n'est par suite pas fondée à soutenir que le refus de lui accorder un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour afin de rester auprès de lui en France méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, selon lesquelles l'autorité administrative doit, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. En troisième lieu, aux termes l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien (...) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

8. Si Mme C..., qui a divorcé du père de son fils en 2013, soutient être sans attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à près 40 ans, elle n'établit ni n'allègue avoir de telles attaches en France, ni y avoir développé, depuis son arrivée, très récente à la date de l'arrêté attaqué, des liens privés d'une particulière intensité. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, auquel renvoie le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il ressort des pièces du dossier que l'interruption du traitement reçu en France par l'enfant de Mme C..., dont il n'est pas allégué qu'il ne pourrait faire le voyage vers son pays d'origine, n'aura pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'enfant n'est dès lors pas exposé à un déclin grave, rapide et irréversible, pouvant être regardé comme constitutif d'un traitement inhumain ou dégradant, en cas de renvoi dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, nonobstant la mise en œuvre par la Cour des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 avril 2019. Les conclusions présentées en outre aux fins d'injonction et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Kuhn-Massot.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, où siégeaient :

' M. Revert, président,

' M. Ury, premier conseiller,

' Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 avril 2022.

N° 20MA01351 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01351
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : KUHN-MASSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-26;20ma01351 ?
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