Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Le Flore a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les titres de recettes n° 810003 et n° 810004 émis à son encontre par la commune de Nice le 3 mars 2017 pour les montants respectifs de 66 000 euros et de 25 200 euros, ainsi que l'opposition à tiers détenteur émise le 17 mai 2017.
Par un jugement n° 1702805 et n° 1702806 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 janvier 2020, la société Le Flore, représentée par Me Mallon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 novembre 2019 ;
2°) d'annuler les titres de recettes n° 810003 et n° 810004 émis le 3 mars 2017 et l'opposition à tiers détenteur émise le 17 mai 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nice la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la commune de Nice n'a pas respecté ses engagements en termes de commercialité du stand ;
- les titres de recettes contestés sont entachés d'un défaut de signature dès lors que le contrat de service conclu avec la signataire de ces titres n'est pas signé et, partant, dépourvu de valeur probante quant à la qualité de la signature électronique opposée par la commune ;
- leur motivation est inexistante ;
- la créance est dénuée de fondement dès lors qu'elle n'a jamais signé de contrat d'occupation du domaine public ;
- elle ne doit aucune somme dans la mesure où la commune de Nice n'a pas respecté ses engagements.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2021, la commune de Nice, représentée par Me Capia, conclut au rejet de la requête de la société Le Flore et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Le Flore ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise le 17 mai 2017 en raison de l'incompétence de la juridiction administrative pour annuler cette opposition à tiers détenteur qui constitue un acte de poursuite.
Par un mémoire enregistré le 7 avril 2022, la commune de Nice a présenté des observations sur ce moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finance rectificative pour 2017 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- l'arrêté du 27 juin 2007 portant application de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales relatif à la dématérialisation des opérations en comptabilité publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me de Craecker, représentant la commune de Nice.
Considérant ce qui suit :
1. La société Le Flore s'est vu attribuer par la commune de Nice, dans le cadre de l'exploitation de stands alimentaires dans la " Fan zone " de la coupe d'Europe de football 2016, les lots n° 3 et n° 5 prévus par l'appel public à la concurrence, respectivement relatifs à la tenue d'une buvette au Théâtre de verdure et à la vente de produits salés. En raison de l'occupation temporaire du domaine public ainsi réalisée, pendant la période du 10 juin au 10 juillet 2016, la commune de Nice a émis le 3 mars 2017, à l'encontre de la société Le Flore, deux titres de recettes n° 810003 et 810004, pour un montant respectif de 66 000 euros et de 25 200 euros, afin de recouvrer les redevances liées à l'occupation du domaine public. Une opposition à tiers détenteur a été adressée le 17 mai 2017 à la société Le Flore pour recouvrer la somme de 61 200 euros au titre du règlement de ces titres de recettes, après déduction d'un acompte versé de 30 000 euros. La société Le Flore relève appel du jugement du 12 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres de recettes émis le 3 mars 2017 et de l'opposition à tiers détenteur émise le 17 mai 2017.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de ce que les conditions d'exploitation des stands telles que précisées dans l'appel public à la concurrence ne se seraient pas réalisées, en raison de manquements de la commune de Nice à ses engagements, en estimant que ces manquements n'étaient nullement établis. Par ailleurs, le tribunal n'avait pas à répondre à tous les arguments de la société Le Flore.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finance rectificative pour 2017 : " (...) / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés: / (...) / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution. ".
5. Il ressort de ces dispositions, applicables en vertu du XVII de l'article 73 de la loi du 28 décembre 2017, visée ci-dessus, à compter du 1er janvier 2019, y compris aux instances en cours à cette date, que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.
6. Il résulte de l'instruction que les conclusions de la société Le Flore tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise le 17 mai 2017 ressortissant du contentieux du recouvrement, ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative mais de celle du juge de l'exécution, sans que puisse être remis en cause devant lui le bien-fondé de la créance. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué du tribunal administratif de Nice du 12 novembre 2019 doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la société Le Flore tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise le 17 mai 2017.
7. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de la société Le Flore tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise le 17 mai 2017 et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions tendant à l'annulation des titres de recettes n° 810003 et n° 810004 émis le 3 mars 2017 présentées par la société Le Flore devant le tribunal administratif de Nice et devant la Cour.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise le 17 mai 2017 :
8. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 7, les conclusions présentées par la société Le Flore devant le tribunal administratif et devant la Cour, tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise le 17 mai 2017, doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation des titres de recettes n° 810003 et n° 810004 émis le 3 mars 2017 :
9. Aux termes, d'une part, de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, applicable au litige : " (...) 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. (...) / En application de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délai de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ". Aux termes de l'article D. 1617-23 du même code : " Les ordonnateurs des organismes publics, visés à l'article D. 1617-19, lorsqu'ils choisissent de transmettre aux comptables publics, par voie ou sur support électronique, les pièces nécessaires à l'exécution de leurs dépenses ou de leurs recettes, recourent à une procédure de transmission de données et de documents électroniques, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre en charge du budget pris après avis de la Cour des comptes, garantissant la fiabilité de l'identification de l'ordonnateur émetteur, l'intégrité des flux de données et de documents relatifs aux actes mentionnés en annexe I du présent code et aux deux alinéas suivants du présent article, la sécurité et la confidentialité des échanges ainsi que la justification des transmissions opérées. / La signature manuscrite, ou électronique conformément aux modalités fixées par arrêté du ministre en charge du budget, du bordereau récapitulant les mandats de dépense emporte certification du service fait des dépenses concernées et attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les dépenses concernées. / La signature manuscrite, ou électronique conformément aux modalités fixées par arrêté du ministre en charge du budget, du bordereau récapitulant les titres de recettes emporte attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les recettes concernées et rend exécutoires les titres de recettes qui y sont joints conformément aux dispositions des articles L. 252 A du livre des procédures fiscales et des articles R. 2342-4, R. 3342-8-1 et R. 4341-4 du présent code ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 27 juin 2007 portant application de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales relatif à la dématérialisation des opérations en comptabilité publique : " I. - En application de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales la signature électronique des fichiers de données et de documents électroniques transmis au comptable est effectuée par l'ordonnateur ou son délégataire au moyen : (...) / soit du certificat de signature " DGFIP " délivré gratuitement par la direction générale des finances publiques aux ordonnateurs des organismes publics visés à l'article 1er du présent arrêté ou à leurs délégataires qui lui en font la demande. / (...) ".
10. Aux termes, d'autre part, du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, codifié depuis lors au premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) / Toute décision prise par l'une des autorités mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".
11. Il résulte des dispositions cités au point 9, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures d'où les deux derniers alinéas sont issus, d'une part, que le titre de recette individuel ou l'extrait du titre de recette collectif doivent mentionner les nom, prénoms et qualité de l'auteur de cette décision, au sens des dispositions citées au point 10, de même, par voie de conséquence, que l'ampliation adressée au redevable, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recette comporte la signature de cet auteur. Lorsque le bordereau est signé non par l'ordonnateur lui-même mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les noms, prénoms et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recette individuel ou l'extrait du titre de recette collectif, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.
12. Il résulte de l'instruction que les deux titres de recettes contestés ont été émis par Mme C... B... directeur général adjoint, pour le maire. La commune de Nice produit un arrêté municipal 2016 ADM n° 89 du 14 décembre 2016 par lequel le maire de Nice a accordé à Mme B..., directeur général adjoint à la proximité, à la sécurité et à la vie des quartiers, une délégation de signature à l'effet de signer, notamment dans les domaines de la gestion du domaine public et comptable, les bordereaux de titres et de mandats qui emportent caractère exécutoire des pièces qu'ils contiennent. Elle a également transmis le bordereau n° 8102 émis le 3 mars 2017 portant la signature électronique de Mme C... B..., " DGA Prox. Sécurité vie des quartiers ", ainsi que le contrat de service pour l'accès au système d'information de la DGFIP et la signature des flux protocole d'échanges standard aller recette et dépense entre le correspondant de la DGIFP, M. D... A..., comptable à la Trésorerie de Nice et le partenaire externe, Mme C... B..., ce contrat comportant dans sa partie " signature du contrat de service " les noms et prénoms de ces deux personnes, ainsi qu'une date de signature le 13 décembre 2016. Toutefois, en dépit d'une mesure d'instruction demandant que la commune de Nice produise le certificat de signature " DGFIP " délivré gratuitement par la direction générale des finances publiques aux ordonnateurs des organismes publics ou a` leurs délégataires en vertu de l'article 4 de l'arrêté´ du 27 juin 2007 portant application de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales ou le contrat de service signe´ pour l'accès au système d'information de la DGFIP, la collectivité n'a pas produit ces documents permettant d'apporter la preuve de la signature manuscrite initiale validant la signature électronique établie par le contrat de service précité. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que l'auteur des titres contestés était compétent pour les signer.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la demande de la société Le Flore tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise le 17 mai 2017 est rejetée et, d'autre part, que la société Le Flore est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres de recettes n° 810003 et n° 810004 émis le 3 mars 2017.
Sur les frais liés au litige :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : Les titres de recettes n° 810003 et n° 810004 émis le 3 mars 2017 sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Flore et à la commune de Nice.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pocheron, président de chambre,
Mme Ciréfice, présidente assesseure,
Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2022.
2
N°20MA00051
fa