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25/04/2022 | FRANCE | N°19MA03934

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 25 avril 2022, 19MA03934


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme D... A... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 avril 2017 du maire de la commune de Beaujeu portant alignement de leurs parcelles D n° 339 et D n° 352 avec le chemin communal qui y conduit, d'ordonner à ce maire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois suivant notification du jugement à intervenir, de prendre un arrêté d'alignement conforme à la réalité des lieux et au tracé

existant du chemin longeant leur parcelle, subsidiairement, de désigner un ex...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme D... A... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 avril 2017 du maire de la commune de Beaujeu portant alignement de leurs parcelles D n° 339 et D n° 352 avec le chemin communal qui y conduit, d'ordonner à ce maire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois suivant notification du jugement à intervenir, de prendre un arrêté d'alignement conforme à la réalité des lieux et au tracé existant du chemin longeant leur parcelle, subsidiairement, de désigner un expert-géomètre aux frais de la commune de Beaujeu aux fins de constater les limites entre le chemin litigieux et leur propriété, conformément aux dispositions de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière et d'autre part, de condamner la commune de Beaujeu à leur verser la somme de 50 000 euros au titre des troubles dans leurs conditions d'existence et de leur préjudice moral et d'annuler la décision du 7 novembre 2017 par laquelle la commune de Beaujeu a rejeté leur demande indemnitaire préalable.

Par un jugement n° 1704337 - 1800057 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a, à l'article 1er, annulé l'arrêté du 14 avril 2017, à l'article 2, enjoint au maire de la commune de Beaujeu de prendre un nouvel arrêté d'alignement conforme à la réalité des lieux sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois suivant notification du jugement, à l'article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme C....

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 août 2019, 18 novembre 2019 et 7 août 2020 sous le n° 19MA03934, la commune de Beaujeu, représentée par Me de Permentier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 juin 2019 ;

2°) d'ordonner une mesure d'expertise à un géomètre expert ayant pour mission de relever l'emplacement du chemin sur les lieux ;

3°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Marseille ;

4°) de mettre à la charge de M. et Mme C... la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'y a pas d'anomalie entre la date du plan et celle de l'arrêté contesté ;

- le plan correspond à l'assiette réelle du chemin sur les lieux ;

- sur la partie empierrée, il n'y a pas de limite de la voie qui soit au droit des parcelles appartenant aux consorts C..., c'est la raison pour laquelle les tirets noirs ont été figurés comme l'axe des roues mais sans bordure et sur la partie enherbée, il n'y a pas de bordures ou de limites de la voie puisqu'il s'agit d'une zone d'herbe, l'axe de passage des roues dans cette zone étant de 1 m 60 ;

- l'arrêté contesté n'avait pas à prendre en compte l'espace devant la façade sud de leur maison dès lors qu'il ne constitue pas une voie ;

- l'expertise permettra de relever la situation exacte du chemin ;

- elle a payé la somme de 1 000 euros en exécution du jugement attaqué.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 octobre 2019, 11 décembre 2019, 2 septembre 2020 et 10 décembre 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Vaison de Fontaube, concluent au rejet de la requête de la commune de Beaujeu et demandent à la Cour :

1°) d'enjoindre à la commune de Beaujeu de communiquer sa pièce n° 18 de façon exploitable ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Beaujeu la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- l'appel de la commune de Beaujeu est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas exécuté le jugement ;

- les moyens soulevés par la commune de Beaujeu ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement n° 1704337 - n° 1800057 du 27 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille en raison de l'existence d'une contradiction entre, d'une part, les mentions de la minute du jugement attaque´ figurant dans le dossier de l'instance n° 19MA03934 qui au point 7, évalue un préjudice d'anxiété´ a` la somme de 3 000 euros et son dispositif qui ne condamne pas la commune de Beaujeu a` verser cette somme a` M. et Mme C... et d'autre, part, le jugement attaque´ non signe´ produit par la commune de Beaujeu dans l'instance n° 19MA03935 qui au point 7, évalue un préjudice d'anxie´te´ a` la somme de 3 000 euros et dont l'article 3 du dispositif condamne la commune de Beaujeu a` verser cette somme a` M. et Mme C....

Par un mémoire enregistré le 27 janvier 2022, M. et Mme C... ont présenté des observations sur ce moyen relevé d'office.

Par un mémoire enregistré le 8 février 2022, la commune de Beaujeu a présenté des observations sur ce moyen relevé d'office.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 août 2019, 18 novembre 2019 et 7 août 2020 sous le n° 19MA03935, la commune de Beaujeu, représentée par Me de Permentier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 juin 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme C... la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande indemnitaire de M. et Mme C... est irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée par le jugement du 3 mars 2016 du tribunal administratif de Marseille ;

- l'arrêté d'alignement est conforme au plan ;

- le plan correspond à l'assiette réelle du chemin sur les lieux ;

- il n'existe aucun obstacle légal et physique au passage des consorts C... sur le chemin ;

- ils n'établissent aucune faute ni aucun dommage.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 octobre 2019, 11 décembre 2019, 2 septembre 2020 et 10 décembre 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Vaison de Fontaube, concluent au rejet de la requête de la commune de Beaujeu et demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 juin 2019 en condamnant la commune de Beaujeu à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

2°) de condamner la commune de Beaujeu à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

3°) d'enjoindre à la commune de Beaujeu de communiquer sa pièce n° 18 de façon exploitable ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Beaujeu la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- l'appel de la commune de Beaujeu est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas exécuté le jugement ;

- le plan cadastral est erroné dès lors qu'il ne correspond pas à la réalité des lieux ;

- il existe un obstacle légal au passage ;

- l'attitude d'obstruction systématique de la commune de connivence avec leur voisine est fautive ;

- la commune n'a pas versé les 3 000 euros auxquels elle a été condamnée en première instance ;

- leur préjudice concerne la période du 14 avril 2017 jusqu'à la date du jugement attaqué ;

- au regard du préjudice moral subi depuis plus de dix années, des frais engagés au titre des procédures qui ont dû être mises en œuvre et des tracas que celles-ci ont engendrées, ils sollicitent une indemnisation à hauteur de 50 000 euros ;

- les moyens soulevés par la commune de Beaujeu ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la requête n° 19MA03935 de la commune de Beaujeu est irrecevable dès lors qu'il ne ressort pas du dispositif du jugement attaqué que le tribunal administratif de Marseille l'aurait condamnée à verser à M. et Mme C... la somme de 3 000 euros en réparation de leur préjudice.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité´ du jugement n° 1704337 - n° 1800057 du 27 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille en raison de l'existence d'une contradiction entre, d'une part, les mentions de la minute du jugement attaque´ figurant dans le dossier de l'instance n° 19MA03934 qui au point 7, évalue un préjudice d'anxiété a` la somme de 3 000 euros et son dispositif qui ne condamne pas la commune de Beaujeu a` verser cette somme a` M. et Mme C... et d'autre, part, le jugement attaque´ non signe´ produit par la commune de Beaujeu dans l'instance n° 19MA03935 qui au point 7, évalue un préjudice d'anxiété a` la somme de 3 000 euros et dont l'article 3 du dispositif condamne la commune de Beaujeu a` verser cette somme a` M. et Mme C....

Par un mémoire enregistré le 27 janvier 2022, M. et Mme C... ont présenté des observations sur ce moyen relevé d'office.

Par un mémoire enregistré le 8 février 2022, la commune de Beaujeu a présenté des observations sur ce moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me de Permentier, représentant la commune de Beaujeu et de Me Vaison de Fontaube, représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de la commune de Beaujeu sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme C... sont propriétaires de deux parcelles cadastrées D n° 339 et D n° 352, situées Hameau de Boullard, sur le territoire de la commune de Beaujeu, qui bordent un chemin communal confrontant à l'est la parcelle cadastrée D n° 352, sur laquelle est implantée leur maison, et au sud la parcelle cadastrée D n° 367, appartenant à leur voisine, et se terminant en " cul-de-sac " au sud de la parcelle cadastrée D n° 352. Par un arrêté du 24 octobre 2007, le maire de la commune a pris, à la demande de leur voisine, un arrêté d'alignement individuel et a autorisé cette dernière à établir une clôture en bordure du chemin communal pour délimiter la partie laissée à l'usage des piétons. Cette dernière a implanté des piquets sur le chemin à la suite de cet arrêté. Saisi par les époux C..., le tribunal administratif de Marseille a, par un jugement n° 1306733 du 3 mars 2016, d'une part, annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune de Beaujeu sur la demande de M. et Mme C... du 2 juillet 2013 en tant que cette décision a rejeté leur demande tendant à l'abrogation ou au retrait de l'arrêté individuel d'alignement du 24 octobre 2007 et leur demande d'alignement et, d'autre part, enjoint au maire de la commune de Beaujeu de faire droit à la demande de M. et Mme C... tendant à l'abrogation ou au retrait de l'arrêté individuel d'alignement du 24 octobre 2007 ainsi qu'à leur demande d'alignement dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Il a aussi rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de la demande de M. et Mme C.... La commune de Beaujeu a abrogé, le 7 juin 2016, l'arrêté d'alignement du 24 octobre 2007 et pris, le 14 avril 2017, un nouvel arrêté d'alignement individuel, visant la demande de M. et Mme C.... Ces derniers ont formé auprès de la commune, le 19 septembre 2017, un recours préalable indemnitaire par lequel ils sollicitaient la réparation de leur préjudice à hauteur de 50 000 euros, qui a fait l'objet d'une décision de rejet le 3 novembre 2017. La commune de Beaujeu relève appel du jugement du 27 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille qui a, à l'article 1er, annulé l'arrêté du 14 avril 2017, à l'article 2, enjoint au maire de la commune de Beaujeu de prendre un nouvel arrêté d'alignement conforme à la réalité des lieux sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois suivant notification du jugement, à l'article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme C.... La commune de Beaujeu doit être regardée comme demandant l'annulation des articles 1 à 4 du jugement attaqué. Les époux C... doivent être regardés comme demandant dans la requête n° 19MA03935 l'annulation de l'article 3 de ce jugement.

Sur la recevabilité des requêtes n° 19MA03934 et 19MA03935 :

3. M. et Mme C... font valoir que les appels de la commune de Beaujeu sont irrecevables dès lors qu'elle n'a pas exécuté le jugement contesté. Toutefois, cette circonstance, qui constitue un litige distinct, est sans incidence sur la recevabilité de ces appels. Par suite, cette fin de non-recevoir doit être écartée.

Sur l'appel principal de M. et Mme C... présentées au titre de la requête n° 19MA03935 :

4. Les conclusions de M. et Mme C... ont été enregistrées dans le délai d'appel de deux mois, celui-ci devant être regardé comme n'ayant pas commencé à courir dès lors que si un accusé de réception signé du jugement figure bien au dossier de première instance, il ne comporte aucune date de notification et aucun élément ne permet d'établir à quelle date il a été retourné au tribunal. Le dossier d'appel ne comporte pas davantage la date de notification de la requête de la commune de Beaujeu, à laquelle le jugement est joint, à M. et Mme C.... En tout état de cause le conseil des intéressés a été mis en mesure d'y avoir accès sur Télérecours à la suite de sa demande du 17 octobre 2019 et le premier mémoire en défense relevant appel du jugement a été enregistré le 18 octobre 2019. Ainsi, les conclusions de M. et Mme C..., qui justifient d'un intérêt à faire appel du jugement attaqué rejetant leurs conclusions indemnitaires, constituent un appel principal.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Il ressort des pièces du dossier qu'il existe une contradiction entre, d'une part, les mentions de la minute du jugement attaque´ figurant dans le dossier de l'instance n° 19MA03934, qui, au point 7, évalue un préjudice d'anxiété a` la somme de 3 000 euros et son dispositif qui ne condamne pas la commune de Beaujeu a` verser cette somme a` M. et Mme C... et d'autre, part, le jugement attaque´ non signe´ produit par la commune de Beaujeu dans l'instance n° 19MA03935 qui au point 7, évalue un préjudice d'anxiété a` la somme de 3 000 euros et dont l'article 3 de son dispositif condamne la commune de Beaujeu a` verser cette somme a` M. et Mme C.... Il ressort en outre des pièces des dossiers n° 1704337 et n° 1800057 de première instance que les deux minutes du jugement sont également entachées de cette erreur. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé dans son intégralité.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur la légalité de l'arrêté du 14 avril 2017 :

7. Aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique ouverte par l'autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale, propriétaire de la voie, et organisée conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration la limite entre voie publique et propriétés riveraines. / L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine. ".

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en l'absence de plan d'alignement, l'alignement individuel, qui n'emporte aucun effet sur le droit de propriété des riverains, ne peut être fixé qu'en fonction des limites actuelles de la voie publique en bordure des propriétés riveraines.

9. Il ressort du plan joint à l'arrêté contesté que le tracé du chemin communal représenté par des tirets rouges après le chemin empierré passe au ras du pied de l'angle Est de la maison de M. et Mme C... située sur la parcelle cadastrée D n° 352. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement de la photo E produite par M. et Mme C... que le chemin s'éloigne en réalité de cet angle de la maison dans la continuité des tirets noirs représentatifs du chemin empierré, conformément aux indications du nouveau plan établi postérieurement. Contrairement à ce que font valoir les intimés, la voie publique s'arrête sans comporter d'aire de retournement. Si la commune de Beaujeu se prévaut d'une superposition d'un plan de masse produit par les intimés et du plan d'alignement de l'arrêté en litige à l'échelle 1/200, cette superposition n'est pas de nature à démontrer que le plan annexé à l'arrêté en litige concorderait avec la position réelle du chemin dès lors que le plan de masse n'indique pas sa position. Par suite, l'arrêté contesté qui ne fixe pas les limites réelles du chemin communal en bordure de la propriété des époux C... contrairement aux dispositions de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière est entaché d'illégalité.

Sur la demande indemnitaire de M. et Mme C... :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Beaujeu :

10. Compte tenu de l'illégalité de l'arrêté en litige relevée au point 9, la commune de Beaujeu a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne les préjudices :

11. Si M. et Mme C... font valoir qu'il existe un obstacle légal et physique au passage, qui était matérialisé par l'implantation de deux piquets, ces derniers ont été posés pas leur voisine à la suite du premier arrêté d'alignement pris le 24 octobre 2007 par la commune de Beaujeu à la demande de celle-ci, qui les a en outre enlevés antérieurement à l'arrêté contesté comme le démontrent les photos qu'ils ont produits à l'instruction. La " connivence " alléguée de la commune avec cette voisine ne saurait résulter de la circonstance que cette dernière a posé les piquets à la suite de l'arrêté du 24 octobre 2007.

12. Outre que, comme dit au point 8, l'arrêté d'alignement contesté n'emporte aucun effet sur le droit de propriété de M. et Mme C..., la circonstance que selon cet arrêté le chemin soit déplacé de façon théorique d'un mètre ou deux un peu plus à l'est ou à l'ouest, sur une très courte distance, n'a aucun impact sur l'accès effectif à la propriété des intéressés.

13. M. et Mme C... demandent la réparation de leur préjudice moral subi depuis plus de dix années, des frais engagés au titre des procédures qui ont dû être mises en œuvre et des tracas engendrés, à hauteur de 50 000 euros. Cependant, comme indiqué au point 2, par un jugement du 3 mars 2016, le tribunal qui a estimé illégale la décision implicite par laquelle la commune a refusé de faire droit à la demande d'abrogation de l'arrêté du 24 octobre 2007 au motif que l'arrêté du 24 octobre 2007 n'a pas fixé l'alignement en fonction des limites réelles de la voie ainsi que la décision implicite refusant de faire droit à leur demande d'alignement, a rejeté leur demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices résultant de l'atteinte à leur tranquillité, à leur liberté de circulation et d'une attitude discriminatoire de la commune à leur égard. L'autorité de la chose jugée dont est revêtu ce jugement du 3 mars 2016 fait obstacle à ce que les préjudices de M. et Mme C... antérieurs au 3 mars 2016 soient indemnisés.

14. Les époux C... font valoir que le préjudice dont ils demandent réparation concerne la période qui s'est écoulée entre le 14 avril 2017 et le jugement attaqué du 27 juin 2019, soit un peu plus de deux ans. Ils font état de l'attitude d'obstruction systématique de la part de la commune de Beaujeu, qui n'a exécuté que tardivement le jugement du 4 juillet 2016 en prenant l'arrêté contesté et n'aurait pas exécuté le jugement attaqué. Toutefois ces circonstances sont sans lien de causalité avec la faute relevée aux points 9 et 10.

15. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 11 à 14, il ne résulte pas de l'instruction que la matérialité du préjudice moral ou d'anxiété invoqué par M. et Mme C..., qui n'est d'ailleurs assorti d'aucun début de justification, serait établie.

16. Il résulte de tout ce qui précède que, M. et Mme C... sont seulement fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 14 avril 2017.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

17. En premier lieu, les conclusions de la commune de Beaujeu tendant à ce qu'il soit ordonné une mesure d'expertise à un géomètre expert ayant pour mission de relever l'emplacement du chemin sur les lieux sont inutiles à la résolution du présent litige. Il y a lieu, par suite, de rejeter ces conclusions de la commune de Beaujeu.

18. En deuxième lieu, il n'y a pas lieu d'ordonner à la commune de Beaujeu de communiquer sa pièce n° 18 de façon exploitable dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'elle a communiqué ce document au conseil des intimés.

19. En troisième lieu, il n'y a pas lieu d'ordonner à la commune de Beaujeu de prendre un nouvel arrêté d'alignement dès lors qu'il résulte de l'instruction que le maire de la commune a pris, le 1er août 2019, un nouvel arrêté d'alignement.

Sur les frais liés au litige :

20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire aux conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 juin 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 14 avril 2017 du maire de la commune de Beaujeu est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Beaujeu, à M. B... C... et à Mme D... A... épouse C....

Délibéré après l'audience du 8 avril 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2022.

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N° 19MA03934, 19MA03935

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03934
Date de la décision : 25/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.

Voirie - Régime juridique de la voirie - Alignements - Arrêtés individuels d'alignement.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : VAISON DE FONTAUBE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-25;19ma03934 ?
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