Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 14 février 2014 par lequel le maire de Ramatuelle a délivré aux sociétés Immobilière Méditerranée et Urban Coop Ramatuelle un permis de construire, valant division parcellaire, en vue de la création d'un hameau nouveau intégré à l'environnement sur un terrain situé au lieu-dit " A... ".
Par un jugement n° 1401537 du 27 septembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16MA04349 du 13 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez ", annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du maire de Ramatuelle du 14 février 2014.
Par une décision nos 427701, 428068 du 7 octobre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi des pourvois présentés respectivement par la commune de Ramatuelle et par les sociétés 3F Immobilière Méditerranée et Urban Coop Ramatuelle, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 25 novembre 2016, le 12 février 2018, le 29 juin 2018, le 4 septembre 2018, le 14 décembre 2020 et le 1er juillet 2021, l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez ", représentée par la SELARL Andreani-Humbert, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 septembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Ramatuelle du 14 février 2014 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Ramatuelle la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté en litige n'a pas été précédé d'une consultation du service départemental d'incendie et de secours en méconnaissance de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme ;
- le permis de construire en litige méconnaît les dispositions alors en vigueur du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;
- le schéma de cohérence territoriale et le plan local d'urbanisme applicables méconnaissent les dispositions de la loi Littoral ;
- le permis litigieux méconnaît les dispositions des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme alors applicables ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions alors en vigueur de l'article R. 111-21 du même code.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 novembre 2017, le 26 mars 2018, le 5 septembre 2018, le 14 décembre 2020 et le 6 juillet 2021, la société 3F Sud, venant aux droits de la société anonyme d'habitation à loyer modéré 3F Immobilière Méditerranée, et l'EURL Urban Coop Ramatuelle, représentées par la SELARL Plenot-Suares-Blanco-Orlandini, demandent à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " le versement, à chacune d'elle, d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la requête est irrecevable dès lors que l'intérêt principalement poursuivi par l'association dans la présente instance est celui de l'un de ses adhérents et en raison du défaut de qualité pour agir de la personne ayant introduit la demande de première instance et la requête d'appel au nom de l'association ;
- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- les moyens invoqués par l'association requérante ne sont pas fondés ;
- une éventuelle annulation de ce permis de construire aurait nécessairement pour effet de remettre en cause la légalité de l'arrêté préfectoral portant déclaration d'utilité publique du 25 octobre 2011 pourtant définitif.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 novembre 2017, le 4 avril 2018, le 25 juin 2018, les 5 et 28 octobre 2018, les 11 et 29 décembre 2020, le 28 juin 2021 et le 24 août 2021, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Paternot, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que l'intérêt principalement poursuivi par l'association dans la présente instance est celui de l'un de ses adhérents ;
- la qualité pour agir de la personne ayant introduit la demande de première instance et la requête d'appel au nom de l'association n'est pas établie ;
- les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés ;
- une éventuelle annulation aurait des conséquences excessives et disproportionnées et porterait notamment une atteinte grave au principe à valeur constitutionnelle de sécurité juridique et à la confiance du public telle qu'elle est consacrée par la Cour européenne des droits de l'homme ;
- une éventuelle annulation de ce permis de construire aurait nécessairement pour effet de remettre en cause la légalité de l'arrêté préfectoral portant déclaration d'utilité publique du 25 octobre 2011 pourtant définitif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mouret,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- les observations de Me Andreani, représentant l'association requérante, celles de Me Orlandini, représentant les sociétés 3F Sud et Urban Coop Ramatuelle, et celles de Me Paternot, représentant la commune de Ramatuelle.
Une note en délibéré, enregistrée le 29 mars 2022, a été présentée pour l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez ".
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 14 février 2014, le maire de Ramatuelle a délivré à la société Immobilière Méditerranée, devenue la société 3F Immobilière Méditerranée puis la société 3F Sud, et à l'EURL Urban Coop Ramatuelle, un permis de construire, valant division parcellaire, en vue de la création d'un hameau nouveau intégré à l'environnement au lieu-dit " A... ", destiné à des logements accessibles aux foyers à revenus modestes ou moyens. Par un arrêt du 13 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé, à la demande de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez ", ce permis de construire au motif que le projet en litige ne présentait pas les caractéristiques d'un hameau nouveau intégré à l'environnement au sens des dispositions alors en vigueur du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. Par une décision du 7 octobre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir cité les dispositions alors applicables du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme et rappelé l'interprétation qui doit en être retenue, ont relevé que la création d'un hameau nouveau intégré à l'environnement était prévue par le plan local d'urbanisme dans sa version résultant de la modification approuvée le 30 janvier 2014. Ils ont ensuite précisé, de manière circonstanciée, les raisons pour lesquelles le projet en litige devait être regardé comme un hameau nouveau intégré à l'environnement au sens de ces dispositions. Dans ces conditions, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués, ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur ".
5. L'association requérante n'invoque aucune disposition législative ou réglementaire qui aurait rendu obligatoire, en l'espèce, compte tenu de la nature et de l'importance du projet, la consultation du service départemental d'incendie et de secours du Var dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire des sociétés pétitionnaires. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que, cet établissement public n'ayant pas été consulté par le maire de Ramatuelle, le permis de construire en litige a été délivré au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme.
6. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors applicables du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement (...) ". Un permis de construire ne peut être délivré sur le fondement de ces dispositions pour la réalisation d'une construction qui n'est pas en continuité avec les agglomérations et villages existants qu'à la condition que le projet soit conforme à la destination d'une zone délimitée par le document local d'urbanisme, dans laquelle celui-ci prévoit la possibilité d'une extension de l'urbanisation de faible ampleur intégrée à l'environnement par la réalisation d'un petit nombre de constructions de faible importance, proches les unes des autres et formant un ensemble dont les caractéristiques et l'organisation s'inscrivent dans les traditions locales.
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, qui est situé dans un secteur boisé éloigné du centre du village de Ramatuelle, ne s'inscrit pas dans la continuité d'une agglomération ou d'un village existants. Il n'est pas contesté que le plan local d'urbanisme de Ramatuelle, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué, prévoit le classement du site des " Combes Jauffret " en secteur UAh dont la vocation est d'accueillir, sous la forme d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, un programme de logements accessibles aux foyers à revenus modestes ou moyens. Le projet autorisé par le permis de construire en litige est ainsi conforme à la destination du secteur UAh institué par ce document local d'urbanisme.
8. D'autre part, le projet litigieux prévoit l'édification d'un ensemble immobilier, d'une surface de plancher totale de 7 351,73 mètres carrés, comportant 106 logements répartis dans huit corps de bâtiments collectifs accolés, implantés à proximité les uns des autres et regroupés autour de deux places. Il ressort des pièces du dossier que la taille de ce programme immobilier et l'organisation des bâtiments projetés en R+2 s'inspirent des traditions locales, en particulier celles d'autres hameaux varois comportant des constructions présentant des caractéristiques et une implantation analogues à celle du hameau projeté. Par ailleurs, le projet contesté, qui entraîne la création, sur une unité foncière d'une superficie totale de près de dix-neuf hectares, d'une emprise au sol de 3 703 mètres carrés, a été conçu pour limiter l'impact environnemental et paysager des constructions, d'architecture sobre, notamment par la prise en compte de la topographie des lieux ainsi que de la végétation existante. Il ressort des pièces du dossier que, compte tenu du parti architectural retenu, la visibilité du projet sera limitée, en particulier depuis le rivage de la mer. L'architecte des bâtiments de France a d'ailleurs estimé, dans son avis favorable émis le 8 janvier 2014, que le projet n'était pas de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt paysager du site. Par suite, compte tenu de ses caractéristiques et de son organisation comparable à celles d'autres hameaux traditionnels varois, le projet litigieux, qui entraîne une extension de l'urbanisation de faible ampleur intégrée à l'environnement, doit être regardé comme un hameau nouveau intégré à l'environnement au sens des dispositions citées au point 6.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le permis de construire en litige ne méconnaît pas les dispositions alors en vigueur du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme.
10. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur ". Selon l'article L. 600-12-1 du même code, créé par cette même loi et immédiatement applicable aux instances en cours : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet (...) ".
11. Il résulte de l'article L. 600-12-1 que l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un document local d'urbanisme n'entraîne pas l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d'illégalité repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause. Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de l'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours contre une autorisation d'urbanisme, de vérifier d'abord si l'un au moins des motifs d'illégalité du document local d'urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme. Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s'il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger. En outre, lorsqu'un motif d'illégalité non étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d'urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours en annulation d'une autorisation d'urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.
12. D'une part, si l'association requérante relève que le schéma de cohérence territoriale des cantons de Grimaud et de Saint-Tropez se borne à prévoir la création de " hameaux nouveaux répondant aux critères de l'habitat traditionnel " et à préconiser à cet égard de " retrouver les formes et les localisations traditionnelles, en particulier les multiples hameaux créés en forêt dans les siècles passés ", sans définir les critères de qualification de l'habitat traditionnel au regard des spécificités locales, elle ne se prévaut à cet égard d'aucune disposition législative ou réglementaire imposant aux auteurs d'un tel document d'urbanisme de définir ces critères et de préciser les modalités de mise en œuvre des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Par suite, le moyen, invoqué par la voie de l'exception, tiré de ce que ce schéma de cohérence territoriale serait incompatible avec ces dispositions ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme de Ramatuelle, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué, comporte des précisions relatives aux caractéristiques du hameau nouveau intégré à l'environnement des Combes Jauffret. Il indique notamment que ce hameau s'inspirant de la " tradition régionale " se caractérise par un habitat dense structuré autour d'espaces publics réservés aux piétons. L'association requérante ne se prévaut d'aucune disposition législative ou réglementaire imposant aux auteurs d'un plan local d'urbanisme, lorsqu'ils prévoient la création d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, de détailler davantage les caractéristiques et les modalités d'organisation d'un tel hameau au regard des traditions locales et de préciser les formes traditionnelles des hameaux existants. Il suit de là que l'association requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à exciper de l'illégalité du plan local d'urbanisme de Ramatuelle en tant qu'il identifie un hameau nouveau intégré à l'environnement dans le secteur des Combes Jauffret dans lequel s'inscrit le terrain d'assiette du projet.
14. En quatrième lieu, aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (...). / Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public (...) ". Selon l'article R. 146-1 du même code, alors en vigueur : " En application du premier alinéa de l'article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) / b) Les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; (...) / f) Les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales (...) ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ; / g) Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions que les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 sont présumées constituer des sites ou paysages remarquables. Toutefois, si cette qualification présumée est contestée, leur caractère remarquable doit être justifié.
15. D'une part, si le terrain d'assiette du projet est présumé constituer un site ou un paysage remarquable, compte tenu de son inclusion dans le périmètre du vaste site inscrit de la presqu'île de Saint-Tropez, cette qualification est contestée en défense. A supposer même que ce terrain, composé de parcelles d'une superficie totale de près de dix-neuf hectares ainsi qu'il a été dit, doive être regardé comme présentant encore, dans son intégralité, un caractère naturel et boisé à la date de l'arrêté attaqué, il ne ressort pas des pièces du dossier que les essences d'arbres présentes sur ce site, éloigné du rivage distant de plusieurs kilomètres, présenteraient un intérêt particulier. Par ailleurs, ce terrain localisé dans une combe, et situé en limite d'une zone boisée bordant l'une des extrémités d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type II, s'inscrit dans un secteur caractérisé notamment par la présence de parcelles agricoles, de plusieurs constructions individuelles, d'une route départementale fréquentée, ainsi que d'un important ensemble immobilier appartenant à une cave coopérative. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tènement en cause présenterait un caractère remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, au sens des dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, ni qu'il formerait avec un espace remarquable une unité paysagère justifiant, dans son ensemble, cette qualification de site ou de paysage remarquable à préserver.
16. D'autre part, l'association requérante persiste à soutenir en appel que le terrain d'assiette du projet présente un intérêt écologique et qu'il est nécessaire au maintien des équilibres biologiques au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme. En l'absence d'élément nouveau, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus, à cet égard, au point 10 du jugement attaqué.
17. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions alors en vigueur des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme doit être écarté.
18. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
19. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
20. D'une part, si le terrain d'assiette du projet s'inscrit dans un secteur boisé de la commune de Ramatuelle, il n'est toutefois pas établi que le risque d'incendie serait d'une intensité particulièrement élevée dans ce secteur situé à proximité d'une route départementale. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que, lors d'une réunion tenue le 1er avril 2010 dans la perspective de la création d'un hameau dans le secteur en cause, les représentants du service départemental d'incendie et de secours du Var ont notamment relevé, en ce qui concerne le risque d'incendie de forêt, que ce futur hameau sera protégé des vents compte tenu de son implantation prévue en " position de relief retombant par rapport au cheminement du feu éventuel " et que le secteur est " surplombé par un pare-feu et desservi par la route départementale ". L'association requérante ne fait état d'aucun élément probant de nature à démontrer que le chemin de desserte des constructions projetées, qui débouche sur une portion de voie rejoignant cette route départementale, ne permettrait pas, du fait de ses caractéristiques et de son aménagement au sein d'une zone boisée, de garantir une intervention efficace des services de secours et de lutte contre l'incendie dans le hameau des Combes Jauffret dont l'arrêté attaqué autorise l'édification. Dans ces conditions, et quand bien même le service départemental d'incendie et de secours du Var n'a pas été consulté dans le cadre de l'instruction de la demande de permis des sociétés pétitionnaires, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Ramatuelle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation du risque pour la sécurité publique au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
21. D'autre part, l'association requérante soutient que, compte tenu de l'importante artificialisation des sols ainsi que de l'augmentation du trafic routier qu'il implique, le projet litigieux est susceptible de provoquer une pollution des milieux aquatiques de surface et souterrains, une pollution atmosphérique, ainsi que " diverses nuisances importantes pour l'environnement, en particulier pour la préservation des nombreuses espèces faunistiques et floristiques protégées recensées sur le terrain et ses alentours ". Toutefois, elle ne se prévaut pas d'éléments suffisamment précis permettant d'établir que le projet litigieux pourrait engendrer des atteintes à la salubrité publique de nature à justifier un refus de permis de construire sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
22. Dans ces conditions, et alors qu'il n'apparaît pas que l'addition des risques et nuisances mentionnés aux deux points précédents seraient de nature à compromettre gravement les conditions et le cadre de vie des futurs occupants du hameau des Combes Jauffret, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Ramatuelle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en délivrant le permis de construire en litige.
23. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, devenu l'article R. 111-27 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
24. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu en particulier de ce qui a été dit au point 8 en ce qui concerne l'intégration paysagère du projet, que les constructions litigieuses, eu égard à leur architecture sobre ainsi qu'à leur impact visuel limité du fait de leur implantation dans une combe, au sein d'une zone boisée, et en dépit de leur proximité avec une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type II, seraient susceptibles de porter atteinte au caractère ou à l'intérêt du site et des lieux avoisinants, ainsi qu'aux paysages naturels. Par suite, en délivrant le permis de construire en litige, le maire de Ramatuelle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions alors en vigueur de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
25. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
26. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par les parties défenderesses au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez ", à la commune de Ramatuelle, à la société 3F Sud et à la société Urban Coop Ramatuelle.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.
2
N° 20MA03813