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19/04/2022 | FRANCE | N°20MA00535

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 19 avril 2022, 20MA00535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le maire de la commune de Montels lui a délivré un certificat d'urbanisme déclarant que l'opération de division parcellaire en vue de créer seize lots à bâtir qu'elle envisageait sur son terrain cadastré B n° 66 n'était pas réalisable, ensemble la décision implicite née le 17 juillet 2018 de rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté et, d'autre part, d'enj

oindre au maire de la commune de Montels de réexaminer sa demande.

Par le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le maire de la commune de Montels lui a délivré un certificat d'urbanisme déclarant que l'opération de division parcellaire en vue de créer seize lots à bâtir qu'elle envisageait sur son terrain cadastré B n° 66 n'était pas réalisable, ensemble la décision implicite née le 17 juillet 2018 de rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté et, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune de Montels de réexaminer sa demande.

Par le jugement n° 1804347 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté du 20 mars 2018 du maire de la commune de Montels, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux et a enjoint au maire de réexaminer sa demande et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2020 et par un mémoire complémentaire enregistré le 17 juin 2020, la commune de Montels, représentée par la SCP d'avocats HGetC, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt pour agir ;

- le maire bénéficie d'une délégation régulière pour ester en justice ;

- dès lors que le dossier de demande ne prévoyait aucun dispositif permettant d'assurer la sécurité des lots projetés, le maire n'aurait pas pu assortir de lui-même le certificat de prescriptions spéciales en ce sens pour délivrer l'autorisation ;

- le projet litigieux méconnaît dès lors l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et le maire pouvait ainsi refuser l'opération en litige ;

- en tout état de cause, le maire ne pouvait pas légalement assortir l'autorisation d'une prescription renvoyant à une concertation ultérieure avec un service extérieur;

- le motif tiré de ce que l'accès aux lots projetés présente un danger pour la sécurité des usagers de la route départementale 16 est fondé ;

- celui tiré d'une atteinte à la sécurité publique de ces usagers eu égard à l'absence de système de collecte des eaux pluviales prévu au sud des lots projetés est lui-aussi justifié ;

- la création d'un bassin de rétention au sud des lots projetés, qui apporte au projet une modification substantielle, ne peut être imposée par une simple prescription et exigerait la présentation d'une nouvelle demande ;

- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

- elle demande une substitution de motifs tirés de ce que le projet d'urbanisation de cette zone AU méconnaît le règlement de la zone AU du PLU de la commune, dès lors que l'ouverture à l'urbanisation est conditionnée selon le caractère du règlement de zone à la création, non réalisée à ce jour, d'une nouvelle station d'épuration, qu'elle ne peut être admise selon l'article AU2 que dans le cadre d'une opération d'ensemble portant sur l'intégralité de la zone, que la voirie interne du lotissement projeté ne présente pas les caractéristiques exigées par l'article AU3 de ce règlement, que la création d'un nouvel accès à la voie publique exige l'autorisation de l'autorité gestionnaire de la voie et que le traitement des eaux pluviales n'est pas adapté au projet en méconnaissance de l'article UA4 du règlement.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2020, Mme A..., représentée par le cabinet d'avocats JPBA, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Montels la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel de la commune est irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir et pour défaut de délibération du conseil municipal autorisant le maire à ester en justice ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- les motifs invoqués par la voie de la substitution par la commune ne peuvent pas non plus fonder la décision en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par l'arrêté en litige du 20 mars 2018, le maire de Montels a délivré à Mme A..., à sa demande, un certificat d'urbanisme l'informant notamment de ce que l'opération qu'elle envisageait de division parcellaire d'un terrain cadastré section B n° 66, d'une superficie de 9 506 m², lui appartenant, situé au lieu-dit " C... ", en seize lots destinés à être bâtis, n'était pas réalisable. Par une décision implicite née le 17 juillet 2018, le maire a rejeté son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de ces deux décisions. Par le jugement dont la commune de Montels relève appel, les premiers juges ont annulé cet arrêté du 20 mars 2018 du maire de la commune de Montels, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux et ont enjoint au maire de réexaminer la demande de Mme A... et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur les fins de non-recevoir opposées par Mme A... à la requête d'appel de la commune :

2. D'une part, dès lors que la commune de Montels avait qualité de partie en première instance, elle a qualité pour faire appel du jugement qui a annulé l'arrêté pris par le maire de la commune. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la commune n'aurait pas intérêt pour agir dans la présente instance au motif que le maire aurait pris, en exécution du jugement attaqué, un nouveau certificat d'urbanisme négatif le 13 février 2020 pour le même projet doit être écartée.

3. D'autre part, il ressort de l'extrait du registre des délibérations du conseil municipal de Montels produit par la commune que ce conseil, dans sa séance du 11 janvier 2017, a donné au maire une délégation pour ester au nom de la commune pendant la durée de son mandat et a autorisé le maire à introduire toute action en justice. Par suite, le maire disposait, lors de la requête introduite au nom de la commune enregistrée au greffe de la Cour le 7 février 2020, soit pendant la durée de son mandat qui a expiré postérieurement lors du scrutin municipal de mars 2020, d'une autorisation du conseil municipal pour ester en justice. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la requête de la commune de Montels serait irrecevable pour ce motif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Pour annuler la décision en litige, les premiers juges ont estimé que le maire aurait pu délivrer à Mme A... un certificat d'urbanisme déclarant l'opération de division foncière réalisable en assortissant ce certificat de prescriptions permettant d'assurer la conformité de la construction aux règles de sécurité prévues par l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, tant en terme d'accès du projet qu'en terme de rejet des eaux pluviales.

5. D'une part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Les risques d'atteinte à la sécurité publique visés par ce texte sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire ou d'un certificat d'urbanisme négatif sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

6. En vertu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ou le certificat d'urbanisme positif ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder cette autorisation en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus (...) ". Aux termes de l'article R. 410-14 du même code : " Dans les cas prévus au b de l'article L. 410-1, lorsque la décision indique que le terrain ne peut être utilisé pour la réalisation de l'opération mentionnée dans la demande, ou lorsqu'elle est assortie de prescriptions, elle doit être motivée ".

8. En premier lieu, il ressort des plans joints à la demande de certificat de Mme A... que l'accès déjà existant aux lots projetés se fera directement par la route départementale 16 qui présente à cet endroit un caractère rectiligne permettant une bonne visibilité et que la desserte du lotissement se fera par une voie présentant une largeur suffisante pour desservir les seize lots et permettant à deux véhicules de se croiser. Si le département de l'Hérault, gestionnaire de la route départementale, dans son avis du 13 mars 2018, précise qu'un aménagement devra être réalisé au droit de l'accès sur la route départementale 16 (stop, tourne à droite...), il appartiendra au lotisseur, au stade ultérieur du dépôt du dossier du permis d'aménager, de préciser l'aménagement prévu de cet accès, qui sera obligatoirement soumis, selon le règlement du plan local d'urbanisme de la commune, à l'autorisation du département pour permettre à ce dernier de s'assurer, préalablement à la réalisation de l'opération d'urbanisme, du caractère suffisant de l'accès projeté. Par suite, le maire ne pouvait légalement se borner à refuser de délivrer le certificat d'urbanisme sollicité par Mme A... au motif qu'aucun élément du dossier de demande ne faisait apparaître que cet accès direct sur la route départementale fera l'objet d'un aménagement sécurisé en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

9. En deuxième lieu, le maire a estimé que, eu égard à la pente du terrain d'assiette et du seul bassin de rétention prévu au nord de ce terrain, l'évacuation des eaux pluviales des lots situés au sud se fera nécessairement vers la route départementale 16 située en contrebas, alors que l'avis du 13 mars 2018 du gestionnaire de la route départementale interdit le rejet des eaux pluviales sur cette route afin de garantir la sécurité des automobilistes empruntant cette voie et exige qu'une étude hydraulique devra être réalisée pour étudier l'impact de l'ensemble de l'aménagement sur la route départementale 16. Dès lors que le dossier de demande ne permet pas d'évaluer l'ampleur possible du déversement des eaux pluviales ni les dispositifs prévus pour limiter ce déversement, il n'appartenait au maire ni de faire réaliser de sa propre initiative cette étude hydraulique, ni de déterminer lui-même, à défaut de précision en ce sens dans le dossier de demande, notamment quel système d'évacuation des eaux pluviales serait le plus adapté pour remédier à ce risque de rejet des eaux sur la route départementale. Ainsi, le maire ne pouvait pas assortir l'autorisation sollicitée d'une prescription en ce sens. Par suite, le maire a pu légalement fonder la décision en litige sur le motif tiré de ce que le projet serait susceptible d'engendrer un rejet des eaux supplémentaires sur la route départementale et porterait ainsi atteinte à la sécurité des usagers de la voie publique et des personnes destinées à utiliser cet accès, en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le maire aurait pu délivrer à Mme A... un certificat d'urbanisme déclarant l'opération de division foncière réalisable en assortissant ce certificat de simples prescriptions.

10. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier.

11. Dès lors que la décision en litige ne méconnaît pas la règlementation en matière d'urbanisme, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'un détournement de pouvoir doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de motifs de la commune, que la commune de Montels est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l' arrêté du 20 mars 2018 du maire, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme A... et a enjoint au maire de réexaminer sa demande et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Il convient en conséquence d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les frais liés au litige :

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montels, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Montels sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Mme A... versera à la commune de Montels la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montels et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.

2

N° 20MA00535


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00535
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. - Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP HENRY-CHICHET-PAILLES-GARIDOU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-19;20ma00535 ?
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