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08/04/2022 | FRANCE | N°21MA04831

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 08 avril 2022, 21MA04831


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier d'annuler deux arrêtés du 30 septembre 2021 par lesquels le préfet de l'Hérault, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans le délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, l'a assignée à résidence.

Par une ordonnance n° 2106040 du 19 novembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal

administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier d'annuler deux arrêtés du 30 septembre 2021 par lesquels le préfet de l'Hérault, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans le délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, l'a assignée à résidence.

Par une ordonnance n° 2106040 du 19 novembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2021, sous le n° 21MA04831, Mme A..., représentée par Me Moulin, demande à la Cour :

1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler cette ordonnance du 19 novembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier ;

3°) d'annuler les arrêtés du 30 septembre 2021 ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Moulin au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée a violé le principe du contradictoire ;

- elle ne répond pas aux moyens tirés du détournement de procédure et du caractère erroné de la mention des voies et délais de recours ;

- sa requête était recevable dès lors que le délai de recours de 48 heures résultant d'un détournement de procédure ne pouvait lui être opposé, que leurs mentions étaient erronées et que la date de notification de la décision portant assignation à résidence n'est pas établie ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure et méconnaît le principe du contradictoire ;

- son comportement ne constitue pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société au sens de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

s'agissant de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

- en l'absence de menace réelle, actuelle et suffisamment grave, cette décision est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'un détournement de procédure ;

s'agissant de la décision portant interdiction de retour :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

s'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est entachée d'un détournement de procédure.

La demande d'aide juridictionnelle de Mme A... a été rejetée par une décision du 14 février 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme A....

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 1er juillet 1991 et de nationalité roumaine, a été interpellée par les services de police le 29 septembre 2021 alors qu'elle se livrait à la prostitution sur l'avenue de Toulouse située à Montpellier. Par deux arrêtés du 30 septembre 2021, le préfet de l'Hérault, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, l'a assignée à résidence. Mme A... relève appel de l'ordonnance en date du 19 novembre 2021 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 30 septembre 2021.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

3. Par décision du 14 février 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par la requérante pour la présente instance d'appel. Dès lors, les conclusions présentées par Mme A... tendant à ce que la Cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet à la date du présent arrêt.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour dans un délai d'un an :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions et délais prévus au présent chapitre, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Les dispositions du présent chapitre sont applicables au jugement de la décision fixant le pays de renvoi contestée en application de l'article L. 721-5 et de la décision d'assignation à résidence contestée en application de l'article L. 732-8. ". Aux termes de l'article L. 614-6 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5. ". Aux termes de l'article L. 732-8 dudit code : " La décision d'assignation à résidence prise en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-1 peut être contestée devant le président du tribunal administratif dans le délai de quarante-huit heures suivant sa notification. Elle peut être contestée dans le même recours que la décision d'éloignement qu'elle accompagne. (...) ". L'article L. 614-7 du code précité dispose que : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français est notifiée avec une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 ou une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 741-1, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de ces mesures. ". L'article L. 614-12 de ce code prévoit que : " La décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 peut être contestée dans les conditions prévues à l'article L. 732-8. (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Aux termes de l'article R. 776-18 du même code : " (...) Les décisions attaquées sont produites par l'administration ".

6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 30 septembre 2021 qui a fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an indique que " " Si vous entendez contester la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant le délai de départ volontaire, de la décision fixant le pays de destination ou bien de la mesure d'interdiction de retour, vous pouvez dans un délai de 48 heures à compter de sa notification, former un recours contentieux devant la juridiction administrative par écrit, si possible dactylographié, contenant l'exposé des faits et des arguments juridiques précis que vous invoquez. Vous êtes prié de bien vouloir joindre à votre recours une copie de la décision contestée. Ce recours doit être enregistré au greffe du tribunal administratif compétent. Le tribunal administratif peut être saisi par l'application informatique " Télérecours citoyens " accessible par le site internet www.telerecours.fr. Ce recours peut être également déposé, dans le même délai de 48 heures, auprès du greffe du centre de rétention administrative dans lequel vous êtes placé ".

7. En premier lieu, la circonstance que la mention des voies et délais de recours de la décision en litige ne précise pas la juridiction compétente à l'intérieur de la juridiction administrative pour connaître du recours dirigé contre cette décision, ni son adresse et son numéro de télécopie est sans influence sur la computation des délais. Il en va de même du fait que l'arrêté attaqué mentionne par erreur qu'une copie de la décision contestée doit être jointe au recours alors qu'en vertu des dispositions l'article R. 776-18 du code de justice administrative citées au point 5, ces décisions sont produites par l'administration. En effet, il revenait au greffe du tribunal de demander au préfet de l'Hérault de produire la décision attaquée et cette absence de communication par la requérante ne rendait pas pour autant sa demande irrecevable.

8. En deuxième lieu, si la requérante soutient qu'elle ne sait pas écrire en français et n'avait pas la capacité de rédiger un écrit contenant l'exposé des faits et des moyens juridiques précis, alors qu'elle n'allègue pas avoir sollicité l'assistance d'un interprète lors de la notification de l'arrêté contesté, cette circonstance, à la supposer établie, n'a pas fait obstacle au déclenchement du délai de 48 heures prévu par les dispositions précitées de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En troisième lieu, le délai de recours de 48 heures est lié au fait que le préfet de l'Hérault a pris à l'encontre de Mme A... une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai. Ainsi, si elle peut éventuellement alléguer à l'encontre de l'acte en litige que le préfet a commis un détournement de procédure et de pouvoir en prenant une telle décision plutôt qu'une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire de 30 jours, elle ne peut utilement soutenir que le délai de recours de 48 heures ne peut lui être opposé dès lors qu'il résulte d'un détournement de la procédure. En tout état de cause, le préfet de l'Hérault a motivé sa décision concernant le trouble à l'ordre public causé par l'activité de prostitution à laquelle participe Mme A... par plusieurs motifs liés à la perturbation du flux de la circulation sur des axes très fréquentés en raison des ralentissements et des arrêts intempestifs de certains automobilistes, l'accidentologie sur le secteur du fait de cette activité et l'existence de plusieurs accidents dont 13 corporels en 2020 et 9 en 2021, l'accroissement des tensions entre les riverains et les prostituées mais aussi entre clients et prostituées elles-mêmes dont plusieurs mains courantes font état de différends récurrents, ainsi qu'en 2021, 35 faits délictuels commis entre 21 heures et 6 heures dont 6 liés à des violences envers les personnes. Par ailleurs, sur le plan environnemental, la prostitution est source de pollution sur l'avenue de Toulouse en raison des déchets de toutes sortes qui y sont abandonnés. Ces troubles sont établis par le préfet de l'Hérault qui produit un procès-verbal des services de police du 29 septembre 2021, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, ainsi qu'une fiche technique concernant les nuisances et troubles à l'ordre public générés par l'activité de de la prostitution dans le secteur de l'avenue de Toulouse à Montpellier, le 28 septembre 2021. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, le préfet de l'Hérault a pu ainsi décider de ne pas accorder à l'intéressée un délai de départ volontaire, sans commettre de détournement de pouvoir ni de procédure.

10. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige, lequel comportait les voies et délais recours ainsi qu'il a été dit au point 6, a été notifié à Mme A... le 21 septembre 2021 à 14h 20. Sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté n'a été enregistrée au greffe du tribunal que le 17 novembre 2021, soit au-delà du délai de 48 heures. Ainsi, cette demande était tardive et, par suite, irrecevable.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021 portant assignation à résidence :

11. Les moyens tirés de la mention erronée des voies et délais de recours, du détournement de procédure et de pouvoir doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 7 à 9.

12. L'arrêté contesté produit par le préfet de l'Hérault fait mention de sa notification à Mme A... le 4 juin 2021 à 14h30. Si la requérante soutient que cette erreur de date ne permet pas de tenir pour établie la date de la notification, il ressort d'un procès-verbal du 30 septembre 2021 des services police, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, lequel est paraphé de la requérante que " il est mis fin à sa retenue afin de permettre la mise en œuvre de la mesure administrative prise à son encontre. En l'espèce, une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire national d'un an, assortie d'une assignation à résidence ". Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que la décision d'assignation à résidence lui a été notifiée le 30 septembre 2021, à 14h30. Par suite, sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté qui comportait les voies et délais de recours n'a été enregistrée au greffe du tribunal que le 17 novembre 2021, soit au-delà du délai de 48 heures. Ainsi, cette demande était tardive et, par suite, irrecevable.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande comme irrecevable.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de Mme A....

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées pour Mme A... à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête Mme A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Moulin et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 avril 2022.

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N° 21MA04831

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04831
Date de la décision : 08/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-08;21ma04831 ?
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