Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation de la perte de chance d'obtenir une indemnité réparant le préjudice subi suite à la perte de son emploi.
Par un jugement n° 1702149 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2019 sous le n° 19MA04748, Mme C... représentée par Me Mestre, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 septembre 2019 ;
2°) à titre principal, de condamner l'État à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation de la perte injustifiée de son emploi et des salaires subséquents ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'État à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation de la perte de chance d'obtenir une indemnité réparant le préjudice subi à la suite à la perte de son emploi ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort, que les premiers juges ont considéré qu'il n'existait aucun lien de causalité entre la décision de l'inspection du travail du 16 décembre 2015 et sa perte de chance d'obtenir réparation du préjudice né A... la perte de son emploi ;
- à titre subsidiaire, si l'employeur avait passé outre et l'avait licenciée, celle-ci aurait obtenu des juges judiciaires une indemnité conséquente pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard de ses 23 années d'ancienneté au sein de la société Disfrais.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2019.
Une mise en demeure a été adressée le 7 octobre 2021 à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Par ordonnance du 19 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 19 décembre 2021.
Un mémoire présenté par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a été enregistré le 20 janvier 2022 postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a été embauchée le 16 janvier 1992, au sein de la société Disfrais située à Avignon pour occuper un poste d'opératrice de saisie. En juin 2013, son poste a été supprimé à la suite de la mise en place d'un nouveau logiciel. Elle a alors refusé un reclassement sur un poste d'opératrice en compostage. Après une période de congés maladie du 22 juillet 2013 au 27 août 2015, le médecin du travail l'a déclarée " inapte au poste mais apte à un autre poste " le 10 septembre 2015. Le 13 octobre 2015, la société Disfrais lui a notifié son licenciement pour inaptitude au poste d'opératrice de compostage et impossibilité de la reclasser. Par un courrier du 23 octobre 2015, la salariée a contesté auprès de l'inspectrice du travail l'avis du médecin du travail, laquelle l'a infirmé, par une décision du 16 décembre 2015. Sur recours hiérarchique formé par la société Disfrais, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail, par une décision du 18 avril 2016 au motif qu'elle était intervenue sans le recueil préalable de l'avis du médecin inspecteur du travail sans toutefois se prononcer sur l'inaptitude de l'intéressée. Mme C... a présenté, le 11 avril 2017, une demande d'indemnisation préalable tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 16 décembre 2015 de l'inspecteur du travail qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Elle relève appel du jugement du 20 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail, dans sa version applicable à la date de la décision de l'inspecteur du travail : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'Etat de santé physique et mentale des travailleurs. (...) / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Il en informe l'autre partie. L'inspecteur du travail prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, ou le cas échéant au ministre en cas de recours hiérarchique, de se prononcer définitivement sur cette aptitude. Cette appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, se substitue à cet avis. Seule la décision rendue par l'inspecteur du travail et, le cas échéant, par le ministre, est susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir.
4. Il résulte de l'instruction que par une décision du 18 avril 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 16 décembre 2015 de l'inspecteur du travail au motif qu'elle était intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail qui exigent le recueil préalable de l'avis du médecin inspecteur du travail. Mme C... invoque une perte de chance en soutenant que si la décision de l'inspecteur du travail n'avait pas été annulée pour un vice de procédure, elle aurait pu prétendre à une indemnisation devant la juridiction sociale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Toutefois, cette décision n'a pas été annulée par le juge administratif, ce qui aurait alors entraîner une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat mais par la ministre chargée du travail dans le cadre d'un recours hiérarchique formé par l'employeur. Or la décision de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social s'est substituée à celle de l'inspecteur du travail qui a ainsi disparu de l'ordonnancement juridique. Par suite, l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail sur laquelle est fondée l'action indemnitaire de Mme C... est dépourvue de tout lien de causalité avec le préjudice invoqué dès lors que la position de l'administration n'a pas été arrêtée par cette décision mais par celle de la ministre chargée du travail.
5. La circonstance que, si la société Disfrais était passée outre et l'avait licenciée, elle aurait obtenu des juges judiciaires une indemnité conséquente pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard de ses 23 années d'ancienneté au sein de la société Disfrais, est sans incidence dès lors qu'il appartenait à Mme C... de saisir le conseil des Prud'hommes pour faire valoir ses droits et obtenir une indemnité en conséquence.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le conseil de Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Me Philippe Mestre et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 avril 2022.
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N° 19MA04748
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