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29/03/2022 | FRANCE | N°21MA01954

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 29 mars 2022, 21MA01954


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de sa demande.

Par un jugement n° 2004621 du 19 mai 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 mai 2021 et des mémoires enregistrés l

es 9 juin 2021 et 1er mars 2022, M. A..., représenté par Me Zouatcham, demande à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de sa demande.

Par un jugement n° 2004621 du 19 mai 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 mai 2021 et des mémoires enregistrés les 9 juin 2021 et 1er mars 2022, M. A..., représenté par Me Zouatcham, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 19 mai 2021 du tribunal administratif de Nice ;

3°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser directement à son conseil sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu'il ne pouvait utilement faire valoir que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;

- il a commis une erreur de droit en considérant que le préfet n'avait pas commis d'erreur de fait ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation, révélée par l'erreur de fait commise par le préfet sur les précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour et méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure où il remplit les conditions d'admission exceptionnelle au séjour.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A... par une décision du 29 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Burkina Faso relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire signé le 10 janvier 2009 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 août 2021 M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Portail a été entendu au cours de l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité burkinabé, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour par le travail le 2 octobre 2019. Une décision implicite de rejet de cette demande est née du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur cette demande. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite du préfet des Alpes-Maritimes.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance ". Selon l'article 20 de cette même loi : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ".

3. Par décision du 29 octobre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A.... Il n'y a, dès lors, plus lieu de statuer sur sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la régularité du jugement :

4. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir d'erreurs de droit qu'aurait commis le tribunal pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ". Selon l'article L. 312-1 de ce même code, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces produites pour la première fois en appel, que M. A..., par la production de nombreux contrats de travail et bulletins de paie, de relevés de compte bancaire comportant des mouvements significatifs, de certificats médicaux, de nombreux récépissés de demande de titre de séjour et d'autorisations provisoires de séjour, d'attestations d'associations philanthropiques dont l'intéressé a fréquenté les permanences, ainsi que de certificats médicaux, établit sa présence habituelle sur le territoire français depuis juin 2009, soit depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, en ne saisissant pas la commission du titre de séjour avant de rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par l'intéressé sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Alpes-Maritimes a entaché sa décision d'un vice de procédure.

7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

8. La saisine de la commission du titre de séjour constitue une garantie pour un étranger qui justifie d'une présence habituelle en France depuis plus de dix ans. L'absence de saisine cette commission a ainsi privé le requérant d'une garantie et a entaché d'illégalité le refus de titre de séjour.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que de la décision en litige.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

11. L'exécution du présent arrêt implique que la demande de M. A... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés aux litiges :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'AJ provisoire.

Article 2 : Le jugement du 19 mai 2021 du tribunal administratif de Nice et la décision implicite du préfet des Alpes-Maritimes refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A... sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Zouatcham et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère.

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

2

N° 21MA01954


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01954
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : ZOUATCHAM

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-29;21ma01954 ?
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