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25/03/2022 | FRANCE | N°21MA04388

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 25 mars 2022, 21MA04388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2105589 du 25 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
>Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 et 17 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2105589 du 25 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 et 17 novembre 2021, sous le n° 21MA04388, M. A..., représenté par Me Archenoul, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision portant interdiction de retour d'une durée de deux ans :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2021.

La requête a été communiquée au préfet de l'Hérault qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- et les observations de Me Archenoul représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 28 mars 1999 et de nationalité guinéenne, est entré régulièrement en France, le 19 septembre 2004, avec ses parents, son frère et ses sœurs. Il a été interpellé par les services de police le 21 octobre 2021 à Montpellier. Par arrêté du 21 octobre 2021, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement attaqué par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2021.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu protéger de l'éloignement les étrangers qui sont en France depuis l'enfance, à raison de leur âge d'entrée et d'établissement sur le territoire. D'ailleurs, cette protection, en ce qui les concerne, vaut aussi à l'égard des mesures d'expulsion en application du 1° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous réserve de comportements particulièrement graves que cet article énumère limitativement. Dans ce cadre, les éventuelles périodes d'incarcération en France, si elles ne peuvent être prises en compte dans le calcul d'une durée de résidence, ne sont pas de nature à remettre en cause la continuité de la résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de treize ans, alors même qu'elles emportent, pour une partie de la période de présence sur le territoire, une obligation de résidence, pour l'intéressé, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 28 mars 1999, est entré en France le 19 septembre 2004 à l'âge de 5 ans, accompagné de ses parents, son frère et ses sœurs. Pour établir sa résidence habituelle sur le territoire national, il produit son livret scolaire pour les années 2004/2005, un certificat du directeur de l'école primaire située sur la commune de Cenon (33150) certifiant qu'il a fréquenté régulièrement cette école du 29 août 2005 au 2 septembre 2010, un certificat de scolarité du collège de Cenon au titre des années scolaires de 2010 à 2017, son diplôme de brevet obtenu le 9 juillet 2014. Par ailleurs, M. A... est défavorablement connu des services de police pour avoir commis de nombreux faits de vols, de violences, d'extorsions, de détention non autorisée de stupéfiants, d'outrage et de destruction ou dégradation de véhicule privé, entre le 1er décembre 2014 et le 25 janvier 2019, pour lesquels il a été condamné et incarcéré, le 26 février 2019 afin de purger une peine de deux mois de prison, ainsi que le 28 février 2019, par le tribunal correctionnel de Bordeaux à une peine de dix mois d'incarcération, puis à un contrôle judiciaire, le 3 mai 2021 pour des faits de proxénétisme sur une victime mineure de 15 à 18 ans. Ces éléments constituent un faisceau d'indices suffisant permettant d'établir sa résidence habituelle en France depuis 2004. Par suite, alors que l'incarcération de M. A... ne remet pas en cause le caractère habituel de sa résidence en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête que M. A... est fondé à soutenir que s'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date du présent arrêt : " Si la décision portant l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".

7. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement, au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet compétent délivre un titre de séjour à M. A.... En revanche, l'annulation de l'obligation faite au requérant de quitter le territoire français implique nécessairement qu'il soit muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur sa situation. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault, compétent à raison du lieu de résidence de l'intéressé, de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 25 octobre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 21 octobre 2021 du préfet de l'Hérault sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Archenoul et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Perpignan.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mars 2022.

2

N° 21MA04388

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04388
Date de la décision : 25/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : ARCHENOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-25;21ma04388 ?
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