Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 27 avril 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la troisième section de l'unité de contrôle Est des Alpes-Maritimes a autorisé sa mise à la retraite.
Par un jugement n° 1802653 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 novembre 2020 et 11 novembre 2021 sous le n° 20MA04299, M. A... représenté par Me d'Ortoli, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 29 septembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 27 avril 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Les Rapides Côtes d'Azur la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'inspecteur du travail a méconnu le principe du contradictoire ;
- la consultation du comité d'entreprise est irrégulière dès lors que le mandat de ses membres a pris fin le 7 février 2018 ;
- la convocation établie le 19 janvier 2018 adressée aux membres du comité d'entreprise ne comportait pas mention du point relatif à la prorogation des mandats ;
- la SAS Les Rapides Côtes d'Azur n'a pas communiqué à l'inspecteur du travail et au comité d'entreprise l'ensemble des mandats qu'il détenait ;
- l'inspecteur du travail n'a pas mentionné, dans la décision contestée, sa qualité de membre du conseil d'administration de la Mutuelle Rapides Côte d'Azur (MRCA) ;
- le comité d'entreprise n'a pas été informé de ses conditions de mise à la retraite, en particulier, le nombre de trimestre validés suffisant pour recevoir une pension à taux plein ;
- l'inspecteur du travail a méconnu son obligation de contrôle relative au respect des conditions légales de mise à la retraite du salarié et à l'absence d'un motif d'intérêt général ;
- sa mise à la retraite est en lien avec les mandats qu'il détenait dès lors qu'il a fait l'objet d'une discrimination tout au long de sa carrière et que la demande de mise à la retraite ne vise qu'à l'évincer de ses activités syndicales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2021, la société Transdev Côte d'Azur anciennement dénommée Les Rapides Côte d'Azur, représentée par Me Sapène, conclut au rejet de la requête de M. A... et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public ;
- et les observations de Me d'Ortoli représentant M. A... et de Me Sapène représentant la société Transdev Côte d'Azur.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été engagé le 1er février 1979 en qualité de conducteur-receveur par la SA Les Rapides Côte d'Azur (RCA). Il détenait les mandats de délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise, de membre du comité d'entreprise, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ancien conseiller prud'homal et membre du conseil d'administration de la mutuelle Rapides Côte d'Azur. La société Les Rapides Côte-d'Azur a demandé, par lettre notifiée le 2 mars 2018, l'autorisation de mettre à la retraite M. A.... Cette demande a fait l'objet d'une décision d'autorisation du 27 avril 2018 par l'inspecteur du travail de la troisième section de l'unité de contrôle Est des Alpes-Maritimes. M. A... relève appel du jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 avril 2018.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail : " La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale (...) ".
3. Aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales : " (...) / II. - Le comité social et économique est mis en place au terme du mandat des délégués du personnel ou des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lors du renouvellement de l'une de ces institutions, et au plus tard le 31 décembre 2019 sous réserve des dispositions suivantes : (...) / 1° Lorsqu'a été conclu, avant la publication de la présente ordonnance, un protocole d'accord préélectoral en vue de la constitution ou du renouvellement des instances représentatives du personnel, il est procédé à l'élection de celles-ci conformément aux dispositions en vigueur avant cette publication et le comité social et économique est mis en place à compter du 1er janvier 2020 ou à une date antérieure fixée, soit par accord collectif, soit par décision de l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, le cas échéant, de la délégation unique du personnel ou de l'instance regroupée ; (...) / 3° Lorsque, en dehors du cas prévu au 1° du présent II, les mandats (...) des membres élus du comité d'entreprise, (...) arrivent à échéance entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018, leur durée peut être réduite ou prorogée au plus d'un an, soit par accord collectif, soit par décision de l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, le cas échéant, de la délégation unique du personnel ou de l'instance regroupée. (...) ".
4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Dans le cas où la demande de rupture du contrat de travail d'un salarié protégé par l'employeur est motivée par la survenance de l'âge, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de vérifier sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, que la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé et, d'autre part, que les conditions légales de mise à la retraite sont remplies. Cette rupture doit suivre la procédure prévue en cas de licenciement. Il s'ensuit que la mise à la retraite, envisagée par l'employeur au titre des dispositions, alors applicables, de l'article L. 122-14-13 du même code, désormais reprises à l'article L. 1237-5, d'un salarié élu délégué du personnel ou membre du comité d'entreprise, en qualité de titulaire ou de suppléant, est obligatoirement soumise à l'avis du comité d'entreprise prévu par les dispositions des articles L. 425 -1 et L. 436-1, alors en vigueur, du code du travail, reprises à l'article L. 2421-3. A cette fin, il appartient à l'employeur de mettre le comité d'entreprise à même d'émettre son avis, en toute connaissance de cause, sur la procédure dont fait l'objet le salarié protégé, en lui transmettant des informations précises et écrites sur les motifs de celle-ci, ainsi que le prescrivent les dispositions, alors applicables, de l'article L. 431-5, reprises à l'article L. 2323-4.
5. Il ressort des pièces du dossier que le mandat des membres du comité d'entreprise de la société RCA expirait le 7 février 2018. Lors d'une réunion de ce comité du 31 janvier 2018, le président a fait part de son souhait de prolonger les mandats et de conclure un accord collectif rapidement comme le lui suggérait M. A..., alors secrétaire du comité d'entreprise qui n'a pas souhaité que le comité se prononce sur ce point qui n'était pas à l'ordre du jour. M. A... a été convoqué à une réunion du 1er février 2018 en sa qualité de représentant du syndicat CGT seul syndicat présent au sein de la société RCA, pour lui soumettre un accord de prorogation des mandats mais ce dernier a refusé de prendre connaissance de ce document et a quitté la salle. Les membres du comité d'entreprise ont été ensuite convoqués, le 22 février 2018, à une réunion qui s'est tenue le 28 février suivant au cours de laquelle devait être examinée, selon l'ordre du jour, la décision de la direction de proroger les mandats jusqu'au 7 octobre 2018. Une lettre du 4 avril 2018 de la RCA à M. A..., en sa qualité de membre du comité d'entreprise, précise qu'au cours de cette réunion du 28 février 2018, ce dernier n'a pas souhaité que ces membres se prononcent sur ce point mais a orienté la question sur la forme suivante " consultation tardive et irrégulière " et les membres ont émis un avis favorable à l'unanimité. Par la suite, l'employeur a pris, le 1er mars 2018, une décision unilatérale portant prorogation des mandats des membres du comité d'entreprise jusqu'au 7 octobre 2018, sur le fondement de l'article 9 de l'ordonnance du 22 septembre 2017 mentionné au point 3. Cependant, le comité d'entreprise a été convoqué et consulté sur le projet de mise à la retraite de M. A... le 16 février 2018, date à laquelle les mandats des membres du comité d'entreprise étaient parvenus à expiration et n'avait fait l'objet d'aucune prorogation expresse. Par ailleurs, ces mandats n'ont pu être prorogés par la décision unilatérale précitée intervenue postérieurement au 7 février 2018 dès lors que cette décision est dépourvue d'effet rétroactif. La société Transdev Côte d'Azur fait valoir que M. A... a sciemment tout mis en œuvre pour retarder la prorogation des mandats dans son unique intérêt personnel et que la consultation du comité d'entreprise portant sur la prorogation des mandats n'a pu être faite que lors de la réunion du 28 février 2018. Toutefois, elle ne peut utilement se prévaloir de cette impossibilité dès lors qu'elle a procédé à la consultation d'un comité d'entreprise irrégulièrement composé du fait de l'expiration du mandat de ses membres. Par suite, la décision contestée est entachée d'illégalité.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 avril 2018.
Sur les frais liés au litige :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Transdev Côte d'Azur demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 septembre 2020 et la décision du 27 avril 2018 de l'inspecteur du travail sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la société Transdev Côte d'Azur et de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la SASU Transdev Côte d'Azur et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mars 2022.
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N° 20MA04299
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