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25/03/2022 | FRANCE | N°20MA00293

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 25 mars 2022, 20MA00293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Altea a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'ordre de versement d'un montant de 37 814 euros émis le 17 octobre 2017 par le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes concernant le paiement de la redevance exigible en contrepartie de l'occupation sans titre d'une dépendance du domaine public maritime du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1705453 du 29 novembre 2019, le tribunal administratif d

e Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Altea a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'ordre de versement d'un montant de 37 814 euros émis le 17 octobre 2017 par le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes concernant le paiement de la redevance exigible en contrepartie de l'occupation sans titre d'une dépendance du domaine public maritime du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1705453 du 29 novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2020 sous le n° 20MA00293, la société Altea, représentée par Me Vecchioni, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 29 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'ordre de reversement du 17 octobre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la convention d'occupation précaire est opposable ;

- la redevance en litige aurait dû être adressée au Club de la Mer qui a la propriété commerciale exclusive des locaux ;

- elle n'est pas exigible dès lors que l'Etat a toléré l'occupation du domaine public par le Club de la Mer ;

- elle est manifestement disproportionnée et ne concerne qu'une surface de 270,85 m² ;

- étant associée au travail du Club de la Mer qui répond aux critères d'une association à but non lucratif, elle aurait dû être exonérée du paiement de la redevance en application de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de la société Altea.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Altea ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 79-518 du 29 juin 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association " Club de la Mer Villefranche " bénéficiait d'une concession pour l'occupation d'un bâtiment implanté sur le domaine public maritime situé sur le port de la Darse de la commune de Villefranche-sur-Mer dont le renouvellement a été suspendu à compter du 20 avril 2007. Cette association a conclu, le 12 avril 2012, une " convention d'occupation précaire " avec la SARL Altea, pour ce qui concerne la salle de restaurant du premier étage du bâtiment avec ses annexes, notamment la cuisine et la terrasse, ainsi que deux pièces de stockage au rez-de-chaussée, en mentionnant en préambule que la concession dont était titulaire l'association était parvenue à expiration sans être renouvelée. Par un procès-verbal du 7 avril 2017, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Alpes-Maritimes a constaté l'occupation sans droit ni titre par la société Altea du domaine public maritime pour une surface de 335 m². Le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a émis le 17 octobre 2017 à l'encontre de la SARL Altea un ordre de versement d'un montant de 37 814 euros correspondant à une redevance d'occupation sans titre d'une dépendance du domaine public maritime constituée des locaux situés au premier étage du bâtiment dénommé " Club House " pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016. La société Altea relève appel du jugement du 29 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordre de reversement du 17 octobre 2017. Elle doit être regardée comme demandant à être déchargée de l'obligation de payer la somme mise à sa charge par cet ordre de reversement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) / En outre, l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d'un intérêt général. (...) ". Selon l'article L. 2125-3 du code précité : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. ".

3. Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public. Eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence de relations contractuelles en autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. En conséquence, une convention d'occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit.

4. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 1, que l'association " Club de la Mer Villefranche " a conclu, le 12 avril 2012, une " convention d'occupation précaire " avec la société Altea pour ce qui concerne la salle de restaurant du premier étage du bâtiment avec ses annexes, notamment la cuisine et la terrasse, ainsi que deux pièces de stockage au rez-de-chaussée, cette convention mentionnant, en préambule, que la concession dont était titulaire l'association était parvenue à expiration sans être renouvelée. Cette association qui bénéficiait d'une convention sur le fondement du décret du 29 juin 1979 ayant expiré le 31 décembre 1983 se trouvait ainsi depuis cette date sans titre pour occuper le domaine public maritime. La société Altea qui ne conteste pas avoir occupé partiellement le bâtiment appartenant à l'association " Club de la Mer Villefranche " lequel se trouve sur le domaine public maritime ne peut utilement se prévaloir de la " convention d'occupation précaire " précitée qui ne pouvait légalement l'autoriser à occuper le domaine public maritime. Les circonstances que l'association " Club de la Mer Villefranche " soit le propriétaire exclusif des locaux et les occupait bien avant 2013 sont sans incidence. Il en va de même du fait que cette association aurait bénéficié de la tolérance de l'administration évoquée par un courrier du préfet des Alpes-Maritimes du 23 août 2013 et alors même que l'expulsion prévue par la mise en demeure du 12 avril 2013 n'aurait jamais été mise en œuvre. Par suite, le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a pu légalement mettre à la charge de la société Altea le paiement d'une redevance pour l'occupation sans titre du domaine public maritime. Le moyen tiré de l'inexigibilité de la créance en raison de la tolérance de l'administration doit être écarté pour les mêmes motifs.

5. Le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à l'occupant qui utilise de manière irrégulière le domaine une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public. La circonstance que l'occupation en cause serait irrégulière soit du fait qu'elle serait interdite, soit du fait que l'utilisation constatée de celui-ci contreviendrait aux termes de l'autorisation délivrée, n'empêche pas le gestionnaire du domaine de fixer le montant de l'indemnité due par l'occupant irrégulier par référence au montant de la redevance exigible, selon le cas, pour un emplacement similaire ou pour une utilisation procurant des avantages similaires.

6. Il résulte de l'instruction que l'ordre de reversement contesté met à la charge de la société Altea la somme de 37 814 euros au titre des redevances dues pour les années 2013 à 2016, en raison de l'occupation sur le domaine public maritime d'une superficie totale de 335 m², correspondant à une part fixe calculée par application d'un tarif par m² occupé à la surface totale et d'une part variable correspondant à une quote-part du chiffre d'affaires réalisé l'année précédant l'année du titre. Il résulte du constat établi le 7 avril 2017 par l'agent assermenté de la DDTM des Alpes-Maritimes que la société Altea occupait, sur le domaine public maritime, une superficie totale de 335 m² comprenant un bâtiment dénommé " Club house " à deux niveaux de 19,40 m de longueur et de 13,90 m de largeur dont il ne sera retenu que l'étage supérieur soit une surface de 269,66 m² et une terrasse de 10 m de longueur et de 6,50 m de largeur, soit une surface de 65 m². Si la société appelante soutient qu'elle n'occupe que 270,85 m² du bâtiment, elle ne l'établit pas en produisant deux arrêtés n° 18/77 VD du 29 novembre 2018 et n° 19/23 VD du 21 mars 2019 portant prolongation de l'autorisation d'occupation temporaire pour une surface totale de 270,85 m² dès lors que ces arrêtés qui concernent une occupation du rez-de-chaussée, du rez-de-jardin et de la terrasse du bâtiment ne prennent pas en compte celle de l'étage supérieur relevé par le constat du 7 avril 2017 dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire. Quant au plan du niveau 1 du bâtiment établi le 23 avril 2018 par le département des Alpes-Maritimes, il ne donne aucune précision sur les locaux occupés par la société Altea et n'est ainsi pas de nature à remettre en cause le constat précité. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la redevance en litige serait entachée d'une disproportion manifeste et d'une erreur de fait.

7. La SARL Altea ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques mentionnées au point 2 en vertu desquelles l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d'un intérêt général dès lors qu'elle est une société exerçant une activité de commerce de restauration-bar qui lui procure des avantages au sens des dispositions de l'article L. 2125-3 du même code. La circonstance qu'elle serait associée au travail de l'association " Club de la Mer Villefranche " est sans incidence sur la légalité de l'ordre de reversement contesté alors même que cette association répondrait aux critères d'une association à but non lucratif et à ceux établis par l'instruction fiscale du 15 septembre 1998.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Altea n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordre de reversement du 17 octobre 2017.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Altea au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Altea est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Altea et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mars 2022.

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N° 20MA00293

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00293
Date de la décision : 25/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. - Domaine public. - Régime. - Occupation. - Utilisations privatives du domaine. - Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : VECCHIONI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-25;20ma00293 ?
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