La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2022 | FRANCE | N°21MA02785

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 mars 2022, 21MA02785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2100411 du 25 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant

la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juillet 2021 et le 24 février 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2100411 du 25 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juillet 2021 et le 24 février 2022, M. A..., représenté par Me Moulin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier du 25 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 11 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a pris l'arrêté sans respecter son droit d'être entendu ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait quant à l'existence d'une demande de réexamen de la demande d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions en litige sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur de fait ;

- en fixant la Mauritanie comme pays de destination, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision prononçant l'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- la décision prononçant l'interdiction de retour a été prise en méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 janvier 2021, le préfet de l'Hérault a obligé M. A..., ressortissant mauritanien né en 1995, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de six mois. M. A... relève appel du jugement du 25 mars 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du préfet de l'Hérault.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Au point 8 de son jugement, le premier juge a suffisamment précisé les motifs pour lesquels il a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soulevé par M. A... en relevant notamment que les pièces produites, qui font état de certaines lacunes du système médical mauritanien, ne suffisent pas à démontrer l'indisponibilité d'une prise en charge psychiatrique de l'intéressé dans son pays d'origine. Le premier juge, qui n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments présentés, a ainsi suffisamment motivé son jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, si l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse, non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Toutefois, M. A... a été mis à même, dans le cadre de sa demande d'asile, de porter à la connaissance de l'administration, et des instances chargées de l'examen de cette demande, l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont il souhaitait se prévaloir, et notamment celles relatives à son état de santé, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) n° 20005478 du 11 mars 2020, qui mentionne la prise en charge psychiatrique dont il a bénéficié et les troubles psychologiques dont il souffre. Par ailleurs, alors que M. A... n'allègue ni ne démontre avoir tenté de déposer une demande d'admission au séjour préalablement à l'arrêté en litige, il n'est pas établi qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance des services de la préfecture des informations utiles avant que ne soit pris à son encontre cet arrêté, alors qu'il ne pouvait pas ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. L'arrêté attaqué, après avoir visé notamment l'article L. 511-1-I-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, énonce que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 décembre 2019, que cette décision a été confirmée par une ordonnance de la CNDA du 11 mars 2020, notifiée le 14 mai 2020, rejetant le recours pour irrecevabilité au motif d'absence d'éléments sérieux, que sa deuxième demande auprès de la CNDA a été rejetée pour irrecevabilité par une ordonnance du 16 juin 2020 notifiée le 23 juin 2020, et qu'ainsi, conformément à l'article L. 743-1 du code, il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire. Il indique également que les conséquences d'une obligation de quitter le territoire à son encontre ne paraissent pas disproportionnées par rapport au droit au respect de sa vie privée et familiale dont il pourrait se prévaloir. Ainsi, cet arrêté, contrairement à ce qui est soutenu, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français.

6. En troisième lieu, il ressort de l'ordonnance de la CNDA du 16 juin 2020 que la demande de recours présentée pour M. A... a été rejetée pour irrecevabilité manifeste, au motif, notamment, que la Cour, par une ordonnance du 11 mars 2020, avait rejeté un précédent recours de l'intéressé dirigé contre la décision de l'OFPRA du 31 décembre 2019 et qu'aucune nouvelle décision de cet Office n'était intervenue à la date à laquelle le recours avait été formé. Par suite, le préfet, en se fondant sur la circonstance qu'une deuxième demande de M. A... auprès de la CNDA a été rejetée pour irrecevabilité, n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

8. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une pathologie psychiatrique nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, les certificats médicaux et attestations produits, qui reprennent les déclarations de l'intéressé, ne permettent pas de tenir pour établi le fait que ses troubles psychiatriques auraient pour origine des évènements traumatisants vécus dans son pays d'origine. Par ailleurs, les pièces qu'il verse aux débats, constituées de certificats médicaux insuffisamment circonstanciés quant à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Mauritanie, ainsi que des documents d'information générale relatifs au système sanitaire du pays ne permettent pas, à eux seuls, de démontrer qu'il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. A... doit être écarté.

9. En cinquième lieu, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une erreur de fait et aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont assortis d'aucune précision permettant à la Cour de statuer sur leur bien-fondé.

10. En sixième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / le prononcé et la durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

11. L'arrêté attaqué, qui vise notamment le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que la situation personnelle de M. A... a fait l'objet d'un examen au regard de ces dispositions, indique notamment que l'intéressé est arrivé en France le 20 août 2018, qu'il se maintient de manière irrégulière sur le territoire depuis la notification de la dernière décision de la CNDA, que ses liens familiaux en France ne sont pas établis et qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Il ajoute que l'intéressé a fait l'objet d'une mesure de transfert et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public. La décision contestée comporte ainsi un énoncé suffisant des considérations de droit et fait qui la fondent, au regard notamment des critères énoncés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France récemment, est célibataire et sans charge de famille en France, et qu'il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu'il ne démontre pas l'impossibilité de bénéficier d'un traitement médical approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, eu égard à la durée de présence de M. A... sur le territoire français et aux conditions de son séjour en France, le préfet de l'Hérault a pu légalement assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de l'intéressé d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, tout ou partie de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Moulin et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.

2

N° 21MA02785

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02785
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-17;21ma02785 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award