Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... dit Chaïeb a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet du Gard sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée le 3 avril 2018, et, d'autre part, l'arrêté du 21 octobre 2020 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1902671, 2003556 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 mars 2021 et le 24 novembre 2021, M. A... dit Chaïeb, représenté par Me Deixonne, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 janvier 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 21 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- en lui refusant l'admission au séjour, le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors que la décision de refus de titre de séjour est illégale ;
- le préfet ne pouvait légalement décider de l'obliger à quitter le territoire français, dès lors qu'il devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2021, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... dit Chaïeb ne sont pas fondés.
Par décision du 9 juillet 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... dit Chaïeb.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... dit Chaïeb, ressortissant marocain né en 1963, a présenté le 3 avril 2018 une demande de carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 21 octobre 2020, le préfet du Gard a opposé un refus exprès à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... dit Chaïeb relève appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 janvier 2021 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du préfet du Gard du 21 octobre 2020.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".
3. Si M. A... dit Chaïeb soutient avoir résidé de façon continue sur le territoire français depuis 2003, les documents qu'il verse au dossier sont insuffisamment probants et diversifiés pour établir la réalité de cette allégation. Plus particulièrement, pour les années 2011 à 2015, l'intéressé produit pour l'essentiel des bulletins de paye ainsi que des déclarations d'embauche ne couvrant que très partiellement les années considérées, des lettres adressées chez des tiers, des factures relatives à un logement appartenant aux personnes qui l'hébergent et des attestations rédigées dans le cadre de l'instance. En outre, si l'intéressé, qui est divorcé et sans charges de famille en France, fait valoir que ses frères résident en France, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante ans et où résident ses deux enfants, nés en 1993 et 2000, la circonstance que ces derniers seraient mariés étant sans incidence à cet égard. Enfin, s'il a travaillé en France de façon saisonnière et a bénéficié d'une promesse d'embauche, il ne justifie pas d'une insertion socio-professionnelle à la date de l'arrêté en litige. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et alors que M. A... dit Chaïeb a d'ailleurs fait l'objet de trois précédents refus de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code, alors en vigueur : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il suit de ce qui a été dit au point précédent que M. A... dit Chaïeb n'est pas en situation de bénéficier de plein droit d'une carte de séjour sur le fondement de cet article. Par ailleurs, si le deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, disposait que " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ", il résulte également de ce qui a été dit au point précédent que le requérant ne remplit pas cette condition. Par suite, M. A... dit Chaïeb ne peut valablement soutenir que le préfet du Gard aurait dû consulter la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
6. Les conditions du séjour en France de l'appelant, telles qu'analysées au point 3, ne font pas apparaître de circonstance exceptionnelle ou de motif humanitaire justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... dit Chaïeb au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le préfet du Gard, en prenant la décision contestée, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
7. En quatrième et dernier lieu, il suit de ce qui a été dit précédemment que M. A... dit Chaïeb n'est fondé ni à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, ni à soutenir que le préfet ne pouvait légalement décider de l'obliger à quitter le territoire français au motif qu'il aurait dû se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... dit Chaïeb n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gard du 21 octobre 2020. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent par voie de conséquence être rejetées. Il en va de même, en tout état de cause, de ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1 : La requête de M. A... dit Chaïeb est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... dit Chaïeb, à Me Deixonne et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Bernabeu, présidente assesseure,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.
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N° 21MA01168
nc