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17/03/2022 | FRANCE | N°21MA00534

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 mars 2022, 21MA00534


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Cave de l'Ormarine a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015, 2016 et 2017 dans les rôles de la commune de Pinet (Hérault).

Par un jugement n° 1900890 du 14 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

ête et des mémoires, enregistrés le 8 février 2021, le 12 juillet 2021 et le 14 février 2022, la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Cave de l'Ormarine a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015, 2016 et 2017 dans les rôles de la commune de Pinet (Hérault).

Par un jugement n° 1900890 du 14 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 février 2021, le 12 juillet 2021 et le 14 février 2022, la SAS Cave de l'Ormarine, représentée par Me Vallat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 décembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a dénaturé les faits, commis une erreur de droit et insuffisamment motivé son jugement ;

- pour le calcul de la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises, l'administration a appliqué à tort les dispositions de l'article 1499 du code général des impôts relatives aux établissements industriels ;

- son établissement ne présente pas un caractère industriel dès lors que son activité se situe dans le prolongement de l'activité agricole de la société coopérative agricole (SCA) Cave de l'Ormarine, société pour le compte de laquelle elle réalise une activité d'embouteillage, d'entreposage et de commercialisation du vin ;

- l'article 115 de la loi de finances pour 2022 maintient le bénéfice de l'exonération de taxes foncières en faveur des sociétés coopératives agricoles qui mettent les locaux et moyens techniques à disposition de tiers dans certaines conditions ;

- le caractère industriel lié à l'activité d'embouteillage n'est pas retenu par la doctrine administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 juin 2021 et le 27 juillet 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire, présenté pour la SAS Cave de l'Ormarine a été enregistré le 1er mars 2022 à 16h32, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, intervenue trois jours francs avant la date de l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du même code.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la SAS Cave de l'Ormarine, enregistrée le 4 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Cave de l'Ormarine, dont le capital est détenu à 99 % par la société coopérative agricole (SCA) Cave de l'Ormarine, réalise une activité d'embouteillage et de conditionnement du vin, produit par la coopérative, au sein de deux établissements dont elle est locataire en vertu d'un bail commercial conclu avec sa société mère. La SAS Cave de l'Ormarine s'est vu réclamer des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2014, 2015, 2016 et 2017. Elle relève appel du jugement du 14 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande regardée comme tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a ainsi été assujettie.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la SAS Cave de l'Ormarine, a suffisamment explicité les motifs pour lesquels il considérait que l'activité de conditionnement et d'embouteillage du vin qu'elle exerce revêtait un caractère industriel au point 5 de son jugement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

3. D'autre part, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SAS Cave de l'Ormarine ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, de la dénaturation des faits et de l'erreur de droit que les premiers juges auraient commises.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) ". Aux termes de l'article 1380 du même code : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Le 6° de l'article 1382 du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, dispose que sont exonérés de taxe foncière : " a. Les bâtiments qui servent aux exploitations rurales tels que granges, écuries, greniers, caves, celliers, pressoirs et autres, destinés, soit à loger les bestiaux des fermes et métairies ainsi que le gardien de ces bestiaux, soit à serrer les récoltes. (...) / b) Dans les mêmes conditions qu'au premier alinéa du a, les bâtiments affectés à un usage agricole par les sociétés coopératives agricoles (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'exonération qu'elles prévoient s'applique aux bâtiments affectés à un usage agricole, servant ainsi à l'exercice d'opérations qui s'insèrent dans le cycle biologique de la production agricole ou de l'élevage, ou qui constituent le prolongement d'une activité agricole ou d'élevage. En outre, en faisant expressément référence aux conditions de l'exonération de taxe foncière prévue au a) du 6° de l'article 1382 du code général des impôts, les dispositions du b) du même article ont entendu donner à la notion d'usage agricole qu'elles mentionnent une signification visant les opérations qui sont réalisées habituellement par les agriculteurs eux-mêmes et qui ne présentent pas un caractère industriel.

5. Il résulte de l'instruction que la SCA Cave de l'Ormarine a donné en location à la SAS Cave de l'Ormarine, en vertu d'un bail commercial signé le 1er septembre 1995, des bâtiments d'une surface de 2 200 m², dont elle est propriétaire. La SAS Cave de l'Ormarine exerce dans ces bâtiments une activité ne comprenant ni la culture de la vigne ni l'exploitation d'un domaine viticole mais seulement le conditionnement, l'embouteillage, le stockage et la commercialisation du vin. Ces opérations ne sauraient être regardées comme s'insérant dans le cycle biologique du raisin et ne présentent donc pas un caractère agricole. Par ailleurs, les opérations de conditionnement et d'embouteillage ne sont pas réalisées par la société coopérative pour le compte de ses adhérents coopérateurs mais par la SAS Cave de l'Ormarine, qui constitue une entité juridique à forme commerciale distincte de la société coopérative Cave de L'Ormarine, dans les locaux loués auprès de cette dernière. Dans ces conditions, alors au demeurant qu'il ne résulte pas de l'instruction que serait traité exclusivement le vin des adhérents coopérateurs, l'activité de la société requérante ne peut être regardée comme étant le prolongement d'une activité agricole qu'elle exercerait par ailleurs. Ainsi, dès lors que les locaux en litige ne peuvent être regardés ni comme directement affectés aux exploitations rurales, ni comme affectés à un usage agricole, la SAS Cave de l'Ormarine ne peut prétendre à l'exonération prévue au 6° de l'article 1382 du code général des impôts. Par ailleurs, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du 6° de l'article 1382 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 soit postérieure aux années d'imposition en litige.

6. Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. / Avant application éventuelle de ces coefficients, le prix de revient des sols et terrains est majoré de 3 % pour chaque année écoulée depuis l'entrée du bien dans le patrimoine du propriétaire (...) ". Pour l'application de ces dispositions, revêtent un caractère industriel les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste en la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

7. La SAS Cave de l'Ormarine réalise une activité d'embouteillage, de conditionnement et de stockage du vin. Il résulte de l'instruction que cette activité est réalisée dans les locaux comprenant un hall d'embouteillage et des aires de stockage d'une surface de 2 200 m². Le vin, transporté par l'intermédiaire d'électrovannes et de cuves, est mis en bouteille au moyen d'une chaîne d'embouteillage, comptabilisée à l'actif pour une valeur de 511 925,78 euros. L'ensemble est automatisé par un système de circulation automatique grâce à un convoyeur permettant une cadence moyenne de 4 000 bouteilles par heure. Les aires de stockage sont équipées de rayonnages adaptés au dépôt de palettes d'une capacité maximale de 1 200 palettes. Ainsi, le rôle prépondérant des matériels utilisés dans le processus d'exploitation confère à l'établissement en litige un caractère industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les immobilisations en litige revêtaient un caractère industriel et a retenu la méthode d'évaluation comptable définie par ces dispositions.

8. Enfin, à supposer que la société requérante ait entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée BOI-IF-TFB-10-50-20-10 du 12 septembre 2012, cette doctrine ne comporte pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

9. Il résulte de tout ce qui précède, que la SAS Cave de l'Ormarine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Cave de l'Ormarine est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Cave de l'Ormarine et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.

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N° 21MA00534

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00534
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Questions communes - Valeur locative des biens.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : VALLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-17;21ma00534 ?
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