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15/03/2022 | FRANCE | N°21MA04429

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 mars 2022, 21MA04429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 avril 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois.

Par le jugement n° 2102195 du 24 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa

demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 avril 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois.

Par le jugement n° 2102195 du 24 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2021, Mme C..., représentée par Me Moulin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 juin 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 avril 2021 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Héraut, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention "vie privée et familiale" ou une autorisation provisoire de séjour "parent d'enfant malade", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 8 jours à compter de cette notification, à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner par avant dire droit une expertise pour déterminer les conséquences de l'arrêt du traitement médical suivi par elle et son enfant ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 440 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur ses moyens tirés du vice de procédure et du défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- sur l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation ;

- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur les nouveaux éléments médicaux qu'elle avait transmis au préfet ;

- le rapport médical élaboré par le médecin de l'Office est incomplet au regard des exigences de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 et vicie l'avis du collège des médecins de l'Office ;

- elle ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application du 10° de l'article L 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle remplissait les conditions pour se voir attribuer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou une autorisation provisoire de séjour en qualité de "parent étranger d'enfant malade" sur le fondement de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît aussi l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant;

- sur la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sur l'interdiction de retour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- - elle méconnaît l'alinéa 4 de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 23 décembre 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er octobre 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 août 2021 M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Carassic a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré a été enregistrée le 1er mars 2022 pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Par l'arrêté en litige du 2 avril 2021, le préfet de l'Hérault, après le rejet de la demande d'asile de la requérante par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 avril 2019 confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 8 mars 2021, a fait obligation à Mme C..., de nationalité ukrainienne, de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois. Par le jugement dont Mme C... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Il ressort des nombreuses pièces médicales produites par la requérante et notamment des attestations des 30 juin 2020 et 15 décembre 2020 d'un neuropédiatre de la clinique Saint- Jean de Montpellier que la seconde fille A... la requérante, Nikol C..., née le 7 mai 2017, arrivée d'Ukraine en décembre 2018 accompagnée par sa mère et sa sœur aînée, souffre d'un polyhandicap d'origine malformative à caractère permanent et qu'elle a été hospitalisée dès son arrivée en France dans le service de neuropédiatrie du centre hospitalier universitaire de Montpellier pour de graves crises d'épilepsie, qui ont évolué vers une tétraparésie hypotonique avec non-acquisition de la tenue assise et de la station debout, associée à un important retard d'éveil. Elle est suivie très régulièrement en consultation dans ce service spécialisé. Sa prise en charge médicale se compose notamment, outre un traitement anti-épileptique médicamenteux très précis et régulièrement modifié pour s'adapter à son évolution, d'une séance de psychomotricité hebdomadaire au centre hospitalier universitaire Saint-Eloi, d'un appareillage par verticalisateur et des essais d'adaptation à d'autres systèmes de verticalisation active et d'une intégration en crèche deux jours par semaine avec l'assistance d'une tierce personne et l'aide active de sa mère. Le médecin spécialiste affirme qu'un dossier est en cours d'instruction par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et préconise une prise en charge médico-éducative dans un établissement spécialisé pour enfants polyhandicapés pour permettre notamment des activités d'éveil adaptées à son handicap. Il précise que l'interruption de cette prise en charge représenterait une perte de chance pour l'enfant d'améliorer son développement et sa qualité de vie. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle en lui faisant obligation de quitter le territoire français et à demander pour ce motif l'annulation de la décision en litige.

3. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin ni de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ni d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Elle est, dès lors, fondée à demander tant l'annulation de ce jugement que de l'arrêté en litige du 2 avril 2021 du préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, les décisions lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français sont dépourvues de base légale et doivent, dès lors, être aussi annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

5. Le présent arrêt, qui annule l'obligation de quitter le territoire français du 2 avril 2021 du préfet de l'Hérault et les décisions subséquentes, n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour portant "vie privée et familiale" à la requérante, qui n'a pas demandé ce titre de séjour, mais implique nécessairement que le préfet réexamine sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de statuer à nouveau sur sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Moulin, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1440 euros au titre de l'instance engagée.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 24 juin 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 2 avril 2021 du préfet de l'Hérault est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de Mme C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Moulin la somme de 1440 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Moulin.

Copie pour information sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près du tribunal judiciaire de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 15 mars 2022.

2

N° 21MA04429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04429
Date de la décision : 15/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-15;21ma04429 ?
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