Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... F... et Mme C... D... épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 10 juin 2020 par lesquels la préfète de l'Aude leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement nos 2002545, 2002546 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2021, M. et Mme F..., représentés par Me Bidois, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler les arrêtés du 10 juin 2020 de la préfète de l'Aude ;
3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète de l'Aude de procéder au réexamen de leur demande, sans délai à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire droit afin de déterminer si les soins imposés par l'état de santé de Mme F... peuvent être dispensés en Algérie sans conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si elle pourra y bénéficier du traitement médical qui lui est prescrit actuellement ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés attaqués ont été pris par une autorité incompétente, dans la mesure où la délégation de signature concernée revêt un caractère trop général ;
- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure, en l'absence de respect de la procédure contradictoire prévue aux articles L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elles sont entachées d'un défaut d'examen réel et sérieux de leur situation personnelle, révélé par l'absence de réponse à leur demande de titre de séjour ;
- elles sont entachées de détournement de procédure et d'une erreur de droit, et méconnaissent les articles 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2021, la préfète de l'Aude conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
La demande d'aide juridictionnelle de M. F... a été rejetée par une décision du 27 novembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 août 2021 M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Portail a été entendu au cours de l'audience publique.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F..., de nationalité algérienne, sont entrés en France le 2 octobre 2018. Le 3 octobre 2019, ils ont chacun sollicité de la préfète de l'Aude un titre de séjour en leur qualité d'étrangers malades. Par deux arrêtés du 10 juin 2020, la préfète les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 6 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande dirigée contre les arrêtés du 10 juin 2020 de la préfète de l'Aude.
2. Les arrêtés attaqués, comme l'indique leur intitulé, portent " refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ". Ils visent le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionnent les demandes de titre de séjour présentées par les requérants le 3 octobre 2019. Il en résulte que, même si les dispositifs des actes ne mentionnent pas de refus de séjour, la préfète doit être regardée comme ayant pris des mesures d'éloignement assortissant des refus de titre de séjour.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 14 octobre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 15 octobre 2019, la préfète de l'Aude a donné délégation à M. Claude Vo-Dinh, secrétaire général de la préfecture de l'Aude et signataire des arrêtés contestés, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Aude, à l'exclusion de certains actes, au nombre desquels ne figurent pas ceux pris en matière de police des étrangers. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette délégation de signature n'est ni trop générale ni trop imprécise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " I- L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 (...) et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 (...) peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) ".
5. D'une part, la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable aux décisions statuant sur une demande. Ainsi, les requérants ne peuvent utilement les invoquer à l'encontre des décisions rejetant leur demande de titre de séjour pour soutenir qu'elles seraient irrégulières fautes d'avoir été précédées d'une procédure contradictoire. D'autre part, il ressort des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 de ce même code, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, quel que soit le type de décision dont cette obligation de quitter le territoire français découle.
6. De plus, si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
7. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
8. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
9. En troisième lieu, les décisions contestées comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent, et visent notamment l'article L. 511-1-I-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, retracent le parcours de M. et Mme F... en France, rappellent leurs conditions de séjour sur le territoire français et leur situation privée et familiale, et relèvent qu'ils ne sont pas dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine. La seule circonstance que les dispositifs des décisions, ainsi qu'il a été dit au point 2, ne mentionnent pas le refus de séjour, ne saurait suffire à caractériser un défaut d'examen réel et sérieux de leurs situations personnelles. Ce moyen doit donc être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
11. Il appartient au juge, pour contrôler si l'administration a correctement apprécié les possibilités d'accès effectif aux soins en Algérie, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments du dossier. Lorsque le collège des médecins de l'OFII a estimé que les soins nécessaires étaient disponibles dans ce pays, il appartient à l'étranger d'apporter tous éléments de nature à infirmer cette affirmation.
12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le refus de séjour opposé à M. F... a été pris au vu de l'avis émis le 2 mars 2020 par le collège des médecins de l'OFII, selon lequel l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'il peut voyager sans risques vers son pays d'origine. S'il ressort du certificat médical du 26 novembre 2019, établi par le Docteur A..., que M. F... souffre d'un syndrome anxio-dépressif, ce seul document n'est pas de nature à remettre en cause valablement l'avis précité, concernant l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de traitement. Il s'ensuit que M. F... ne peut utilement se prévaloir de l'absence de traitement approprié effectif dans son pays d'origine. Ainsi, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, la préfète de l'Aude n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 6-7) de l'accord franco-algérien.
13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme F... souffre de diabète de type II, de ménométrorragies, de fibromyalgie et d'un syndrome anxio-dépressif. Selon l'avis émis le 17 février 2020 par le collège des médecins de l'OFII, son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais il existe un traitement approprié dans son pays d'origine. L'attestation de la pharmacie algérienne Bouadda, non datée, qui se borne à indiquer que le médicament Victoza n'est ni conventionné ni vendu en officine en Algérie, sans indiquer si un autre médicament pouvant le remplacer est disponible, et alors même que Mme F... prend plusieurs autres médicaments, ne remet pas en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII sur l'existence d'un traitement approprié en Algérie. Par suite, la préfète de l'Aude n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 6-7) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié en refusant de délivrer à Mme F... un titre de séjour pour raison de santé.
14. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. et Mme F... résidaient sur le territoire français depuis moins de deux ans. La seule circonstance que les deux frères de M. F... soient français ne saurait suffire à considérer que les requérants ont placé en France le centre de leurs intérêts privés et familiaux. De plus, M. et Mme F... n'établissent pas être dépourvus de toute attache dans leur pays d'origine, dans lequel ils ont vécu au moins jusqu'aux âges respectifs de cinquante-cinq et cinquante-et-un ans. Dans ces conditions, les décisions attaquées ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur les situations personnelles de M. et Mme F....
15. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale avant dire droit, que M. et Mme F... ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du 6 octobre 2020 du tribunal administratif de Montpellier et des arrêtés du 10 juin 2020 de la préfète de l'Aude. Leurs conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., Mme C... D... épouse F..., à Me Bidois et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, où siégeaient :
- M. E... Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.
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N° 21MA00099