Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 9 octobre 2017 par laquelle le maire de la commune de Tresserre a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Par un jugement n° 1705722 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me Benhamou-Barrere, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du 9 octobre 2017 du maire de la commune de Tresserre ;
3°) d'enjoindre au maire de Tresserre de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Tresserre la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et subsidiairement, de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision en litige, prise en considération de sa personne, faisait obligation au maire de la mettre en mesure de consulter son dossier ou de présenter ses observations avant sa prise de décision, en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et du principe général des droits de la défense ;
- le maire n'a pas demandé l'autorisation du conseil municipal avant de prendre la décision en litige ;
- le refus de protection fonctionnelle méconnaît l'article 11 de la loi n° 83-637 du 13 juillet 1983 et son droit à un procès équitable reconnu par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de cette loi ;
- le présent arrêt implique nécessairement que le maire lui octroie le bénéfice de cette protection.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2021, la commune de Tressere, représentée par la SCP d'avocats HG et C, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative faute de comporter une critique du jugement ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le rapport de Mme Carassic et les conclusions de M. Roux ont été entendus au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., rédacteur principal de 1ère classe, recrutée au sein de la commune de Tresserre en qualité de secrétaire générale de mairie à compter du 1er janvier 2008, a demandé en 2017 sa mutation auprès d'une autre commune du département des Pyrénées-Orientales. S'estimant victime de faits de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, elle a demandé au maire le bénéfice de la protection fonctionnelle. Elle a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à l'annulation de la décision en litige du 9 octobre 2017 par laquelle le maire de Tresserre a rejeté sa demande de protection fonctionnelle. Par le jugement dont la requérante relève appel, les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905, du droit à un procès équitable au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe général des droits de la défense ne comporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Montpellier par Mme A.... Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'un vice de procédure par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " . Aux termes du IV de l'article 11 de cette loi dans sa rédaction applicable en l'espèce: " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ". Des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre, à l'agent public qui en est l'objet, d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont les fonctionnaires pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions.
4. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration à laquelle il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. Une souffrance psychologique liée à des difficultés professionnelles ne saurait caractériser à elle seule un harcèlement moral, lequel se définit également par l'existence d'agissements répétés de harcèlement ainsi que d'un lien entre ces souffrances et ces agissements. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Pour établir qu'elle subirait depuis sa prise de fonctions de la part du maire de la commune, élu en mars 2008, des propos humiliants et dégradants, la requérante invoque ses propres dires dans le procès-verbal de son audition dans le cadre de la plainte qu'elle a déposée le 4 octobre 2017 auprès de la gendarmerie de Thuir à l'encontre du maire pour propos calomnieux et diffamatoires et discrimination. Toutefois, le procureur de la République du tribunal de grande instance de Perpignan a classé sans suite cette plainte le 27 mars 2018 au motif que l'infraction n'était pas suffisamment caractérisée. La requérante n'apporte aucun élément pour étayer ses allégations. Si la requérante invoque une souffrance psychologique liée à des difficultés professionnelles rencontrées avec le maire et produit en ce sens les certificats médicaux datés des 3 et 21 novembre 2017 qui attestent d'un syndrome anxio-dépressif mais qui se contentent de rapporter les dires de la requérante quant à l'origine de ce syndrome dû selon elle à un " contexte professionnel ", cette souffrance ne saurait caractériser à elle seule un harcèlement moral. Par courrier du 8 août 2017, le maire a accédé à la demande de son agent et l'a autorisée à prendre le solde de ses congés annuels, soit treize jours, en incluant, au lieu de les reporter, ces congés dans le délai de préavis de trois mois pour quitter son poste à la mairie de Tresserre, permettant ainsi à la requérante de rejoindre plus tôt son nouveau poste ainsi qu'elle le souhaitait. Si le maire a réduit du 11 septembre au 29 septembre 2017, soit pendant la période de prolongement de son congé maladie ordinaire, le champ de compétences des délégations de signature dont Mme A... bénéficiait pour pouvoir confier, certes à tort, certaines de ses attributions à un autre agent du service afin de préserver la continuité du service public, le maire a, à la suite de sa demande et de celle du syndicat autonome et indépendant des territoriaux des Pyrénées-Orientales, repris immédiatement la précédente délégation de signature dès le retour de congé de Mme A..., ce dont le personnel communal a été immédiatement informé par une note de service du maire. La seule circonstance que Mme A... n'a pas perçu son traitement du mois de septembre 2017 le même jour que l'ensemble du personnel de la commune, mais plus tard le 2 octobre 2017, pour une mise en paiement le 26 septembre 2017 par le comptable public eu égard aux délais de versement effectif de sa paye, ne peut être regardée comme constitutive d'une menace, violence, voie de fait, injure, diffamation ou outrage au sens de l'article 11 du 13 juillet 1983. Dans ces conditions, la requérante ne soumet pas au juge d'éléments de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. Dès lors, la décision du 9 octobre 2017 du maire de la commune de Tresserre, qui n'avait pas à demander l'autorisation préalable du conseil municipal, de refuser de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, n'est pas entachée d'erreur d'appréciation et ne méconnaît ni l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, ni en tout état de cause, son droit à un procès équitable reconnu par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par la commune de Tresserre, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'enjoindre au maire de Tresserre de lui accorder le bénéfice de cette protection fonctionnelle doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Tresserre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande la commune de Tresserre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Tresserre présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Tresserre.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.
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N° 20MA00063