La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2022 | FRANCE | N°21MA03335

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 08 mars 2022, 21MA03335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 11 mars 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2101112 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 août et 20 octobre 2021 et le
r>8 février 2022, Mme B..., représentée par Me Deixonne, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 11 mars 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2101112 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 août et 20 octobre 2021 et le

8 février 2022, Mme B..., représentée par Me Deixonne, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 juin 2021;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 11 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour

portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de cent euros par jour de

retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas statué sur son moyen tiré de l'erreur de droit commise par la préfète dans l'application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en lui opposant la possibilité du regroupement familial, alors qu'elle n'est pas mariée à son conjoint ;

- la décision de refus de séjour litigieuse est insuffisamment motivée, compte tenu des erreurs commises sur sa situation personnelle et c'est à tort que le tribunal a jugé le contraire ;

- ces erreurs, même matérielles, démontrent un défaut d'examen réel et personnel de sa situation ;

- le refus de séjour en litige est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard du 7° de l'article L. 313-11 du même code, compte tenu de son concubinage depuis 2017 avec un compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle et d'un emploi rémunéré, de la naissance de leur enfant en 2018 et de la vie à leur domicile de la fille aînée de son conjoint ;

- pour les mêmes raisons, cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de titre de séjour viole l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant, ayant pour effet de priver de leur père les deux enfants nés en France, l'un d'eux de nationalité française ;

- en refusant de délivrer un titre de séjour, la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la mesure d'éloignement en litige est illégale, du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et compte tenu de ce qu'elle peut bénéficier de plein droit d'un tel titre sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 ;

- cette obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention de New York.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2021, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête, en soutenant que les moyens qui y sont développés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité marocaine et déclarant être entrée en France le

17 octobre 2018, a demandé le 6 mai 2020 un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par arrêté du 11 mars 2021, la préfète du Gard a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par jugement du

29 juin 2021, dont Mme B... relève régulièrement appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement querellé:

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. S'il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions de son passeport et de son visa espagnol valable du 5 octobre au 18 novembre 2017, que Mme B... est entrée sur le territoire espagnol le 18 octobre 2017 et si elle ne justifie pas, par la seule production d'un billet de bus indiquant un départ le 12 octobre 2017, de la date de son entrée sur le territoire français, la déclaration sur l'honneur du 14 mai 2019, légalisée en mairie le 17 juin 2019 et faite par son compagnon qu'elle dit avoir rencontré au Maroc au cours de l'été 2017 et rejoint dès son arrivée dans l'espace Schengen, indique que leur vie commune a débuté le 1er novembre 2017. De son union avec ce compatriote, titulaire d'une carte pluriannuelle de séjour délivrée le

30 mai 2018 et renouvelée le 20 septembre 2020, est né à Alès le 18 décembre 2018 un enfant qu'ils ont tous deux reconnu. Dans ces conditions, alors que le second enfant du couple est né en août 2021 et que Mme B... contribue à l'éducation de l'enfant de son compagnon, issu d'une précédente union, dont il a la garde, l'arrêté en litige, tant en ce qu'il refuse l'admission au séjour de la requérante qu'en ce qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, a porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels il a été pris, l'intéressée, qui n'est pas mariée à son compagnon, ne pouvant d'ailleurs bénéficier du regroupement familial. L'arrêté en litige méconnaît donc les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme B... est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens, ni de statuer sur la régularité du jugement, il y a lieu d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté en litige.

Sur les conclusions à fin d'injonction

4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

5. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation de la requérante se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté en litige, la délivrance à Mme B... d'un titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Gard de délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois. En revanche il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101112 du 29 juin 2021 du tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté de la préfète du Gard du 11 mars 2021 sont annulés.

Article 2: Il est enjoint à la préfète du Gard de délivrer à Mme B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la préfète du Gard et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 février 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.

N° 21MA033352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03335
Date de la décision : 08/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Textes applicables - Conventions internationales.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : DEIXONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-08;21ma03335 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award