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08/03/2022 | FRANCE | N°21MA02184

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 08 mars 2022, 21MA02184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Aude l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.

Par un jugement n° 2005898 du 3 février 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juin 2021, Mme A... représentée par Me Bidoi

s, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 février 2021 du tribunal administratif de Montp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Aude l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.

Par un jugement n° 2005898 du 3 février 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juin 2021, Mme A... représentée par Me Bidois, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 février 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2020 de la préfète de l'Aude ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aude de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- l'arrêté litigieux n'a pas été précédé de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne est méconnu ainsi que la directive 2008/115/CE ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste de sa situation personnelle ; elle a subi des violences physiques et morales de la part de son époux ; elle s'est fait connaître de l'administration fiscale ; ses deux enfants sont scolarisés en France ; elle est intégrée en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2022, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de Mme A... ne sont pas fondés.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 avril 2021, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Ury.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite du rejet de la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée le 17 décembre 2018 par Mme A..., ressortissante russe d'origine arménienne, née le

8 septembre 1986 à Ninotsminda (Russie), par une décision du 16 août 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui a été confirmée par une décision du

15 octobre 2020 de la cour nationale du droit d'asile (CNDA), la préfète de l'Aude a pris un arrêté le 4 décembre 2020 par lequel elle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 3 février 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, ainsi que l'a retenu à bon droit le premier juge, par arrêté

n° DPPPAT-BCI-2020-033 du 1er juillet 2020, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture du 1er juillet 2020, la préfète de l'Aude a donné délégation à M. Simon Chassard, secrétaire général de la préfecture de l'Aude et signataire de l'arrêté contesté, délégation à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Aude, à l'exception des réquisitions de la force armée ainsi que des arrêtés de conflit. En vertu d'une telle délégation, le secrétaire général était compétent pour signer une mesure d'obligation de quitter le territoire français, sans qu'il fut nécessaire que l'arrêté portant délégation de signature le mentionne expressément. Dès lors, cette délégation, limitée dans son objet, ne revêt pas un caractère général contrairement à ce que soutient la requérante. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte dans ses visas et motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.

4. En troisième lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays de destination. Dès lors, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre de l'arrêté contesté.

5. En quatrième lieu, si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre. (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

6. Par ailleurs, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. À l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié et à produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande qui doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter toutes les précisions qu'il juge utile. Il lui est, en outre, loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

7. En l'espèce, s'il est constant que Mme A... n'a pas été invitée par l'administration à présenter, préalablement à l'édiction de la décision attaquée, ses observations écrites ou orales sur la perspective d'une mesure d'éloignement, elle ne pouvait ignorer qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une telle mesure après le rejet définitif de sa demande d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle a été privée de la possibilité de présenter des observations écrites ou orales ou qu'elle aurait demandé en vain un entretien avec les services préfectoraux. Il suit de là que le moyen tiré du non-respect du droit d'être entendu doit être écarté. Le même moyen, fondé sur la directive n° 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 est dépourvu de la moindre précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

8. En cinquième lieu, il ne ressort pas de l'arrêté ni des autres pièces du dossier que la préfète, qui a procédé à une examen complet et sérieux de la demande de l'intéressée, s'est crue liée par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA pour obliger Mme A... à quitter le territoire français.

9. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée de manière irrégulière et très récemment en France, le 22 octobre 2018, avec ses deux enfants nés en 2014 et en 2016, et que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 16 août 2019 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 15 octobre 2020 de la cour nationale du droit d'asile (CNDA). La décision de l'OFPRA de rejet de sa demande d'asile indique que les déclarations de Mme A... n'ont pas permis d'établir les faits allégués selon lesquels elle aurait été persécutée par son mari en raison de ses convictions religieuses. La requérante ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'elle reconstitue sa cellule familiale dans son pays d'origine, où elle ne soutient ni même allègue ne pas disposer d'attaches familiales et privées, où elle a vécu l'essentiel de son existence, et où ses deux jeunes enfants peuvent poursuivre leur scolarité. Dans ces circonstances, la préfète, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à le supposer soulevé, ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation des intéressés au regard de son pouvoir de régularisation.

10. Enfin, à supposer que Mme A..., dont la demande d'asile a été définitivement rejetée, soutienne qu'elle risque d'être exposée, en cas de retour en Russie, à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ses allégations ne sont pas étayées par les pièces du dossier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Bidois et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 22 février 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.

N° 21MA021842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02184
Date de la décision : 08/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BIDOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-08;21ma02184 ?
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