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08/03/2022 | FRANCE | N°20MA03000

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 08 mars 2022, 20MA03000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E..., M. D... E... et M. F... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, par un recours enregistré sous le n° 1803594, de condamner solidairement l'office public de l'habitat (OPH) Var Habitat, la commune de Grimaud, la société Gaiero TP, représentée par son liquidateur judiciaire, Maître Doloret, le groupement d'intérêt économique (GIE) Auxitec, la société par actions simplifiée (SAS) Garnier Pisan et cie, représentée par son mandataire judiciaire, Me Marie-Sophie Pel

lier, la société par action simplifiée unipersonnelle (SASU) Eurovia Méditerra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E..., M. D... E... et M. F... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, par un recours enregistré sous le n° 1803594, de condamner solidairement l'office public de l'habitat (OPH) Var Habitat, la commune de Grimaud, la société Gaiero TP, représentée par son liquidateur judiciaire, Maître Doloret, le groupement d'intérêt économique (GIE) Auxitec, la société par actions simplifiée (SAS) Garnier Pisan et cie, représentée par son mandataire judiciaire, Me Marie-Sophie Pellier, la société par action simplifiée unipersonnelle (SASU) Eurovia Méditerranée et la société Artélia bâtiment et industrie, à leur verser la somme globale de 978 207,17 euros, en réparation des dommages causés aux parcelles cadastrées section AC n° 32 et 33, et situées sur le territoire de la commune de Grimaud, dont ils sont respectivement usufruitier et nus-propriétaires, lors de l'exécution des travaux publics liés à la réalisation de logements sociaux sur les parcelles voisines cadastrées section AC nos 37 et 40, et en réparation des préjudices subis par eux de ce fait, avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2018 et capitalisation de ces intérêts et, d'autre part, par un recours enregistré sous le n° 1803597, de leur allouer une provision d'un montant de

75 409,24 euros, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803594, 1803597 du 27 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, prononcé le non-lieu à statuer sur le recours en référé-provision et d'autre part, condamné in solidum l'OPH Var Habitat, la société Gaiero TP, la SAS Garnier Pisan et cie, la SAS Eurovia PACA et la société Artélia bâtiment et industrie à verser aux consorts E... la somme de 7 988 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2018 et leur capitalisation et a mis à la charge de ceux-ci 30 % des frais et honoraires d'expertise liquidés et taxés à la somme de 75 409,24 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 août 2020 et le 6 septembre 2021, les consorts E..., représentés par Me Pion Riccio, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 mars 2020 en tant, d'une part, qu'il a limité à 1 000 euros le montant alloué en réparation du préjudice subi du fait de l'emprise irrégulière, à 4 000 euros le montant alloué au titre du préjudice lié à la modification du talus et à 1 000 euros l'indemnisation de leur préjudice moral, d'autre part qu'il a rejeté leurs prétentions indemnitaires relatives à la modification du ruissellement des eaux de pluie et à l'implantation irrégulière d'une canalisation d'eau pluviale, et enfin, qu'il a mis à leur charge 30 % des frais et honoraires d'expertise ;

2°) à titre principal, de condamner l'OPH Var Habitat, la société Gaiero TP, représentée par son liquidateur judiciaire Maître Doloret, la SAS Garnier Pisan et cie, représentée par son liquidateur judiciaire la SCP Pellier, la SASU Eurovia Méditerranée, la SASU Artelia Bâtiment et Industrie, à indemniser les dommages subis et constitués par l'emprise irrégulière, la modification du talus séparatif, la modification du ruissellement des eaux pluviales et l'implantation d'une canalisation d'eau pluviale et à leur verser à ce titre la somme globale de 514 926, 57 euros en réparation de leurs préjudices matériel et moral, avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2018 et leur capitalisation, de mettre à leur charge l'intégralité des frais et honoraires d'expertise, et de les condamner aux entiers dépens ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'OPH Var Habitat de réaliser les travaux nécessaires à la réparation du dommage subi, tels que décrits dans le rapport d'expertise du

20 décembre 2017, dans un délai de six mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) en tout état de cause, de condamner solidairement l'OPH Var Habitat, la société Gaiero TP, représentée par son liquidateur judiciaire Maître Doloret, la SAS Garnier Pisan et cie et la SASU Eurovia Méditerranée à leur verser une provision d'un montant de 75 409,24 euros, en remboursement des frais d'expertise judiciaire ;

5°) de mettre solidairement à la charge de l'OPH Var Habitat, de la société Gaiero TP, représentée par son liquidateur judiciaire Maître Doloret, de la SARL Dua, représentée par son liquidateur judiciaire Me Leloup Thomas, de la SAS Garnier Pisan et cie, représentée par son liquidateur judiciaire la SCP Pellier, de la SASU Eurovia Méditerranée, et la SASU Artelia Bâtiment et Industrie, la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement querellé n'est pas motivé en ce qu'il laisse à leur charge 30 % des frais et honoraires d'expertise, alors qu'au fond, ils sont les parties gagnantes au sens de l'article

R. 761-1 du code de justice administrative et que la disproportion de ces frais et honoraires n'est pas de leur fait ;

- les travaux et constructions en litige, s'étant traduits par une importante imperméabilisation des fonds supérieurs, la réalisation de murs de soutènement et l'absence de réseau pluvial au droit des façades nord et ouest du bâtiment N, ont modifié l'écoulement naturel des eaux de pluie et sont à l'origine d'un important ravinement sur le terrain, comme l'a constaté l'expert sans excéder sa mission, qui doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros, leur fonds ayant vocation à être classé en zone constructible ;

- en refusant, sans aucune preuve, de reconnaître la réalité de l'implantation dans le tréfonds de leur terrain AC n° 32 d'une canalisation, les premiers juges ont commis une erreur de droit, alors que l'expert a admis cet empiètement sur la base du plan de récolement des travaux et qu'une telle emprise qui fait peser sur le propriétaire une charge anormale engage la responsabilité sans faute du maître de l'ouvrage public, qu'il convient d'indemniser à hauteur de 1 000 euros ;

- l'emprise irrégulièrement réalisée par l'implantation de remblais doit être indemnisée à hauteur de 18 000 euros, en tenant compte de la valeur vénale de leur terrain, appréciée en fonction de sa situation géographique et urbanistique privilégiée, et des diligences des requérants pour faire cesser cet empiètement, lequel a perduré 18 mois ;

- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de procéder à la réparation intégrale de leurs préjudices par l'indemnisation des travaux de reprise de leur propriété de nature à la rétablir dans son état d'origine, lesquels peuvent être réalisés sans porter atteinte à l'intégrité de l'ouvrage public et consistent dans le débroussaillage et la reprise du talus, pour un montant de 475 113 euros, sur la base de conclusions qu'ils ont présentées dès la première instance ;

- en tout état de cause, c'est au prix d'une erreur d'appréciation que les premiers juges ont limité l'indemnisation de la modification du talus à l'octroi de la somme de 4 000 euros, laquelle ne peut être inférieure à 30 000 euros ;

- leur préjudice moral, qui doit être évalué en tenant compte de l'opposition des intervenants à l'opération de construction persistant depuis 2014, doit être réparé par l'octroi de la somme de 5 000 euros ;

- les frais d'avocat et de déplacement avant expertise sont dûment justifiés et justifient l'allocation de la somme de 12 813,57 euros ;

- si la demande de condamnation devait être rejetée, il reviendrait au juge d'appel d'enjoindre au maître d'ouvrage de procéder à la reprise du talus séparant les deux propriétés, à la création du réseau pluvial, à la réalisation d'un mur de soutènement en bordure de la limite séparative entre les points O et U et le reprofilage du talus entre les points C et D, comme l'a préconisé l'expert.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 janvier et les 3 et 20 septembre 2021, l'OPH Var Habitat, représenté par Me Laridan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des consorts E... la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

L'office soutient que :

- alors que seule une aggravation sensible du phénomène naturel d'écoulement des eaux pluviales du fait de la présence d'un ouvrage public peut ouvrir droit à indemnisation, le terrain des requérants recevait déjà, avant les travaux, l'intégralité de ces eaux provenant du terrain communal, du fait de la très forte déclivité de celui-ci, et seules des eaux résiduelles, qui n'aggravent pas cette situation, s'écoulent sur leur fonds depuis les travaux, compte tenu du réseau d'eaux pluviales, notamment ;

- ces écoulements résiduels n'engendrent aucun dommage sur leur propriété, une indemnisation faisant double emploi avec celle allouée par le tribunal au titre de la modification du talus ;

- l'implantation sur leur terrain d'une canalisation n'est pas établie, l'expert concluant à ce titre à une présence purement hypothétique, sur quelques centimètres, et sur la seule base d'un plan schématique, alors qu'à le supposer avéré, un tel empiètement n'engendrerait en l'espèce aucun préjudice ;

- les intéressés réclament à deux reprises le versement d'une somme correspondant au montant des travaux de reprise du talus séparatif, à titre d'indemnisation de deux préjudices différents : celui tiré de la modification du talus séparatif et celui tiré du préjudice matériel lié aux dommages de travaux publics ;

- l'occupation irrégulière et temporaire - de février à mai 2014 - d'une partie leur parcelle pour entreposer du matériel, qui ne les a privés d'aucun loyer, ne saurait être indemnisée sur la base de la valeur vénale de toute la propriété, qui ne s'en est trouvée nullement affectée, et a été justement réparée par l'octroi d'une somme de 1 000 euros ;

- l'indemnisation des travaux nécessaires à la remise en état du talus ne peut être supérieure à la valeur vénale de cette portion de la parcelle AC n° 32, le talus y existant ayant seulement vu sa topographie modifiée ;

- l'appel fondé sur la revalorisation de la somme due au titre du préjudice moral repose sur une cause juridique distincte de la responsabilité sans faute, tirée de la prétendue faute commise en ne reconnaissant que tardivement la modification du talus séparatif ;

- les premiers juges ont indemnisé les frais de déplacement engagés par les requérants au cours des opérations d'expertise, les autres frais de cette nature ayant été exposés en dehors de cette période, sans lien avec le fait générateur de responsabilité ;

- les requérants n'établissent pas que les frais d'avocat seraient liés aux opérations ou à la période d'expertise ;

- les premiers juges, qui n'y étaient pas tenus, ont motivé la répartition de la charge des frais et honoraires d'expertise et ont laissé à juste titre aux requérants la charge de 30 % de la somme correspondante, les intéressés, qui ont inutilement aggravé les opérations d'expertise, étant plus perdants dans l'instance que les intervenants à l'opération de construction ;

- les conclusions subsidiaires aux fins d'injonction sont irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande à l'administration et les intéressés ayant déjà obtenu une indemnisation de leurs préjudices, et ne sont en tout état de cause pas fondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2021, la commune de Grimaud, représentée par Me Clement, conclut au rejet de la requête, à ce que soit mise à la charge de ses auteurs la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la condamnation de l'OPH Var Habitat à la garantir des éventuelles condamnations prononcées contre elle.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable à son égard dès lors, d'une part, qu'elle ne mentionne ni le nom ni le domicile de la commune, en méconnaissance des articles R. 411-1 et R. 811-13 du code de justice administrative et, d'autre part, qu'elle demande la condamnation solidaire de la commune au paiement d'une provision, sans contester le jugement en ce qu'il a mis celle-ci hors de cause ;

- dans l'hypothèse d'une mise en cause de la commune, celle-ci indique que c'est à bon droit et de manière suffisamment motivée que les premiers juges ont réparti la charge des frais et honoraires d'expertise, et qu'elle sollicite le bénéfice de ses écritures de première instance, la commune n'ayant participé ni à la conception ni à la réalisation du projet de construction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2021, la société par action simplifiée (SAS) Garnier Pisan et cie, représentée par Me Kerkerian, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge solidaire des consorts E... les entiers dépens et la somme de

5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'indemnisation du préjudice lié à l'emprise est bien fondée, dès lors que le terrain des requérants, non bâti et inexploité, est inconstructible et fortement en pente ;

- elle n'est pas l'auteur des remblais dommageables, déjà en place lors de son intervention, peu important que le rapport d'expertise ne puisse en déterminer l'auteur ;

- il n'est justifié par les requérants d'aucune aggravation de la servitude naturelle d'écoulement des eaux pluviales sur leur terrain, ni d'aucun dommage généré sur leur propriété, le ravinement allégué ne concernant que le fonds supérieur ;

- au titre de la prétendue canalisation souterraine implantée irrégulièrement, il n'est démontré ni la réalité ni le quantum du préjudice, ni le lien de causalité ;

- s'agissant de la dépréciation permanente d'une propriété due à la seule présence d'un ouvrage public, l'action indemnitaire ne peut être dirigée que contre le maître de l'ouvrage, de sorte que les conclusions contre la société ne sont pas fondées, et qu'en tout état de cause, la condamnation prononcée par le tribunal suivant le partage de responsabilités retenue devra être confirmée ;

- subsidiairement, compte tenu de la réception sans réserve des travaux réalisés par la société, celle-ci serait fondée à appeler en garantie en totalité par l'OPH Var Habitat en qualité de maître d'ouvrage ;

- l'action récursoire subsidiaire de l'OPH contre la société, au sujet des provisions demandées par les requérants, ne peut pas prospérer, l'article 9-7 du cahier des clauses administratives particulières n'ayant pas pour effet de prolonger la responsabilité contractuelle au-delà de la réception pour des dommages causés aux tiers.

Le 20 juillet 2021, M. D... E... et M. F... E... ont informé la Cour du décès de M. B... E....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 août et 5 novembre 2021, la SAS Artélia, venant aux droits de la société Artélia Bâtiment et Industrie, elle-même venant aux droits de la société Auxitec Bâtiment, représentée par Me Lacroix, conclut à titre principal au rejet de la requête, subsidiairement à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a fixé à 21 % la quote-part de la société Artélia Bâtiment et Industrie au titre des frais et honoraires d'expertise et en ce qu'il a limité l'appel en garantie de la société Artélia contre l'OPH Var Habitat à 20% des condamnations prononcées à son encontre, à la condamnation de l'OPH Var Habitat à la garantir de toutes les condamnations dont elle pourrait être l'objet et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge des consorts E... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les travaux en cause n'ont pu causer aucun dommage au titre de l'apport d'eaux pluviales, lequel n'a pas été aggravé par ceux-ci, les eaux de surface étant collectées par des réseaux adaptés et les barbacanes du mur de soutènement se bornant à assurer l'écoulement naturel des eaux pluviales issues des surfaces non imperméabilisées ;

- la pose d'une canalisation souterraine sur le terrain des requérants n'est qu'une hypothèse formulée par l'expert, sans constat sur site, et ne concerne qu'une emprise de quelque cinquante centimètres ;

- c'est à une juste indemnisation des préjudices des requérants que se sont livrés les premiers juges ;

- le préjudice tenant à une dépréciation permanente de la propriété des requérants ne peut être indemnisé que par le maître de l'ouvrage public, aucun fait dommageable n'étant imputable à la société ;

- c'est à tort que les premiers juges ont limité à 20 % l'appel en garantie formé par la société contre Var Habitat ;

- c'est à tort que les premiers juges ont laissé à sa charge 21% des frais et honoraires de l'expertise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2021, la société par action simplifiée (SAS) Eurovia Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par Me Hamdi, conclut au rejet de la requête d'appel, à la réformation du jugement querellé en ce qu'il a prononcé sa condamnation solidaire avec la société Var Habitat et la SAS Garnier Pisan, et à ce que soit mise à la charge des appelants la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions indemnitaires des requérants concernant les prétendus apports d'eaux pluviales sur leur propriété et l'implantation souterraine d'une canalisation et en ce qu'il a indemnisé le préjudice tenant à la modification du talus séparatif, alors que les solutions techniques suggérées par l'expert ne sont pas techniquement réalisables ou ne sont pas de nature à remettre les lieux en leur état d'origine, échappant même à toute compétence du maître d'ouvrage ;

- le jugement doit être réformé en ce qu'il a condamné la société à indemniser les requérants des autres préjudices, faute pour eux d'établir leur imputabilité à la société, sur la base d'un rapport d'expertise peu clair, celle-ci n'étant devenue co-titulaire du lot n° 1VRD que dans un second temps et n'ayant pas à s'assurer du travail accompli par ses prédécesseurs ;

- du fait de la réception définitive et sans réserve des travaux, l'OPH ne peut appeler la société en garantie de toute condamnation à son encontre, cependant qu'en cas de condamnation de la société, l'OPH en qualité de maître de l'ouvrage serait tenu de l'en garantir ;

- à titre très subsidiaire, la société devrait être garantie de toute condamnation par la société Garnier Pisan.

La clôture de l'instruction a été fixée au 8 novembre 2021, à 12 heures, par ordonnance du 8 octobre 2021, puis reportée au 15 novembre 2021, à 12 heures, par ordonnance du

8 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par

l'exécution des travaux publics ;

- le décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Pion Riccio, représentant les consorts E..., de

Me Ratouit, substituant Me Laridan représentant l'OPH Var Habitat, de Me Clement, représentant la commune de Grimaud, de Me Mesellem, substituant Me Hamdi, représentant la société Eurovia Méditerranée, et de Me Xavier, substituant Me Lacroix, représentant la société Artélia.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 juillet 2012, la commune de Grimaud a consenti à l'office public de l'habitat (OPH) Var Habitat, sur les parcelles communales cadastrées section AB n°s 31 et 37 et section AC n° 147, un bail emphytéotique administratif pour la réalisation de soixante logements sociaux, dont quarante logements locatifs, autorisés par permis de construire du 14 juin 2011.

M. B... E..., usufruitier des parcelles non bâties, cadastrées section AC n°s 32 et 33 et mitoyennes du terrain communal, ainsi que ses fils, A.... Francis et Jean-Louis E...,

nus-propriétaires de ces terrains, constatant l'existence de divers désordres sur leur propriété du fait, selon eux, de l'exécution des travaux de construction des logements sociaux, ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon afin notamment d'en déterminer les causes et l'ampleur et de proposer des solutions pour y remédier. Sur rapport de l'expert rendu le

20 décembre 2017, ils ont saisi non seulement l'OPH, mais également les différentes entreprises en charge des lots de l'opération de construction, de demandes tendant à l'indemnisation de leurs préjudices. Par jugement du 27 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur le recours en référé-provision des consorts E..., d'autre part, fait partiellement droit à leur demande de condamnation solidaire de l'OPH Var Habitat, de la société Gaiero TP, de la SAS Garnier Pisan et cie, la SAS Eurovia PACA et de la société Artélia bâtiment et industrie, en leur allouant la somme de 7 988 euros en réparation des préjudices subis du fait d'une emprise irrégulière et de la modification d'un talus séparatif, de leur préjudice moral et de frais engagés et, enfin, a mis à leur charge 30 % des frais et honoraires d'expertise liquidés et taxés à la somme de 75 409,24 euros. Dans le dernier état de leurs écritures, postérieurement au décès de M. B... E..., leur père, MM. Francis et

Jean-Louis E... doivent être regardés comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à leurs prétentions indemnitaires et en tant que 30 % des frais et honoraires d'expertise ont été mis à leur charge.

Sur l'appel principal

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

S'agissant du cadre juridique applicable au litige :

2. D'une part, même lorsqu'ils sont réalisés par des personnes privées, les travaux immobiliers exécutés dans un but d'intérêt général et pour le compte d'une personne publique ont le caractère de travaux publics. Les litiges consécutifs à l'exécution de ces travaux et à la réparation des dommages dont ils ont pu être la cause relèvent de la compétence du juge administratif.

3. D'autre part, le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'architecte et l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

4. Enfin, lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû à l'exécution de travaux publics, le constructeur est fondé, sauf clause contractuelle contraire et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucune réserve de sa part, même non chiffrée, concernant ce litige ne figure au décompte général du marché devenu définitif, à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage, dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise au constructeur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.

5. Il résulte de l'instruction que, bien que réalisés par des personnes privées sous la maîtrise d'ouvrage de l'OPH Var Habitat, établissement public industriel et commercial en vertu de l'article L. 421-1 du code de la construction et de l'habitation, les travaux de construction des soixante logements sociaux en litige, exécutés dans un but d'utilité générale et pour le compte d'une personne publique, constituent des travaux publics. L'OPH Var Habitat, bénéficiaire de ces travaux, ainsi que la société Gaiero TP, la SAS Garnier Pisan et cie, la SAS Eurovia PACA et la société Artélia bâtiment et industrie, entreprises chargées de l'exécution de ces travaux, sont ainsi responsables à l'égard des consorts E..., dont les prétentions sont présentées sur ce seul terrain de responsabilité, des dommages causés par ceux-ci.

S'agissant des mises hors de cause de la commune de Grimaud et du GIE Auxitec :

6. En ne recherchant pas en cause d'appel, ainsi qu'ils l'affirment dans le dernier état de leurs écritures, l'engagement de la responsabilité de la commune de Grimaud du fait de l'exécution de travaux publics réalisés sur ses parcelles, les consorts E... ne remettent pas en cause l'article 1er du jugement attaqué, ni son point 8 qui en est le soutien nécessaire, en ce qu'il met hors de cause la commune. En se bornant, par ailleurs, à affirmer que lorsqu'un désordre résulte de la conjonction de fautes commises par les intervenants à une opération de construction, la solidarité des intervenants doit être reconnue, les appelants ne peuvent être regardés comme discutant sérieusement la mise hors de cause du GIE Auxitec également décidée par le jugement querellé, pris en son point 9.

S'agissant des préjudices qui n'ont pas été indemnisés par les premiers juges :

7. En premier lieu, il résulte du rapport d'expertise du 20 décembre 2017 qu'au nombre des désordres identifiés par l'expert comme trouvant leur origine dans les travaux de construction des soixante logements sociaux sur les parcelles communales, figure un apport d'eaux pluviales de ruissellement dû, selon l'expert, à un remblaiement important, notamment au niveau du talus séparant le terrain d'assiette du projet des fonds E... ainsi qu'à un rehaussement du niveau de ce terrain, notamment des plateformes devant supporter les constructions dénommées J, K, L, M, et N. Si ce rapport précise que les eaux de ruissellement provenant des surfaces imperméabilisées (voiries, toitures) sont pour leur part dûment collectées par des réseaux appropriés, il n'en va pas de même de celles issues des barbacanes des murs de soutènement et de celles provenant du droit des façades ouest et nord du bâtiment N faute de réseau de collecte.

8. Toutefois, il ressort clairement des énonciations de ce même rapport d'expertise, et il n'est pas sérieusement contesté par les appelants qui se bornent pour ce faire à produire en appel des clichés photographiques peu évocateurs, que cet apport d'eaux de ruissellement se traduit par un ravinement sur les seules parcelles supportant les constructions sociales, lequel engendre seulement des écoulements d'eaux pluviales sur la propriété des intéressés. Il résulte en outre de l'instruction, et il n'est pas davantage contesté, que compte tenu de la forte déclivité d'ouest en est des fonds E..., ces terrains recevaient déjà les eaux de ruissellement des parcelles communales situées en surplomb. Ni ce rapport ni aucune autre pièce du dossier ne sont de nature à établir que, du fait de la réalisation des travaux ou de la présence des constructions sur les terrains communaux, et plus particulièrement de l'imperméabilisation des sols qu'ils ont induite, les conditions d'écoulement des eaux de pluie sur les fonds des requérants se seraient aggravées de manière significative ou appréciable. Ainsi les intéressés, qui ne justifient d'aucun dégât ou risque sérieux de dégât sur leurs propriétés ni, partant, du chiffrage de leurs conclusions indemnitaires présentées à ce titre, ne sont pas fondés à réclamer l'indemnisation d'un préjudice lié aux écoulements d'eaux de pluie issus des soixante logements construits sous la maîtrise d'ouvrage de l'OPH Var Habitat, ni par conséquent, à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ces prétentions.

9. Certes, en second lieu, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, le rapport d'expertise du 20 décembre 2017 conclut de manière affirmative, et non hypothétique, par le rapprochement d'un plan de géomètre, d'un plan de récolement des travaux et d'un plan " voirie réseaux divers ", à l'implantation souterraine, sur quelques centimètres, depuis la sortie du bassin de rétention du projet en direction de l'exutoire, d'une canalisation d'évacuation d'eaux pluviales sur la parcelle AC n° 32 des requérants. Cependant, dans la mesure où l'un des plans ainsi rapprochés par l'expert pour parvenir à cette conclusion, établis à des échelles différentes, ne matérialisait pas la limite séparative des fonds, et où cette conclusion, qui aurait dû être émise sous la forme d'une simple hypothèse, n'a pas été confirmée par une visite sur place ou l'emploi d'une technique d'exploration, et n'est corroborée par aucune autre pièce du dossier, l'existence d'un empiètement même léger sur la propriété des appelants par une canalisation souterraine ne peut être tenue pour justifiée. Ainsi, les consorts E... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal n'a pas fait droit à leurs conclusions tendant à la réparation du préjudice lié à un tel empiètement.

S'agissant des préjudices déjà indemnisés par le jugement attaqué :

10. Lorsqu'un dommage causé à un immeuble engage la responsabilité d'une collectivité publique, le propriétaire peut prétendre à une indemnité couvrant, d'une part, les troubles qu'il a pu subir, du fait notamment de pertes de loyers, jusqu'à la date à laquelle, la cause des dommages ayant pris fin et leur étendue étant connue, il a été en mesure d'y remédier et, d'autre part, une indemnité correspondant au coût des travaux de réfection. Ce coût doit être évalué à cette date, sans pouvoir excéder la valeur vénale, à la même date, de l'immeuble exempt des dommages imputables à la collectivité.

11. Premièrement, pour demander la revalorisation de la somme de 1 000 euros allouée par les premiers juges, en réparation de leur préjudice subi du fait de l'occupation irrégulière de leur parcelle par divers matériels et matériaux de chantier, à compter de 2013 et pendant

dix-huit mois, laquelle n'a emporté aucune dépossession, les consorts E... ne peuvent utilement se prévaloir de la valeur vénale de ce terrain. Compte tenu du caractère naturel, non bâti et inconstructible de celui-ci du fait de son classement au plan local d'urbanisme de la commune, ainsi que du caractère limité et localisé de l'empiètement, et faute pour les intéressés de soutenir avoir été empêchés d'y mener à bien un projet au cours de la période d'occupation irrégulière, ils ne sont pas fondés à réclamer une somme supérieure à 1 000 euros en réparation du préjudice subi.

12. Deuxièmement, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges sur la base du rapport d'expertise précité, les travaux de terrassement entrepris dans le cadre de la réalisation du projet de construction de soixante logements sur les parcelles cadastrées section AC nos 37 et 40 ont entraîné un changement de la position du talus séparatif, situé, à l'est, de part et d'autre de ces deux dernières parcelles qui appartiennent à la commune de Grimaud et de celles appartenant aux consorts E..., avec notamment un empiètement sur le fonds de ces derniers. Selon le rapport d'expertise, cet empiètement sur la propriété des requérants, qui représente un volume de terre de 511 m3, se matérialise par une hauteur supplémentaire de talus, et non par une augmentation de l'emprise au sol de celui-ci. Si, sur la base de ce rapport, les appelants affirment que le principe de réparation intégrale de leur préjudice implique que leur soit allouée la somme, évaluée par l'expert à partir de devis estimatifs, correspondant aux travaux de débroussaillage et de reprise du talus, et égale à 475 113 euros, ils n'établissent, par la seule invocation de cette pièce, ni que les travaux de débroussaillage et de reprise ainsi évalués seraient nécessaires à la remise en état des lieux, ni que le coût invoqué des travaux de reprise du talus n'excède pas la valeur vénale de cette partie de leur propriété. Il ne résulte pas de l'instruction que l'empiètement en cause réduirait de manière substantielle la constructibilité de leur terrain, dont il est constant qu'il est rangé en zone inconstructible au document d'urbanisme de la commune de Grimaud.

En accordant aux consorts E... la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de cet empiètement en volume, le tribunal en a donné une juste indemnisation.

13. Troisièmement, en se bornant à produire, en première instance comme en appel, des billets de train et leurs factures, correspondant aux trajets aller-retour entre la région parisienne et la commune de Grimaud, les appelants ne justifient pas que de tels déplacements auraient été motivés exclusivement ou principalement par les opérations d'expertise menées du

18 février 2016 au 21 décembre 2017. Il en va de même des frais exposés pour le déplacement au cabinet de leur avocat les 13 et 14 mars 2018.

14. Quatrièmement, les consorts E... réclament l'indemnisation des frais d'avocat exposés pour les besoins des opérations de l'expertise judiciaire, en demandant en appel le versement de la somme ramenée à 9 918 euros. Au soutien de leurs prétentions, ils produisent pour seule pièce une facture, déjà soumise aux premiers juges, certes établie par l'avocat dont le nom figure dans le rapport d'expertise du 20 décembre 2017, mais dont l'acquittement effectif ne résulte ni de ce document ni d'aucune autre pièce, et qui, en se référant à une précédente facture non versée au dossier d'instance, fait apparaître des provisions déjà versées pour un montant supérieur à 9 918 euros. Par conséquent, ainsi que l'ont considéré les premiers juges, cette facture ne permet pas de considérer les frais et honoraires qui y sont mentionnés comme directement liés aux travaux publics en litige.

15. Enfin, la somme de 1 000 euros allouée par les premiers juges aux consorts E... pour indemniser le préjudice moral qu'ils ont subi en raison des opérations de travaux publics en cause et de leurs conséquences sur leurs parcelles, assure une juste réparation de ce chef de préjudice, en ce compris les tracasseries causées par les démarches engagées pour faire valoir leurs droits depuis 2014.

16. Il résulte de ce qui précède que les consorts E... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a limité à la somme de 7 988 euros l'indemnité allouée en réparation des préjudices subis du fait des travaux publics engagés sous la maîtrise d'ouvrage de l'OPH Var Habitat.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

17. Il ne résulte pas de l'instruction que les requérants auraient présenté à l'OPH Var Habitat, contre lequel sont dirigées leurs conclusions à fin d'injonction, une demande tendant à la réalisation des travaux nécessaires selon eux à la réparation de leurs dommages, tels que décrits dans le rapport d'expertise du 20 décembre 2017. Par suite, ainsi que l'oppose en défense l'OPH Var Habitat et alors que les requérants n'invoquent aucune faute de l'OPH à l'appui de leur demande, de telles conclusions sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les appels incidents :

En ce qui concerne l'appel incident de la SAS Garnier Pisan et compagnie :

18. Même en l'absence de faute, le maître d'ouvrage et les constructeurs sont responsables solidairement des dommages causés aux tiers par l'exécution de travaux publics, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.

19. La SAS Garnier Pisan et cie, attributaire à compter de 2013, avec la société Eurovia Méditerranée, sous la forme d'un groupement momentané d'entreprises conjointes, du lot n° 1 VRD du marché de construction des soixante logements sociaux, incluant la réalisation des terrassements généraux destinés à l'aménagement des plates-formes nécessaires à l'opération, n'allègue pas que les dommages indemnisés par les premiers juges seraient causés par les ouvrages publics constitués par les soixante logements sociaux. Elle ne conteste pas à cet égard les motifs du jugement selon lesquels elle ne s'est pas assurée, préalablement à la reprise du chantier, de la situation réelle des travaux déjà réalisés par le précédent attributaire du lot, notamment en faisant dresser un état des lieux par le géomètre agréé par le maître d'œuvre et le maître d'ouvrage au contradictoire de l'entrepreneur. Dès lors, elle ne peut valablement affirmer que les apports de remblais sur le talus situé à l'intérieur de la propriété des consorts E... ne lui seraient pas imputables car ayant déjà été réalisés par le précédent titulaire du lot. Son appel incident ne peut donc qu'être rejeté.

En ce qui concerne l'appel incident de la société Eurovia PACA :

20. Au titre de son appel incident, la société Eurovia PACA soutient que les dommages causés par les travaux en litige ne lui sont pas imputables, faute pour elle d'avoir été chargée de réaliser, au titre de sa participation à l'exécution du lot n° 1, des apports de remblais périphériques, seuls responsables du préjudice lié à la modification du talus séparatif. Il résulte toutefois du rapport d'expertise du 20 décembre 2017, et il n'est pas sérieusement contesté par cette société, que, compte tenu des missions lui incombant en application du cahier des conditions particulières de la convention de groupement momentané d'entreprises conjointes signée avec la SAS Garnier Pisan et cie, même limitées aux voiries et ouvrages divers, il lui revenait avec celle-ci de s'assurer de la situation réelle des travaux de remblaiement déjà réalisés par le précédent titulaire du même lot, préalablement à la reprise du chantier, et d'en informer le maître d'œuvre et le maître d'ouvrage. La société Eurovia PACA n'est donc pas fondée à prétendre que c'est à tort que, par le jugement querellé, le tribunal l'a déclarée solidairement responsable des dommages causés aux fonds E....

En ce qui concerne l'appel incident de la SAS Artelia :

21. Selon les mêmes règles que celles énoncées au point 18, la société Artelia, qui d'ailleurs présente ses conclusions à titre subsidiaire, ne peut utilement faire valoir que les dommages causés à la propriété des appelants ne lui seraient pas imputables alors qu'elle a fait partie du groupement d'entreprises ayant assuré la maîtrise d'œuvre des travaux publics qui en sont à l'origine et que, contrairement à ce qu'elle affirme, les dommages indemnisés par les premiers juges ne sont pas la conséquence de la présence d'un ouvrage public, mais celle de la réalisation de travaux publics.

Sur les appels provoqués :

22. Dans la mesure où par le présent arrêt, la mise hors de cause de la commune de Grimaud décidée par le jugement attaqué n'est pas contestée, l'appel provoqué de la commune, tendant à ce qu'elle soit garantie par l'OPH Var Habitat des éventuelles condamnations prononcées contre elle, ne peut qu'être rejeté.

23. Les conclusions présentées par la SAS Garnier Pisan et la société Eurovia PACA, tendant à être garanties par l'OPH Var Habitat des éventuelles condamnations prononcées à leur encontre, ne constituent pas des appels incidents, dès lors que l'OPH Var Habitat n'est pas appelant. Ces conclusions ont ainsi le caractère d'un appel provoqué, dont la recevabilité est en conséquence subordonnée à l'admission de l'appel principal formé par les consorts E... et à ce que la situation de leurs auteurs respectifs se trouve aggravée à l'issue de l'instance d'appel. Ainsi qu'il a été dit aux points précédents, la Cour rejette l'appel principal formé par les consorts E.... Ces appels incidents sont donc et en tout état de cause irrecevables, ainsi que le soutient l'OPH Var Habitat, et doivent être rejetés.

24. Dès lors, par ailleurs, que des conclusions similaires sont présentées par la

SAS Artelia, très subsidiairement à ses conclusions tendant au rejet de l'appel principal, il n'y a pas lieu d'y statuer. Il en va également ainsi, pour les mêmes motifs, de ses prétentions tendant, non pas d'ailleurs à ce que la société Dua et le cabinet Aude, parties comme elle d'un même groupement de maîtrise d'œuvre, la garantissent de toute condamnation envers les consorts E..., mais seulement à la reconnaissance de la responsabilité de ces deux sociétés.

Sur les frais d'expertise

25. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. " Aux termes de l'article R. 621-13 du même code : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal (...) en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. ". L'article R. 761-1 de ce code dispose quant à lui que : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties.".

26. D'une part, contrairement à ce que soutiennent les appelants, en se référant au

point 48 de son jugement " aux responsabilités respectives dans la survenance des désordres et au déroulé des opérations d'expertise tel que rappelé dans le rapport déposé en décembre 2017 ", pour répartir entre les défendeurs, parties perdantes, 70% des frais et honoraires de l'expertise et fixer à 30% la part de ces frais et honoraires à la charge des consorts E..., le tribunal, qui n'a pas dénié ce faisant aux requérants la qualité de partie gagnante, a suffisamment motivé sa décision.

27. D'autre part, en vertu des termes mêmes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, la simple circonstance que MM. E... ne sont pas les parties perdantes dans la première instance n'était pas de nature à faire obstacle à ce que, compte tenu des circonstances particulières de l'affaire et en l'absence de disposition particulière, les frais et honoraires d'expertise soient partagés entre les parties à cette instance. Il résulte en outre de l'instruction que si l'expertise sollicitée par les consorts E... portait initialement sur les empiètements causés par les travaux de l'OPH Var Habitat sur leur propriété, les missions de l'expert ont été élargies, à leur demande, aux dommages résultant selon eux des écoulements d'eaux pluviales et l'implantation souterraine d'une canalisation, lesquels n'ont jamais été identifiés par eux ou par l'expert et ne sont d'ailleurs indemnisés ni par le jugement attaqué, ni par le présent arrêt. Il résulte en outre des opérations d'expertise que les consorts E... ont demandé à l'expert de différer la remise de son rapport définitif pour obtenir du juge chargé des expertises au tribunal administratif de Toulon, en mars 2017, que les missions de l'expert portent également sur le chiffrage des mesures de remise en état des lieux, cette tâche ayant impliqué la désignation d'un sapiteur et un renchérissement des frais et honoraires d'expertise. S'il est constant qu'ont pu être observés au cours des opérations d'expertise des retards de transmission par les autres parties de pièces demandées par l'expert, l'exagération des prétentions des consorts E... n'est donc pas non plus étrangère au coût final de l'expertise. Dans ces conditions, MM. E..., qui ne contestent pas le taux de 30% des frais et honoraires d'expertise laissé à leur charge par les premiers juges, mais le principe même de l'obligation qui leur a été ainsi faite, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal n'a pas mis à la charge des défendeurs la totalité de ces frais.

28. Enfin, si la société Artelia demande que soit infirmé le jugement querellé en tant qu'il a fixé à 21 % la part des frais et honoraires d'expertise lui incombant, elle n'assortit pas ses prétentions des précisions suffisantes pour en apprécier la pertinence. De telles conclusions doivent donc être rejetées.

Sur les frais du litige :

29. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... E... et de M. F... E... est rejetée.

Article 2 : Les appels incidents et provoqués de la SAS Garnier Pisan et compagnie, de la SAS Artelia et de la société Eurovia PACA, l'appel provoqué de la commune de Grimaud ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions des autres parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., M. F... E..., à l'OPH Var Habitat, à la commune de Grimaud, à la société Gaiero TP, représentée par son liquidateur judiciaire, Maître Doloret, à la SAS Garnier Pisan et cie, représentée par son liquidateur judiciaire la SCP Pellier, à la SASU Eurovia Méditerranée, et à la SASU Artelia Bâtiment et Industrie.

Copie en sera adressée à l'expert, M. C....

Délibéré après l'audience du 22 février 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.

N° 20MA030002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03000
Date de la décision : 08/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Lien de causalité - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS FAURE ET HAMDI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-08;20ma03000 ?
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