Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... E..., épouse D..., par une requête enregistrée sous le n° 2100044, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du
14 août 2020 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2100043 - 2100044 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2021, et un mémoire enregistré le
13 novembre 2021, Mme E... épouse D..., représentée par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du
26 mars 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 août 2020 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et subsidiairement, d'enjoindre audit préfet de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier faute d'avoir visé ses pièces complémentaires des
22 janvier et 3 février 2021, ainsi que son mémoire complémentaire du 10 février 2021 :
- le signataire de la décision contestée est incompétent ;
- la décision attaquée est entachée d'insuffisance de motivation, et le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation au motif qu'il n'a pas examiné celle-ci au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation concernant la nécessité d'une prise en charge médicale de sa fille B... ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien ; l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme est méconnu ;
- l'article 3-1 de la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant est méconnu.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Une décision du 25 juin 2021 accorde l'aide juridictionnelle totale à
Mme E....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations du public avec l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Ury.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouse D..., née le 26 août 1985, ressortissante algérienne, relève appel du jugement du 26 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 août 2020 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, et a fixé le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que celui-ci vise le mémoire présenté le 10 février 2021 par la requérante représentée par Me Ruffel. Et, contrairement à ce que soutient l'intéressée, les premiers juges n'ont pas omis de répondre à ses dernières écritures. Par ailleurs, les pièces complémentaires enregistrées les 22 janvier et 3 février 2021 sont réputées visées dans les visas du jugement attaqué contesté à la ligne " autres pièces du dossier ". Par suite,
Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté est entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Thierry Laurent, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault. Par un arrêté du préfet de l'Hérault n° 2020-01-725 du 18 juin 2020, régulièrement publié au recueil spécial n° 98 des actes administratifs de la préfecture le même jour, librement accessible au juge et aux parties, le préfet de l'Hérault lui a donné délégation pour signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault, sous réserve de certaines exceptions dont ne relève pas l'arrêté litigieux. Le second alinéa de l'article 1er de cet arrêté du 18 juin 2020 précise en outre que cette délégation comprend les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers. Par suite, et contrairement à ce que soutient Mme E..., cette délégation ne revêt pas un caractère trop général et le moyen tiré du vice d'incompétence dont serait entaché l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, la décision contestée comporte dans ses visas et motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Plus particulièrement, la décision contestée mentionne la situation familiale et personnelle de l'intéressée, les conditions de son séjour en France, et comporte l'appréciation de l'administration sur celles-ci, ainsi que l'avis émis le 7 août 2020 par le collège des médecins de l'Office Français de l'immigration et de l'Intégration (OFII) qui estime que l'état de santé de l'enfant de la requérante ne nécessite pas son maintien sur le territoire, dès lors qu'il peut bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine, lui permettant ainsi de connaître les motifs du refus qui lui est opposé et de contester la décision attaquée, alors même qu'elle ne vise pas le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée.
5. En troisième lieu, il ressort de la décision contestée que le préfet a statué sur le droit au séjour de Mme E... en faisant application des règles de procédure afférentes à une demande de titre en qualité d'ascendant d'enfant malade au regard de la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers, en sollicitant l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration. Cette démarche démontre par elle-même l'attention dont a fait l'objet la situation particulière de l'enfant concerné. Dans ces circonstances, si l'article 3-1 de la convention précitée n'est effectivement pas visé, cette omission ne saurait à elle-seule suffire à révéler une absence de prise en compte de l'intérêt supérieur de la fille A... la requérante et par suite, qu'une atteinte y serait portée. Le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de la demande de Mme E... doit dès lors être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Si ces dispositions, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade. Et le préfet peut, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, refuser de délivrer une telle autorisation, sous réserve de ne pas entacher sa décision à ce titre d'une erreur manifeste.
7. En l'espèce, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), consulté par le préfet de l'Hérault pour apprécier la situation médicale de la fille A... la requérante qui, née le 24 avril 2007, est atteinte de surdité a, dans son avis émis le
27 août 2020, conclu que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont elle peut bénéficier dans son pays d'origine, et qu'il n'existe aucune contre-indication à ce qu'elle voyage pour se rendre en Algérie. La requérante fait valoir que son enfant bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés pour la période du 1er août 2020 au 31 août 2024, et elle produit une attestation de prise en charge du 1er septembre 2020 par un centre d'éducation spécialisé pour déficient auditif (CESDA) en Institut d'Education Sensorielle et d'Intégration dans l'unité d'enseignement du collège Gérard Philippe, ainsi que deux attestations de médecins du
21 janvier 2021 et du 2 février 2021 faisant état des progrès de l'enfant, qui est appareillé depuis le mois de septembre 2019 pour pallier sa déficience auditive. Cependant, ces seuls documents ne sont pas par eux-mêmes susceptibles de remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII selon laquelle l'enfant peut poursuivre en Algérie un traitement de même nature que celui suivi actuellement en France, et est en mesure de voyager.
8. Dans ces circonstances, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault, en refusant, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de régulariser sa situation en raison de l'état de santé de son enfant, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 6-5 de la convention franco-algérienne stipule : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
10. Mme E... déclare être entrée en France en septembre 2018 munie d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles, accompagnée de son mari et de ses
trois enfants nés en Algérie, et s'y être maintenue habituellement depuis, son quatrième enfant étant né le 30 octobre 2018 sur le territoire national. Ainsi, elle estime avoir transféré en France le centre de sa vie privée et familiale. Cependant, le droit à mener une vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme comportant pour un État contractant l'obligation générale de respecter le choix par des couples mariés de leur domicile commun sur son territoire. Il est constant que la requérante et son mari, de même nationalité, disposent en Algérie de l'ensemble de leurs familles, que les deux époux se maintiennent irrégulièrement en France, et que leurs enfants ne sont scolarisés en France que depuis le mois de janvier 2019. Ceux-ci peuvent poursuivre leur scolarité en Algérie, et le handicap de la fille, qui est appareillée, peut y être traité. Dans ces circonstances, l'arrêté pris par le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme E... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de la convention franco-algérienne doivent être écarté. Pour les mêmes motifs il n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation de la situation personnelle de la requérante.
11. En sixième lieu, dès lors que l'enfant peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, et que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale s'y reconstitue, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Montpellier qui rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 14 août 2020. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent par voie de conséquence être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 1er février 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.
N° 21MA03333 2