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18/02/2022 | FRANCE | N°21MA03614

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 18 février 2022, 21MA03614


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 25 mars 2021 par lequel le préfet de l'Hérault, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102350 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a, à l'article 1er, annulé l'arrêté du 25 mars 2021 en tant qu'il porte refus de délivrer un titre de séjo

ur en qualité d'étranger malade, à l'article 2, enjoint au préfet de l'Hérault de réex...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 25 mars 2021 par lequel le préfet de l'Hérault, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102350 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a, à l'article 1er, annulé l'arrêté du 25 mars 2021 en tant qu'il porte refus de délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, à l'article 2, enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois, de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour et, à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 août 2021, sous le n° 21MA03614, Mme B..., représentée par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour en qualité de salarié ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, portant autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de l'erreur de droit et d'appréciation quant au refus de titre de séjour mention " salarié " et a soulevé, sans adresser au préalable un moyen d'ordre public, un élément qui n'était pas opposé par le préfet, violant ainsi les droits de la défense et le principe du contradictoire ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit en refusant de statuer alors qu'elle avait transmis les pièces demandées ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme B....

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 3 février 1985 à Abidjan (Côte d'Ivoire) et de nationalité guinéenne, est entrée en France le 31 août 2014, sous couvert de son passeport muni d'un visa de long séjour valant titre de séjour mention " étudiant ", valable jusqu'au 29 août 2015. Elle a obtenu, le 21 janvier 2016, une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", valable du 30 août 2015 au 29 août 2016, renouvelée jusqu'au 14 septembre 2018. Le 22 mai 2018, elle a sollicité un changement de statut afin de bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. En l'absence de réponse à cette demande, elle a déposé, le 9 octobre 2018, une demande de renouvellement de son titre de séjour étudiant auprès du préfet des Pyrénées-Orientales, ainsi que le 7 janvier 2019, une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Elle a produit également deux demandes d'autorisation de travail établies le 23 décembre 2020 par la Sarl DMD et la société CBM Nettoyage concernant deux contrats à durée indéterminée et à temps partiel pour un poste de femme de ménage et, enfin, un avenant à un contrat à durée indéterminée établi le 1er février 2019 par la société Derichebourg Propreté, pour un poste d'agent de service. Par arrêté du 25 mars 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement en date du 15 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour mention " salarié ". Ainsi, elle doit être regardée comme demandant l'annulation de l'article 3 de ce jugement rejetant le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour écarter les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation soulevés par Mme B... à l'encontre de l'arrêté en litige en tant qu'il porte refus de titre de séjour " salarié ", le tribunal a estimé que le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande de titre de séjour au motif que l'intéressée n'avait pas répondu à la demande de pièces complémentaires qui lui avait été adressée par un courriel du 14 janvier 2021 et que si la requérante objecte avoir transmis les pièces réclamées par un courriel du 27 avril 2021 et disposer de plus deux années d'expérience dans le secteur de l'entretien, il est constant que son titre de séjour étudiant était expiré à la date de la présentation des demandes d'autorisation de travail et qu'elle ne justifie pas d'autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, de sorte que la situation de l'emploi était opposable à sa demande. En statuant ainsi, le tribunal a procédé à une substitution de motifs qui n'était pas demandée par le préfet de l'Hérault sans la soumettre au principe du contradictoire. Par suite, l'article 3 du jugement attaqué doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal et la Cour.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 mars 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour mention " salarié :

4. L'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est ainsi suffisamment motivé. La circonstance que cet arrêté ne comporte aucune précision quant au fait que seule une société sur les trois l'employant n'a pas répondu et sur la nature des documents manquants ne révèle par elle-même qu'il serait insuffisamment motivé.

5. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " ; (...) / La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° du présent article est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi, à l'étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret et modulé, le cas échéant, selon le niveau de diplôme concerné ". L'article R. 5221-20 du code du travail dispose, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté que : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail; (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail (...) : / 1° Étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-2 du code précité : " Sont dispensés de l'autorisation de travail prévue à l'article R. 5221-1 : (...) 4° L'étudiant ayant été admis au séjour dans un autre État membre de l'Union européenne et séjournant en France, après notification de sa mobilité aux autorités administratives compétentes, pour effectuer une partie de ses études dans les conditions prévues à l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui exerce une activité professionnelle à titre accessoire dans les conditions prévues à l'article R. 5221-26 ; (...) ". Selon l'article R. 5221-21 du même code : " Les éléments d'appréciation mentionnés au 1° de l'article R. 5221-20 ne sont pas opposables lorsque la demande d'autorisation de travail est présentée au bénéfice de : (...) / 3° L'étudiant visé au septième alinéa de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, titulaire d'un diplôme obtenu dans l'année, justifie d'un contrat de travail en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle ; (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que par courriels des 3 et 23 décembre 2020, les services de la préfecture ont demandé à Mme B... de produire un certain nombre de documents pour instruire sa demande de titre de séjour mention " salarié ", dont les justificatifs de recherche infructueuse de candidat sur le marché du travail en France. La requérante a transmis deux demandes d'autorisation de travail, pour des postes de femme de ménage en contrat à durée indéterminée à temps partiel, établies le 23 décembre 2020, par la Sarl DMD et par la société CBM Nettoyage, ainsi qu'un avenant à un contrat à durée indéterminée établi le 1er février 2019 par la société Derichebourg Propreté pour un poste d'agent de service. Par courriel du 14 janvier 2021, la préfecture de l'Hérault lui a demandé de fournir les justificatifs de dépôts d'offres auprès de Pôle Emploi par ces employeurs. Par un avis émis le 15 mars 2021, la DIRECCTE Occitanie a estimé qu'il ne pouvait être donné une suite favorable à sa demande du fait que les parties n'ont pas répondu aux demandes de pièces complémentaires. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les trois employeurs de Mme B... auraient transmis ces documents au préfet. Par ailleurs, la situation de l'emploi prévue au 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail pouvait lui être opposée dès lors qu'elle ne justifiait pas de contrat de travail en relation avec sa formation en master de sciences, technologies et santé obtenu au titre de l'année 2015/2016, comme le prévoit l'article R. 5221-21 du même code. Elle ne peut dès lors utilement soutenir qu'aucun fondement juridique n'imposait de produire ces pièces. Le préfet de l'Hérault a ainsi pu légalement lui refuser la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié " au motif que les parties n'ont pas répondu aux demandes de pièces complémentaires et qu'il ne pouvait ainsi être donnée une suite favorable à sa demande de changement de statut.

7. Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". (...) / La carte ainsi délivrée donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-26 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " L'étranger titulaire du titre de séjour ou du visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois mentionné au 7° de l'article R. 5221-3 portant la mention étudiant est autorisé à exercer une activité salariée, à titre accessoire, dans la limite d'une durée annuelle de travail égale à 964 heures. (...) ".

8. Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions mentionnées au point 7, ni de celles des articles L. 5221-9, R. 5221-27 et R. 5221-28 du code du travail selon lesquelles l'employeur doit adresser au préfet qui a accordé le titre de séjour " étudiant " une déclaration nominative préalable au moins deux jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche comportant notamment l'indication de la nature de l'emploi, de la durée du contrat et le nombre d'heures de travail annuel dès lors qu'elle a sollicité un changement de son statut " étudiant " pour l'obtention d'un titre de séjour " salarié ".

9. Aux termes de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. (...) ".

10. Eu égard à l'objet de sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié ", Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration qui ne s'appliquent qu'aux erreurs matérielles lors du renseignement de la situation d'une personne ni de la présomption de bonne foi au profit de l'administré, en cas de sanction pécuniaire.

11. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Hérault a examiné l'opportunité d'une mesure de régularisation de Mme B... en fonction de l'ensemble de sa situation personnelle. Si la requérante se prévaut de sa bonne foi et de celle de son employeur, de la réalité et du sérieux du suivi de ses études, de ce qu'elle est une employée rigoureuse ayant obtenu une attestation de l'un de ses employeurs au regard de son implication lors de la crise sanitaire, ces circonstances ne justifient pas par elles-mêmes qu'il soit procédé à une régularisation de sa situation à titre exceptionnel. Par suite, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 25 mars 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour mention " salarié ".

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de Mme B....

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 3 du jugement du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour mention " salarié " devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 4 février 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 février 2022.

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N° 21MA03614

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03614
Date de la décision : 18/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-18;21ma03614 ?
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