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17/02/2022 | FRANCE | N°21MA02158

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 février 2022, 21MA02158


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) La Siesta a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2012 à 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2014, et des pénalités correspondantes, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1759 du code général des i

mpôts.

Par un jugement n° 1901395 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Basti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) La Siesta a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2012 à 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2014, et des pénalités correspondantes, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1901395 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Bastia a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement d'un montant de 418 865 euros accordé en cours d'instance et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021 et des mémoires, enregistrés le 21 décembre 2021 et le 17 janvier 2022, la SARL La Siesta représentée par Me Albert, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 29 avril 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, insuffisamment motivé, est irrégulier ;

- les premiers juges ont dénaturé les faits et entaché leur jugement d'erreurs ;

- la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales a irrégulièrement été mise en œuvre, ce qui a eu pour conséquence de la priver de garanties substantielles ;

- c'est à tort que le service a rejeté la comptabilité, alors qu'un sinistre a entraîné une perte des données ;

- la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l'administration est excessivement sommaire et radicalement viciée ;

- la majoration pour manquement délibéré est injustifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le 10 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- si la Cour devait considérer que l'administration était tenue de faire application de la majoration prévue à l'article 1732 du code général des impôts pour opposition à contrôle, il entend invoquer, au titre de la substitution de base légale, ces dispositions comme nouveau fondement légal des pénalités appliquées, dans la limite du montant en litige ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL La Siesta, qui exerce une activité de bar, restauration, location de transats et de parasols, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2014. Après avoir mis en œuvre la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales pour opposition à contrôle fiscal et rejeté la comptabilité de la société comme non probante, l'administration fiscale a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires. L'administration l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2014. Le service a également appliqué l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. Par une décision du 3 juin 2020, postérieure à l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Bastia, la directrice départementale des finances publiques de la Haute-Corse a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme totale de 418 865 euros au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à l'exercice clos en 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant aux apports en comptes courant d'associés non justifiés pour les exercices clos 2012 et 2013, ainsi que de l'intégralité de l'amende fiscale. Par un jugement du 29 avril 2021, dont la SARL La Siesta relève appel, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement ainsi prononcé et a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la SARL La Siesta, a répondu de façon suffisamment circonstanciée, respectivement aux points 4 et 14 de son jugement, aux moyens tirés de ce que l'administration ne pouvait pas faire usage de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales et de ce que la majoration pour manquement délibéré est injustifiée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

3. D'autre part, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SARL La Siesta ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, de la dénaturation des faits et des erreurs que les premiers juges auraient commises.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en œuvre du contrôle dans les conditions prévues aux I et II de l'article L. 47 A. (...) ". Selon le II de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : (...) c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 27 novembre 2015, que la société requérante a opté le 8 juillet 2015 pour la mise à disposition de l'administration de copies de fichiers informatiques lui permettant de réaliser elle-même les traitements informatiques nécessaires à la vérification de comptabilité menée au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2014 et qu'elle a été informée des traitements informatiques que le service souhaitait mettre en œuvre. Toutefois, en réponse à la demande de l'administration du 7 septembre 2015 de remise de copies des fichiers se rapportant à la période vérifiée, la société a seulement transmis, le 21 septembre 2015, des fichiers concernant la période du 2 mai au 20 septembre 2015, soit postérieure aux années contrôlées. Compte tenu de l'absence de transmission des fichiers informatisés nécessaires au contrôle, le vérificateur a établi, le 28 octobre 2015 un procès-verbal de constatations contresigné par le représentant de la société, et a mis en garde ce dernier sur les conséquences de la persistance d'un tel comportement pouvant conduire à la mise en œuvre de la procédure prévue au deuxième alinéa de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Si la société se prévaut de l'incendie de l'établissement survenu en juin 2012, cette circonstance ne saurait justifier l'absence de données pour la période postérieure à celui-ci, et, en tout état de cause, selon le constat d'huissier produit, le sinistre n'a pas détruit entièrement l'établissement et aucune constatation ne fait état spécifiquement de la caisse enregistreuse. Ainsi, la société requérante ne justifie d'aucune impossibilité matérielle de fournir les fichiers informatiques pour la période de juillet 2012 à mars 2014 alors que le vérificateur a bien constaté la présence d'une caisse enregistreuse dans l'établissement et qu'il résulte de la mention manuscrite portée sur le procès-verbal du 28 octobre 2015 par le représentant de la société qu'une caisse lui avait été prêtée après le sinistre jusqu'à l'achat d'une nouvelle en 2014. Dans ces conditions, le comportement de la SARL La Siesta caractérise une opposition à contrôle fiscal. La circonstance que l'administration n'a pas fait application de la pénalité prévue par l'article 1732 du code général des impôts en matière d'opposition à contrôle fiscal est sans incidence sur cette appréciation. Par suite, l'administration pouvait légalement faire usage de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.

6. Dès lors que l'administration a mis en œuvre à bon droit la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, la SARL La Siesta n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de garanties substantielles attachées à la procédure contradictoire. Au demeurant l'administration fiscale, qui n'y était pas tenue, lui a permis d'accéder au supérieur hiérarchique du vérificateur ainsi qu'à l'interlocuteur départemental.

7. Enfin, à supposer que la société requérante ait entendu se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales du paragraphe 30 de la doctrine référencée BOI-CF-IOR-40 du 12 septembre 2012, cette doctrine, relative à la procédure d'imposition, ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale applicable.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

8. D'une part, il résulte de l'instruction que, pour écarter comme étant non sincère et non probante la comptabilité présentée, le vérificateur a, notamment, constaté l'absence des doubles des tickets de caisse, des fiches de caisse ou des bandes de caisse enregistreuse au titre des exercices vérifiés, l'enregistrement globalisé en fin de journée par type de règlement des recettes et l'absence de ventilation entre les différents taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués. Si la SARL La Siesta se prévaut d'un incendie de l'établissement en juin 2012, cette circonstance ne saurait justifier l'absence de production de pièces justificatives à l'appui de la comptabilité pour la période postérieure à celui-ci. En outre, la circonstance qu'une comptabilité a bien été présentée et qu'un fichier informatique d'écritures comptables a été remis à l'administration, est sans incidence sur les carences constatées s'agissant des pièces justificatives à l'appui de la comptabilité. Par suite, l'administration a pu à bon droit regarder la comptabilité qui lui était présentée comme non sincère et probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société.

9. D'autre part, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la société requérante, qui a régulièrement fait l'objet d'une procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal, supporte la charge de prouver l'exagération des impositions mises à sa charge.

10. La SARL La Siesta reprend en appel, sans apporter aucun élément nouveau, le moyen soulevé dans ses écritures de première instance tiré de ce que l'administration a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires au moyen d'une méthode excessivement sommaire et radicalement viciée dès lors que le vérificateur n'a pas tenu compte des changements dans les conditions d'exploitation du restaurant entre 2012 et 2014, par rapport aux données de l'année 2015, de l'évolution des prix sur la période contrôlée et des données propres de l'entreprise. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 9 à 11 du jugement attaqué.

Sur les pénalités :

11. La SARL La Siesta reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de ce que les pénalités prévues par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas fondées. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 14 du jugement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL La Siesta n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL La Siesta est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limité La Siesta et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2022.

N° 21MA02158 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02158
Date de la décision : 17/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : L.A. SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-17;21ma02158 ?
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