Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C..., par une demande enregistrée sous le n° 2004510, et Mme F... C..., par une demande enregistrée sous le n° 2004509, ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les arrêtés du 13 octobre 2020 par lesquels le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par jugement n° 2004509, 2004510 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Nice a joint ces deux demandes et les a rejetées.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 mars 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Traversini, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2021 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler les arrêtés du 13 octobre 2020 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de leur délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " dès la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
Sur les refus de titre de séjour :
- ils méconnaissent le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ils méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ces refus sont entachés d'erreur manifeste dans l'appréciation de leur situation personnelle ;
- ils justifient d'un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions en litige portent atteinte à l'intérêt supérieur de leur enfant B... au sens de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur les obligations de quitter le territoire français :
- par la voie de l'exception d'illégalité des refus de titre de séjour, elles sont dépourvues de base légale;
- ils ne pouvaient pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été transmise au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Carassic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., de nationalité tunisienne, sont entrés en France en octobre 2015 sous couvert d'un visa Schengen C avec leur enfant mineure B... et ont bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en leur qualité de parents d'enfant malade à compter de novembre 2016 pour Mme C... et à compter de novembre 2018 pour M. C..., qui a été renouvelée plusieurs fois. Ils ont demandé le 14 octobre 2019 au préfet des Alpes-Maritimes la délivrance d'un titre de séjour pour soins médicaux présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par les deux arrêtés en litige du 13 octobre 2020, le préfet a abrogé les autorisations provisoires de séjour dont ils bénéficiaient et a refusé de leur délivrer ce titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nice par lequel les premiers juges, après avoir joint leurs deux demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés, les ont rejetées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...). ". Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande en raison de son état de santé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser de délivrer ou de renouveler le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.
3. Il ressort des pièces du dossier que la jeune B... C..., née le 2 septembre 2012 et âgée de huit ans à la date des décisions en litige, a été opérée d'une tumeur maligne du rein droit et a subi l'ablation de ce rein. La fin de son traitement a été fixée au 30 juin 2016. Elle a ensuite été régulièrement suivie pendant quatre années dans le service d'oncohématologie pédiatrique du centre hospitalier de Nice pour les suites opératoires de ce néphroblastome, qui ont donné lieu à la délivrance aux requérants d'autorisations provisoires de séjour renouvelées à plusieurs reprises. L'enfant a fait l'objet le 14 avril 2020, selon le compte rendu de consultation externe du 30 avril 2020, d'une évaluation à presque quatre ans après la fin du traitement, dont il ressort que l'enfant va bien et que son état de santé sera réévalué dans six mois. Ces certificats médicaux, dont aucun ne précise que l'enfant ne pourrait désormais bénéficier d'une surveillance médicale qu'en France, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du 9 janvier 2020 du collège des médecins de l'OFII, saisi le 14 novembre 2019 dans le cadre de l'instruction des demandes de titre de séjour des requérants, selon lequel, si l'état de santé de l'enfant Lima C... nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'enfant, qui a bénéficié de soins continus en France pendant quatre années, peut bénéficier désormais effectivement d'un traitement approprié en E.... En se bornant en appel à invoquer sans l'établir aucunement que le coût du traitement de leur fille en E... ferait obstacle au suivi médical de leur fille, et alors même que l'état de santé de l'enfant nécessite des soins de longue durée, les requérants n'établissent pas que l'état de santé de leur fille ne pourrait pas être pris en charge en E.... Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait méconnu, à la date de la décision en litige, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de leur délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié prévoit que : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Selon les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). " Il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. M. et Mme C... sont entrés en France en 2015 avec leur deux filles B... et D... née le 7 juin 2017, munis d'un visa Schengen ne les autorisant pas à séjourner durablement en France. S'ils résident en France depuis 2015, seuls les soins exigés par l'état de santé de leur fille B... ont justifié jusqu'alors la délivrance d'autorisations provisoires de séjour à leur bénéfice. La circonstance que les deux enfants des requérants soient scolarisées en France ne fait pas obstacle à ce que la famille se reconstitue dans son pays d'origine et que les enfants poursuivent leur scolarité en E.... Les dispositions précitées ne consacrent pas un droit aux étrangers de choisir librement le pays où établir leur vie familiale. Ainsi qu'il a été dit au point 3, le préfet n'a pas entaché d'illégalité son refus de leur délivrer un titre de séjour en qualité de parent accompagnant un enfant malade. Les requérants ne sont pas dépourvus d'attaches en E... où ils ont vécu respectivement selon leurs propres dires jusqu'à l'âge de trente-neuf ans pour M. C... et vingt-sept ans pour Mme C.... Dans ces conditions, et alors même qu'ils bénéficient depuis le 1er octobre 2020 pour M. C... et depuis mars 2020 pour Mme C..., d'un contrat à durée indéterminée en France, soit depuis une date récente et qu'une partie de leur famille réside régulièrement en France, les requérants n'établissent pas avoir fixé en France le centre de leurs intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. et Mme C... au respect de leur vie privée et familiale. Ainsi, les décisions en litige ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, ni les dispositions de l'article L. 313-117° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché les décisions en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leur situation personnelle.
6. En troisième lieu, en se bornant à invoquer leur bonne intégration socio-professionnelle en France, les requérants n'établissent pas justifier de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel pour être admis exceptionnellement au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'a pas entaché ses décisions de refus de régularisation d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leur situation personnelle.
7. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables, non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs, mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
8. La décision en litige n'a pas pour effet de séparer les requérants de leurs enfants. Les décisions litigieuses ne font état ni d'obstacle à la poursuite de leur vie familiale, avec leurs enfants, en E... ni à la poursuite de la scolarisation de ces dernières dans ce pays. Ainsi qu'il a été dit au point 3, ils n'établissent pas que la poursuite du suivi médical de leur fille aînée ne pourrait pas être assurée en E.... Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés en litige méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :
9. Les décisions de refus de délivrance de titre de séjour n'étant pas entachées d'illégalité, le moyen tiré de ce que les mesures d'éloignement prises sur leur fondement seraient dépourvues de base légale doit être écarté.
10. Le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Si l'autorité administrative ne peut légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant étranger lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, il résulte de ce qui a dit été dit au point 3 que M. et Mme C... pouvaient faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme F... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie pour information en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- Mme Baizet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.
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N° 21MA01270