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08/02/2022 | FRANCE | N°19MA05200

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 08 février 2022, 19MA05200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Oniron a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 par lequel le maire de la commune de Gordes a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif, ensemble la décision du 26 février 2018 du maire rejetant son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté.

Par un jugement n° 1801360 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 no

vembre 2019 et par un mémoire complémentaire enregistré le 13 juillet 2021, la SCI Oniron, repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Oniron a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 par lequel le maire de la commune de Gordes a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif, ensemble la décision du 26 février 2018 du maire rejetant son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté.

Par un jugement n° 1801360 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2019 et par un mémoire complémentaire enregistré le 13 juillet 2021, la SCI Oniron, représentée par Me Hecquet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er octobre 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 du maire de Gordes, ensemble la décision du 26 février 2018 du maire de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de Gordes de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Gordes la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis conforme défavorable du préfet étant entaché d'illégalité, le maire ne pouvait pas se fonder sur cet avis pour refuser de lui délivrer le permis de construire en litige ;

- le signataire de cet avis du préfet est incompétent ;

- contrairement à l'avis du SDIS de Vaucluse du 4 septembre 2017, le terrain d'assiette du projet litigieux n'est pas dépourvu de défense extérieure contre l'incendie au sens de l'article 9.1.2 du règlement du plan de prévention des risques de feux de forêt Monts de Vaucluse ouest approuvé le 9 décembre 2015 et actualisé en avril 2021 ;

- le classement de sa propriété en zone rouge d'aléa feu de forêt fort à très fort par ce plan de prévention, motivé uniquement par l'insuffisance des équipements de défense contre l'incendie, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation dans un espace de " bâti existant groupé ", de l'aléa moyen à fort qui affecte le terrain d'assiette et de l'absence de tout boisement sur le terrain d'assiette du projet ;

- le terrain d'assiette devrait être classé en zone B constructible qui autorise la modification projetée.

La requête a été communiquée à la commune de Gordes qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Hequet représentant la requérante.

Une note en délibéré a été enregistrée le 27 janvier 2022, présentée pour la requérante, et non communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 janvier 2011, le maire de la commune de Gordes a délivré un permis de construire à la SCI Terra Domitia pour édifier une construction d'une SHON de 252 m² avec notamment piscine et pool house sur un terrain sis les Caquettes Sud à Gordes. Ce permis de construire devenu définitif a été transféré par arrêté du 10 mars 2014 à la SCI Oniron. La société requérante a déposé le 22 août 2017 en cours de travaux un permis de construire modificatif pour notamment intégrer le local technique de la piscine et le local chauffage sous la toiture du pool house, d'une surface de 38,60 m², en augmentant ainsi sa surface au sol de 19,40 m². Le maire de la commune de Gordes, soumise au règlement national d'urbanisme en l'absence de document d'urbanisme, a refusé par l'arrêté en litige du 6 novembre 2017 de délivrer ce permis de construire modificatif. La société Oniron a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de cet arrêté du 6 novembre 2017 du maire, ensemble la décision du 26 février 2018 du maire de rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté. Par le jugement dont la société requérante relève appel, les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu. ". Ces dispositions imposent au maire de consulter pour avis conforme le préfet. Le maire se trouve en compétence liée pour se conformer à cet avis et pour refuser l'autorisation sollicitée en cas d'avis défavorable du préfet. Toutefois, le pétitionnaire est recevable à exciper de l'illégalité de cet avis conforme du préfet à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de refus de délivrer l'autorisation d'urbanisme en litige.

3. Pour refuser le permis de construire modificatif sollicité, le maire de la commune de Gordes s'est fondé, en suivant l'avis conforme défavorable du préfet de Vaucluse du 11 septembre 2017, sur le motif tiré de ce que le projet de modification litigieux est situé en zone rouge du plan de prévention des risques de feux de forêts (PPRIF) des Monts de Vaucluse ouest approuvé le 9 décembre 2015 et que ce projet, qui prévoit une extension de l'emprise au sol de 19,40 m² du pool house d'une surface de 38,60 m² non accolé au bâtiment d'habitation, ne respecte pas l'article 2.1 du règlement de ce plan, qui autorise dans cette zone les annexes non accolées au bâtiment d'habitation dans la limite de 30 m² de surface totale de plancher ou d'emprise au sol.

4. Le règlement du PPRIF des Monts de Vaucluse ouest définit la zone rouge, dans laquelle est classé le terrain d'assiette du projet en litige, comme constituée par des massifs forestiers et leurs lisières où l'aléa feu de forêt est fort à très fort, dans lesquels l'ampleur des phénomènes ne permet pas de défendre les unités foncières intéressées et dans laquelle le principe est d'interdire toutes constructions nouvelles et d'y limiter les aménagements. Il précise que des secteurs en aléa moyen peuvent être inclus dans la mesure où leur position dans le massif les rend non défendables contre cet aléa. Le rapport de présentation de ce plan indique, s'agissant du zonage, que les secteurs d'aléa moyen et en présence d'un " bâti diffus et groupé " sont classés en zone constructible B3 quel que soit le type d'urbanisation, à l'exception des établissements à risque, à l'exception de la zone inconstructible R pour les secteurs isolés en cœur de massif boisé.

5. Pour contester la légalité de la décision en litige, la société requérante soutient, par la voie de l'exception, que le classement de son terrain en zone rouge du plan de prévention des risques d'incendie de forêt, sur lequel s'est fondé le préfet dans son avis conforme, est entaché d'illégalité. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la carte d'aléa de ce plan approuvé en 2015, que le terrain d'assiette du projet se situe quant à lui, contrairement aux terrains avoisinants situés en secteur d'aléa fort et très fort et classés en zone rouge, en secteur d'aléa moyen du PPRIF, ce que la commune ne conteste pas. Il ressort du site Géoportail accessible tant au juge qu'aux parties que le terrain d'assiette du projet n'est pas situé dans un secteur isolé au cœur du massif boisé des Monts de Vaucluse au sens du règlement du PPRIF, mais qu'il est situé au sud de ce massif, qu'il est entouré de constructions individuelles, dans un secteur peu boisé de bâti diffus des Caquettes sud, à proximité du centre du village de Gordes. Si le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Vaucluse a émis le 4 septembre 2017 un avis défavorable au projet, en estimant qu'il " n'y a pas de défense extérieure contre l'incendie à proximité du projet ", ce service s'est fondé à tort sur la situation du terrain d'assiette soumis à un aléa feu de forêt très fort, de nature à fausser son appréciation sur les risques encourus. A supposer même que, comme le mentionne l'avis du SDIS, il n'existait pas, à la date de la décision en litige, de poteau incendie conforme aux normes à proximité du projet pour assurer sa défense contre l'incendie, il ressort des pièces du dossier que le projet est accessible directement par la route départementale 177 qui présente une largeur suffisante de 5 m pour permettre l'accès aux véhicules de secours et que les propriétés avoisinantes ainsi que celle de la SCI Oniron disposent de nombreuses piscines. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le classement de sa parcelle en zone rouge, eu égard à la particularité de sa situation en zone d'aléa moyen du plan de prévention des risques d'incendie de forêt dans ce secteur, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, le préfet de Vaucluse a méconnu l'article 2.1 du règlement du PPRIF en donnant un avis défavorable au projet en litige et le maire de Gordes s'est estimé à tort lié par cet avis illégal pour refuser de délivrer à la SCI Oniron le permis de construire modificatif qu'elle sollicitait.

6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder une annulation.

7. Il résulte de ce qui précède que la SCI Oniron est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande et à demander tant l'annulation de ce jugement que de l'arrêté du 6 novembre 2017 du maire de la commune de Gordes.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Le présent arrêt implique nécessairement que le maire de Gordes se prononce à nouveau sur la demande de permis de construire modificatif de la SCI Oniron, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gordes la somme de 2 000 euros à verser à la SCI Oniron sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 1er octobre 2019 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 6 novembre 2017 du maire de la commune de Gordes est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Gordes de réexaminer la demande de permis de construire modificatif de la SCI Oniron dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Gordes versera la somme de 2 000 euros à la SCI Oniron sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Oniron et à la commune de Gordes.

Copie pour information en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.

2

N° 19MA05200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05200
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : HEQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-08;19ma05200 ?
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