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08/02/2022 | FRANCE | N°19MA03612

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 08 février 2022, 19MA03612


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 171 235,86 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté interruptif de travaux pris le 27 mai 2011 au nom de l'Etat par le maire de la commune de Saint-Paulet.

Par un jugement n° 1701218 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te enregistrée le 31 juillet 2019, M et Mme A..., représentés par le cabinet d'avocats T et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 171 235,86 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté interruptif de travaux pris le 27 mai 2011 au nom de l'Etat par le maire de la commune de Saint-Paulet.

Par un jugement n° 1701218 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2019, M et Mme A..., représentés par le cabinet d'avocats T et L, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 juin 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 171 235,86 euros en réparation du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- si la procédure contradictoire avait été respectée préalablement à l'édiction de l'arrêté interruptif de travaux, cet arrêté n'aurait pas été pris, ce qui démontre le lien de causalité entre la faute de l'administration et les préjudices subis ;

- l'expert désigné par ordonnance du 23 juillet 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille a constaté dans son rapport du 19 août 2016 qu'il est possible de terminer la construction en cours pour qu'elle devienne conforme au permis de construire initial en cours de validité dont ils étaient titulaires ;

- le procès-verbal de constat du 9 mars 2011, dont la valeur juridique est contestable, ne constate pas que les travaux entrepris s'agissant de la construction en panneaux et ossatures de bois ne correspondraient pas au permis de construire initial ;

- ainsi, les dommages dont ils demandent réparation trouvent exclusivement leur cause dans l'illégalité de l'arrêté interruptif de travaux ;

- ils sont fondés à obtenir les sommes de 71 632,80 euros au titre des dommages causés à la construction du fait de l'interruption de travaux, de 1 806,31 euros au titre du renchérissement du coût des travaux à effectuer, de 11 520 euros au titre des frais à venir de débroussaillage de la plateforme de travail et de calibrage d'un chemin d'accès pour les engins de levage et de nouvelle installation de chantier, de 59 169,39 euros au titre du préjudice de jouissance subi, de 20 000 euros au titre du préjudice moral subi et de 7 107,36 euros au titre des frais d'avocat exposés pour les différentes procédures contentieuses et d'expertise.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Loiseau, représentant M.et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 février 2008, le maire de la commune de Saint-Paulet a délivré à M. et Mme A... un permis de construire pour édifier une maison individuelle d'une surface créée de 204 m² sur un terrain cadastré section AB n° 105, 106, 108, 109 et 110 situé 9 rue du Château sur le territoire communal. La demande des requérants du 9 février 2011 de permis de construire modificatif en vue de modifier les façades, de supprimer la piscine projetée et d'ajouter un garage, a été refusée par arrêté du 8 mars 2011 du maire. A la demande de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) et après une visite sur les lieux le 9 mars 2011 par un agent assermenté, l'agent verbalisateur a dressé le 7 avril 2011 un procès-verbal d'infraction pour la réalisation d'ouvertures non conformes au permis de construire initial. Par arrêté en date du 27 mai 2011, le maire de Saint-Paulet agissant au nom de l'Etat a ordonné aux époux A... de cesser immédiatement et sans délai les travaux entrepris par eux au motif que ces travaux, qui portaient sur l'élévation d'une construction en panneaux bois et ossature bois, ne correspondaient pas au permis de construire initial, qui portait sur la réalisation d'une construction en parpaings enduits ton pierre et soubassements de pierre locale, et qu'en outre, les ouvertures réalisées ne correspondaient pas à ce permis de construire initial. Saisi par les époux A..., le tribunal administratif de Montpellier, par jugement définitif n° 1103135 du 7 mars 2013, a annulé sur le fondement de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, cet arrêté interruptif de travaux du 27 mai 2011, au seul motif que le maire ne pouvait pas fonder sa décision sur une infraction qui n'avait pas été préalablement constatée par le procès-verbal du 7 avril 2011. Les époux A... ont adressé le 20 décembre 2016 au préfet de l'Aude une demande indemnitaire préalable pour l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité fautive de cet arrêté interruptif de travaux. En l'absence de réponse du préfet, ils ont demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 171 235,86 euros en réparation de ces préjudices. Par le jugement dont les requérants relèvent appel, les premiers juges ont rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'un vice de procédure au motif qu'elle aurait été prise sans le respect de la procédure contradictoire manque en fait, dès lors que, par courrier du 6 avril 2011, le maire a informé les requérants de la mise en œuvre de la procédure contradictoire avant l'édiction de l'arrêté interruptif de travaux et que les époux A... ont fait parvenir au maire le 12 avril 2011 leurs observations par l'intermédiaire de leur avocat.

3. En deuxième lieu, en principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. La responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment.

4. En l'espèce, le permis de construire initial délivré le 13 février 2008 aux époux A... autorisait une construction individuelle en parpaings enduits ton pierre et soubassements de pierre locale, pour reprendre, selon la notice paysagère jointe à la demande de permis, la typologie des murets de pierre courants dans la région, avec l'accord du 11 janvier 2008 de l'architecte des bâtiments de France consulté dans le cadre de l'instruction de ce permis en raison de la présence d'un périmètre de protection d'un monument historique de la croix discoïdale de Saint-Paulet. Toutefois il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de constat d'huissier du 13 mai 2011, que les travaux en cours des époux A... consistaient en la réalisation d'une construction avec des façades en panneaux bois et une ossature en bois sur un châssis en bois de style " écologique " selon les requérants, sans soubassement de pierre et en une modification des ouvertures, alors que leur demande du 9 février 2011 de permis de construire modificatif en vue notamment de modifier ces façades avait été refusée par arrêté du 8 mars 2011 du maire. Dans ces conditions, en l'absence de toute autorisation obtenue pour ces travaux de façades, après avoir fait dresser le procès-verbal de constat d'infraction de la non-conformité de ces travaux, le maire de Saint-Paulet aurait pu légalement à tout moment ordonner leur interruption en application de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, au motif que ces travaux n'étaient pas conformes, à la date de la décision en litige, au permis de construire délivré le 13 février 2008. Si les requérants soutiennent qu'il aurait été possible de terminer la construction en cours pour qu'elle devienne conforme au permis de construire initial en cours de validité, il n'en demeure pas moins qu'à la date de l'arrêté interruptif de travaux, ces travaux n'étaient pas conformes à ce permis de construire, qu'il s'agisse des matériaux employés ou des ouvertures. Par suite, les préjudices invoqués par les requérants sont sans lien direct et certain avec le vice dont est entaché l'arrêté interruptif de travaux du 27 mai 2011 retenu par le jugement définitif du 7 mars 2013 du tribunal administratif de Montpellier. Comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, les préjudices liés aux dommages causés à la construction du fait de l'interruption de travaux, au renchérissement du coût des travaux à effectuer, aux frais à venir de débroussaillage de la plateforme de travail et de calibrage d'un chemin d'accès pour les engins de levage et de nouvelle installation de chantier, au préjudice de jouissance subi, au préjudice moral subi et aux frais d'avocat exposés pour les différentes procédures contentieuses et d'expertise résultent exclusivement de la situation d'illégalité dans laquelle les appelants se sont placés en édifiant sans avoir obtenu de permis de construire modificatif une construction avec des façades composées de panneaux en bois et une ossature en bois et avec une modification des ouvertures par rapport au permis de construire initial. Dès lors, leurs conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

5. Il résulte de ce qui précède que les époux A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme réclamée par M. et Mme A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et à la ministre de la transition écologique.

Copie pour information en sera adressée à la commune de Saint-Paulet et au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.

2

N° 19MA03612


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03612
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Contrôle des travaux. - Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : AARPI THALAMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-08;19ma03612 ?
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