Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 16 août 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours formé le 3 janvier 2017, devant la commission des recours des militaires, afin d'obtenir son reclassement en échelle de solde numéro 4 à une date antérieure au 1er juillet 2016 et d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer sa situation et de prendre toutes les mesures de régularisation administratives et financières rendues nécessaires par la mise en œuvre de l'annulation demandée.
Par un jugement n° 1701867 du 15 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juillet 2019 et 15 avril 2021 sous le n° 19MA03576, Mme C... épouse A... représentée par Me Bourrel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 juillet 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 16 août 2017 en tant qu'elle tend à son reclassement à l'échelle de solde n° 4 à une date antérieure au 1er juillet 2016 ;
3°) d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en vue de la reclasser à l'échelle de solde n° 4 à une date antérieure au 1er juillet 2016 et de prendre toutes les mesures de régularisation nécessaires, dans le même délai sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 1 500 euros au titre des frais engagés devant le tribunal administratif de Toulon et de 2 000 euros au titre des frais engagés devant la Cour, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
A titre principal :
- le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'irrégularité en jugeant inapplicables à l'espèce les dispositions législatives retenues pas la ministre des armées comme l'unique base légale de sa décision, en s'abstenant ensuite de soulever d'office, pour ce même motif, le moyen d'ordre public tenant à la méconnaissance du champ d'application de la loi ;
A titre subsidiaire :
- ils ont omis de soulever un moyen d'ordre public tenant à la méconnaissance du champ d'application de la loi en ne relevant pas que les dispositions de l'article R. 4221-25 du code de la défense ne pouvaient s'appliquer à son cas ;
- le jugement est insuffisamment motivé et irrégulier pour avoir méconnu le moyen d'ordre public tenant à la méconnaissance du champ d'application de la loi ;
- le tribunal a entaché le jugement attaqué d'une insuffisance d'instruction ;
- il a insuffisamment répondu au moyen tiré la rupture d'égalité de traitement ;
- le tribunal a estimé à tort qu'elle n'invoquait la méconnaissance d'aucune norme juridique s'agissant de l'erreur matérielle entachant la décision contestée dès lors qu'elle invoquait les dispositions de l'article L. 4138-11 du code de la défense ;
- les erreurs de l'application Concerto reconnues par l'administration ont nécessairement et substantiellement déterminé la date d'attribution de l'échelle n° 4 ;
- l'instruction n° 13017/DEF/RH-AT/PRH/LEG du 21 avril 2010 présente un caractère réglementaire et constitue le fondement légal de la décision contestée ;
- à défaut de ce caractère, la décision du 16 août 2017 est entachée d'incompétence négative ;
- le tribunal a renversé la charge de la preuve s'agissant de son classement à l'échelle de solde mensuelle n° 4 ;
- il a manqué à son office en ignorant le fait que la décision contestée mentionnait la date à laquelle elle pouvait se voir attribuer l'échelle de solde n° 4 et en s'abstenant de vérifier la réalité des faits allégués par la ministre des armées ;
- la décision contestée est dépourvue de base légale ;
- la ministre des armées ne justifie pas de la nécessité d'une attente de sept années pour qu'elle bénéficie de l'échelle de solde n° 4 ;
- cette décision est entachée d'une rupture d'égalité de traitement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de Mme C... épouse A....
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... épouse A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me Bourrel, représentant Mme C... épouse A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse A..., s'est engagée en qualité de militaire du rang par contrat signé le 5 janvier 1999 pour une durée de 4 ans renouvelable. Détentrice du grade de caporal-chef de l'armée de terre depuis le 1er octobre 2002 et affectée au sein du service soutien vie d'Hyères, le 1er février 2009, elle a obtenu le certificat de qualification technique supérieur (CQTS) et a été élevée à la distinction de caporal-chef de 1ère classe. Par une décision du 15 septembre 2016, publiée le 27 octobre 2017 au bulletin officiel des armées, Mme C... épouse A... a été classée en échelle de solde mensuelle n° 4 à compter du 1er juillet 2016. Elle a formé, le 21 décembre 2016, un recours administratif préalable devant la commission de recours des militaires (CRM) à l'encontre de la décision du 7 juillet 2016, rejetant sa demande par laquelle elle avait sollicité que l'échelle de solde n° 4 lui soit attribuée à une date antérieure au 1er juillet 2016, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet née le 4 mai 2017 puis d'une décision explicite du 16 août 2017. Elle relève appel du jugement du 15 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 16 août 2017.
Sur la recevabilité de la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet :
2. Si la ministre des armées fait valoir que les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet sont irrecevables dès lors que la décision du 16 août 2017 rejetant explicitement le recours formé par Mme C... épouse A... devant la commission des recours des militaires s'y est substituée, il ressort des pièces du dossier que par un mémoire enregistré le 25 septembre 2017, la requérante a rectifié ses conclusions initialement dirigées contre la décision implicite de rejet du 4 mai 2017 comme étant dorénavant dirigées contre la décision du 16 août 2017. Par suite, cette fin de non-recevoir doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 4138-11 du code de la défense : " La non-activité est la position temporaire du militaire qui se trouve dans l'une des situations suivantes : (...) / 3° En congé parental ; (...) / Le temps passé dans l'une des situations de la position de non-activité est pris en compte dans la durée totale de service du militaire servant en vertu d'un contrat. " L'article L. 4138-14 du code précité prévoit dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée que : " Le congé parental est la situation du militaire qui est admis à cesser temporairement de servir dans les armées pour élever son enfant. (...) / Dans cette situation, le militaire n'acquiert pas de droit à la retraite, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux pensions prévoyant la prise en compte de périodes d'interruption d'activité liées à l'enfant ; il conserve ses droits à l'avancement d'échelon pour la totalité la première année, puis réduits de moitié. Le congé parental est considéré comme du service effectif dans sa totalité la première année, puis pour moitié les années suivantes. A l'expiration de son congé, le militaire est réintégré de plein droit, au besoin en surnombre, dans son corps d'origine ou dans le grade ou l'emploi de détachement antérieur. (...) ". Selon l'article 2 de l'arrêté du 28 août 2009 : " Les brevets militaires donnant accès à l'échelle de solde n° 4 sont (...) pour les militaires de rang : le certificat d'aptitude technique du deuxième degré (CAT 2) ; le certificat de qualification technique supérieure (CQTS) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 2.1.3 de l'instruction n° 13017/DEF/RH-AT/PRH/LEG du 21 avril 2010 : " L'échelle de solde n° 4 est également attribuée sous conditions d\'obtention de diplômes. (...) / Les militaires du rang doivent être titulaires du certificat d\'aptitude technique du 2e degré (CAT 2) ou du certificat de qualification technique supérieur (CQTS). (...) ". L'article 2.2 relatif aux modalités de classement dans l'échelle de solde n° 4 de cette instruction dispose que : " Le contingent d'échelles de solde n° 4 est fixé annuellement par la loi de finances. En conséquence, l'acquisition du titre de qualification exigé pour en obtenir le bénéfice donne simplement vocation au classement dans cette échelle de la solde mensuelle. / Les décisions de classement ne sont prononcées que dans la limite des places disponibles. À défaut de vacance à la date d\'obtention du titre de qualification, le personnel intéressé est inscrit sur une liste d\'attente. (...) ". Selon les dispositions de l'article 2.3.3 de l'instruction précitée : " Les militaires ayant acquis vocation à classement en échelle de solde n° 4 sont inscrits, par ensemble de gestion, sur des listes d'attente ; l'une regroupe les sous-officiers et l'autre les caporaux-chefs. / Les sous-officiers ayant obtenu à la même date le(s) titre(s) de qualification exigé(s) sont classés dans l'ordre décroissant des grades et, à grade égal, dans l'ordre décroissant de l'ancienneté de grade. / Les caporaux-chefs détenteurs du (des) titre(s) de qualification exigé(s) sont classés : / dans l'ordre décroissant de l'ancienneté de service ; / dans l'ordre décroissant de l\'ancienneté de grade ; / dans l'ordre décroissant de l'ancienneté de diplôme. / Les décisions de classement dans l'échelle de solde n° 4 sont prononcées par le ministre de la défense, pour compter du premier jour de chaque mois, dans la limite des volumes attribués et dans l'ordre d'inscription sur les listes d'attente. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse A..., a été recrutée le 5 janvier 1999 et obtenu, le 1er février 2009, le certificat de qualification technique supérieur (CQTS). Elle bénéficiait au 1er juillet 2016, date de son accès à l'échelle n° 4, d'une ancienneté brute de 17 ans 11 mois et 4 jours et d'une ancienneté au titre des services effectifs de 13 ans 7 mois et 11 jours, après soustraction de ses congés parentaux obtenus pour les périodes du 1er janvier 2004 au 30 juin 2004, du 15 août 2007 au 4 juin 2009 et du 24 février 2012 au 25 février 2014. La requérante se prévaut du cas de M. F., caporal-chef engagé le 1er juin 1999, soit cinq mois après elle, promu caporal-chef le même jour qu'elle mais qui a bénéficié de l'échelle de solde n° 4 en octobre 2010, soit avec une ancienneté d'environ 11 ans et 4 mois. Si les 4 ans et 4 mois de congé parental de Mme C... sont ajoutés à cette durée, elle aurait pu, à conditions égales, accéder à l'échelle de solde n° 4 en janvier 2015 au lieu du 1er juillet 2016. La ministre des armées n'apporte aucun élément susceptible de justifier ce décalage. Ainsi, au vu de l'écart significatif et non contesté entre la situation de Mme C... et de M. F., la décision contestée est entachée d'une rupture d'égalité de traitement.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... épouse A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision contestée du 16 août 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement qu'il soit procédé au réexamen de la situation de Mme C... épouse A.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer la situation de l'intéressée avec toutes les conséquences pécuniaires qui s'y rattachent, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel par Mme C... épouse A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 juillet 2019 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la ministre des armées de procéder au réexamen de la situation de Mme C... épouse A... avec toutes les conséquences pécuniaires qui s'y rattachent dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... épouse A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... épouse A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Prieto, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 février 2022.
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N° 19MA03576
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