Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'annuler l'arrêté du
2 novembre 2020 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2003587 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 juin 2021, M. B..., représenté par la
SCP Dessalces, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 2 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à la
SCP Dessalces au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, ou à défaut, à ce que l'Etat lui verse la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement, insuffisamment motivé, est irrégulier ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la durée de sa présence en France et de la réalité et de l'intensité de ses attaches familiales sur le territoire ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 août 2021, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
7 décembre 2021 à 12 heures.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée pour caducité par une décision du 3 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Ury a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 25 octobre 1975, relève appel du jugement du 6 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2020 du préfet du Gard portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En jugeant que l'intéressé " est titulaire d'une carte de résident permanent en Espagne valable jusqu'au 30 juillet 2023 " et que les pièces produites, bien que nombreuses, ne permettaient pas de justifier des dix années alléguées de sa présence en France à la date de la décision attaquée, dès lors notamment qu'aucune de ces pièces ne permettait " de justifier de la continuité de son séjour en France ni de l'intensité de sa vie privée et familiale et témoignent seulement d'une présence ponctuelle sur le territoire français ", les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de motivation doit être rejeté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
4. M. B... soutient être entré en France en mars 2010 accompagné de son épouse et de leurs deux enfants, et s'y être maintenu habituellement depuis, deux autres de ses enfants étant nés sur le territoire national. Ainsi, il estime avoir transféré en France le centre de sa vie privée et familiale. Cependant, le droit à mener une vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme comportant pour un État contractant l'obligation générale de respecter le choix par des couples mariés de leur domicile commun sur son territoire. Il ressort des pièces du dossier que M. B... qui est titulaire d'une carte de résident permanent en Espagne valable jusqu'au
30 juillet 2023, et dont l'épouse bénéficiait d'une carte de résident espagnol valable jusqu'au 3 juillet 2018, a fait l'objet d'un arrêté de réadmission pour l'Espagne exécuté d'office le
8 septembre 2011, ainsi que d'un arrêté portant refus de séjour du 18 mars 2015, qui a été confirmé par un jugement du 9 février 2017 du tribunal administratif de Montpellier.
Le 16 mai 2017, l'intéressé est à nouveau remis aux autorités espagnoles sur le fondement d'un arrêté de réadmission du 25 avril 2017. Son épouse a également fait l'objet d'un arrêté du
19 mai 2017 portant refus de séjour qui a été confirmé le 12 mars 2019 par le tribunal administratif de Montpellier et le 10 novembre 2021 par la présente Cour. Les pièces versées aux débats, consistant essentiellement en des documents médicaux, des avis d'impôt sur le revenu et en une demande de délivrance d'un titre de séjour ne permettent pas de justifier de dix années de présence alléguée sur le territoire national à la date de la décision attaquée, et notamment pas les certificats de scolarité de ses enfants, dès lors qu'il résulte de l'arrêt n° 21MA00619 du
10 novembre 2021 de la présente Cour, portant sur le refus de titre de son épouse, que ses enfants ont été hébergés pendant plusieurs années chez leurs grands-parents. L'appelant est sans ressources, il ne justifie d'aucune insertion socioprofessionnelle sur le territoire national, il a vécu la majeure partie de sa vie au Maroc où ses deux premiers enfants sont nés et il n'établit pas y être dépourvu d'attaches, ni être dans l'impossibilité d'y poursuivre avec son épouse une vie privée et familiale normale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 mai 2021 et de l'arrêté du préfet du Gard du 2 novembre 2020. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Gard.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2022.
N° 21MA022302