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25/01/2022 | FRANCE | N°19MA03284

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 25 janvier 2022, 19MA03284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 avril 2017 par laquelle La Poste a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de douze mois dont six mois avec sursis.

Par un jugement n° 1704232 du 20 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2019, Mme B..., représentée par Me Ceccaldi, demande à la Co

ur :

1°) d'annuler le jugement du 20 mai 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 avril 2017 par laquelle La Poste a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de douze mois dont six mois avec sursis.

Par un jugement n° 1704232 du 20 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2019, Mme B..., représentée par Me Ceccaldi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 mai 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 27 avril 2017 de La Poste ;

3°) d'enjoindre à La Poste de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

4°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 12 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la sanction litigieuse est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le conseil de discipline n'a pas reçu une information complète, impartiale et contradictoire sur les faits qui lui sont reprochés ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle repose sur des faits inexactement qualifiés qui n'ont pas été retenus comme des infractions par le juge pénal ;

- cette sanction est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 juillet 2021, La Poste, représentée par Me Ouadah-Benghalia, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Guadah-Benghalia représentant La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., fonctionnaire de grade CA2 employée par La Poste depuis 1985, exerçant les fonctions de directrice adjointe de l'établissement de Marseille Château-Gombert depuis 2010, s'est vue infliger par une première décision du 17 avril 2014 du directeur régional du réseau La Poste des Bouches-du-Rhône, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions de dix-huit mois dont six mois avec sursis. Cette décision a été annulée par le jugement définitif n° 1404525 du 17 octobre 2016 du tribunal administratif de Marseille au motif de l'insuffisance de motivation de l'avis du conseil de discipline. Après un nouvel avis du conseil de discipline réuni le 8 mars 2017, le directeur régional de La Poste a infligé pour les mêmes faits à Mme B..., par la décision en litige du 27 avril 2017, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de douze mois, dont six mois avec sursis. La requérante a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler cette sanction et d'enjoindre à La Poste de procéder à la reconstitution de sa carrière. Par le jugement du 20 mai 2019, dont Mme B... relève appel, les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, applicable aux agents de La Poste en vertu de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative notamment à l'organisation du service public de La Poste, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " L'organisme siégeant en Conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet./ Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits ". L'article 3 de ce décret prévoit que : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l'administration ". L'article 5 de ce décret prévoit que : " (...) Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. (...). Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer " . L'article 8 de ce décret prévoit que : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de saisine du conseil de discipline a été transmis aux membres du conseil de discipline plusieurs jours avant la séance du conseil. La circonstance que les observations en défense de quarante-trois pages de Mme B..., qui a été convoquée le 22 février 2017, mais qui sont parvenues deux jours avant la séance du 8 mars 2017 du conseil de discipline, aient été lues et communiquées à l'ensemble des membres du conseil de discipline en début de séance, avant la lecture du rapport disciplinaire, ne saurait caractériser par elle-même une méconnaissance du principe du contradictoire, les dispositions de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 n'imposant pas un ordre de lecture entre le rapport disciplinaire et les observations écrites du fonctionnaire. Aucune disposition du décret du 25 octobre 1984 applicable ne prévoit, par ailleurs, ni la transmission du dossier disciplinaire complet aux membres du conseil, ni a fortiori ne fixe un délai avant la tenue de ce conseil pour la communication de ce dossier à ces membres. Dès lors, la requérante ne peut utilement invoquer, à cet égard, l'instruction du 3 février 2005 de La Poste. La requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que ses observations en défense auraient été transmises trop tardivement, le jour même de la séance du conseil de discipline alors que ce fait lui est entièrement imputable. L'article 5 du décret du 25 octobre 1984 ne prévoit pas que l'auteur du rapport doive émettre un avis motivé. Le rapport de saisine mentionne avec suffisamment de précision les faits reprochés à l'agent et les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. Si la requérante soutient que la sanction en litige est fondée sur un rapport d'enquête interne du 5 février 2014 du service national d'enquêtes (SNE) de La Poste empreint de partialité à son encontre, en méconnaissance de la charte de déontologie des enquêteurs de La Poste, ce rapport relate très précisément les faits qui lui sont reprochés en s'appuyant sur des pièces qui sont jointes. La requérante, qui a reconnu pendant la séance du conseil de discipline la matérialité des faits qui lui sont reprochés, n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû, dès le stade du déroulement de cette enquête interne, être entendue pour respecter le principe général des droits de la défense, avant toute décision de saisir ou non le conseil de discipline. Mme B..., qui a ainsi bénéficié de l'ensemble des droits afférents à la procédure disciplinaire, notamment celui de se défendre et, en particulier, de contester l'exactitude matérielle des faits qui lui étaient reprochés, n'est pas fondée à soutenir que la sanction litigieuse serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière, au motif, selon elle, que le conseil de discipline n'aurait pas reçu une information complète et contradictoire sur les faits qui lui sont reprochés.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige ne comporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Marseille par Mme B.... Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 8 du jugement attaqué.

5. En troisième lieu, l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". L'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dispose que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes (...). Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans (...). ".

6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes

7. Pour prendre la décision en litige, La Poste a estimé que la requérante avait manqué à son devoir de probité pour avoir commis trois faits, dont la matérialité n'est pas contestée par la requérante qui les a d'ailleurs reconnus pendant la séance du conseil de discipline, mais dont elle persiste en appel à soutenir qu'ils ne peuvent être qualifiés de manquement à son obligation de probité.

8. Il ressort des pièces du dossier que, le 3 juillet 2012, Mme B... s'est rendue au chevet d'un client de La Poste, atteint d'une tétraplégie traumatique et hospitalisé en service de réanimation, et a autorisé son épouse qui l'accompagnait, à signer elle-même une procuration sur le compte courant de ce client à son bénéfice. Il ressort également du rapport d'enquête que Mme B... a accepté en toute connaissance de cause que soient réalisés trois virements du compte d'épargne de ce même client vers son compte courant postal, le 24 novembre 2012 et le 30 avril 2013, à la demande de son épouse qui a ainsi imité la signature de son mari alors qu'aucune procuration n'avait été établie sur ce compte d'épargne et que la requérante a utilisé les références de sa propre carte nationale d'identité pour valider les virements réalisés en avril 2013. Il ressort enfin de ce rapport d'enquête que, le 18 juin 2013, trois jours après le décès du titulaire du compte bancaire, Mme B... a présenté à la guichetière de son agence sa propre pièce d'identité afin de permettre un retrait en numéraire à partir du compte courant du client par son épouse, qui aurait oublié d'amener la sienne.

9. Il ressort de la réglementation de la Poste qu'une procuration donnée sur un compte doit être signée par le titulaire du compte ou son mandataire, au bureau de poste, une procédure spécifique d'établissement d'une procuration devant notaire étant prévue pour les personnes dans l'incapacité de se déplacer, afin de lutter notamment contre d'éventuelles fraudes ou abus de faiblesse susceptibles d'engager la responsabilité de La Poste. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette réglementation de La Poste est impérative et s'applique à tous ses agents. Les circonstances, invoquées à nouveau en appel, selon lesquelles elle aurait agi ainsi dans le seul but d'aider l'épouse du titulaire du compte qu'elle connaissait personnellement et qui ne disposait d'aucune ressource en dehors de la pension de son mari hospitalisé, et, à la supposer même établie, que l'époux titulaire du compte aurait accepté en toute conscience de donner procuration à son épouse est sans incidence sur la qualification de faute dans l'accomplissement des obligations professionnelles de Mme B..., qui a reconnu pendant le conseil de discipline avoir agi " hors réglementation ", sans pour autant avoir d'ailleurs averti ses supérieurs hiérarchiques des conditions dans lesquelles cette procuration avait été établie. Le montant modeste des trois virements, représentant au total 2 400 euros, et du retrait de liquidité représentant 687 euros n'est pas davantage de nature à remettre en cause la qualification disciplinaire de ces manquements aux obligations de la réglementation postale. Mme B... ne peut utilement se prévaloir de l'arrêt du 31 octobre 2018 par lequel la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a prononcé l'annulation de sa mise en examen du chef d'abus de confiance, en l'absence de caractérisation d'une intention frauduleuse de s'approprier la chose d'autrui, cette appréciation étant sans incidence sur la matérialité des faits qu'elle a commis et sur leur qualification disciplinaire par l'administration, sous le contrôle du juge administratif. Par suite, le fait d'avoir, dans le cadre de ses activités professionnelles, procédé à des falsifications et facilité la commission d'actes frauduleux qui n'auraient pas pu être commis sans sa participation, et quand bien même elle n'a elle-même tiré aucun intérêt ou enrichissement personnel de cet agissement, constitue un manquement à l'obligation de probité qui s'impose à tout fonctionnaire. Dans ces conditions, La Poste n'a pas commis d'erreur dans la qualification juridique des faits reprochés à la requérante.

10. Eu égard à la nature des fonctions exercées par Mme B..., cadre expérimentée, qui exerçait au moment des faits en litige les fonctions de directrice adjointe d'établissement, et aux obligations déontologiques qui s'imposent aux agents de la Banque Postale et notamment au devoir d'exemplarité d'un responsable d'établissement vis-à-vis de son équipe quant au respect des règles de procédure bancaires internes, et au nombre des faits reprochés sur une période s'étendant de juillet 2012 à juin 2013 ainsi qu'à leur gravité, alors même que la manière de servir de la requérante avait été estimée satisfaisante par sa hiérarchie jusqu'au prononcé de la sanction en litige et que La Poste n'a pas subi de préjudice du fait de son comportement, La Poste n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, infligé une sanction disproportionnée en prenant à l'encontre de Mme B... la sanction du troisième groupe de l'exclusion temporaire de fonctions de douze mois dont six mois avec sursis. La circonstance que l'intéressée avait été exclue de ses fonctions pour une durée effective de dix-huit mois en exécution de la première sanction qui a été annulée pour un vice de procédure par le jugement du 17 octobre 2016 du tribunal administratif de Marseille et qui a donné lieu à une reconstitution de sa carrière par La Poste, est par elle-même sans incidence sur la légalité de la sanction prononcée le 27 avril 2017.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 avril 2017 de La Poste. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'enjoindre à La Poste de procéder à la reconstitution de sa carrière doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de La Poste qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros à verser à La Poste au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera la somme de 2 000 euros à La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2022.

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N° 19MA03284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03284
Date de la décision : 25/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CECCALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-01-25;19ma03284 ?
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